Lorsque l’on entend le mot dépistage ces ­temps-ci, on pense tout de suite aux dizaines de milliers de ­Québécois qui font la file chaque jour pour savoir s’ils ont oui ou non contracté la ­COVID-19. Mais au même moment, les activités de dépistage des autres problèmes de santé tournent au ralenti. Une véritable bombe à retardement pour les employeurs.

Plus de 100 000 ­Canadiens seraient atteints de maladies chroniques non diagnostiquées à l’heure actuelle, estime ­Express ­Scripts ­Canada dans un récent rapport. Les données montrent une importante diminution du nombre de nouveaux demandeurs pour des médicaments contre le diabète, les maladies cardiovasculaires et les cancers, entre autres. Autrement dit, des dizaines de milliers de ­Canadiens n’ont pas entrepris le traitement dont ils auraient besoin, faute d’avoir reçu un diagnostic.

Ce retard peut largement s’expliquer par l’accès plus difficile aux soins de santé depuis le début de la pandémie. Or, à long terme, les maladies chroniques qui ne font pas l’objet d’un suivi médical adéquat causent des ravages sur la qualité de vie des travailleurs et la productivité des entreprises. En plus de mener à de l’absentéisme et des congés d’invalidité, ces maladies font grimper les coûts des régimes d’assurance médicaments, car les maladies chroniques prises en charge tardivement requièrent des traitements plus intensifs et coûteux. Selon ­Médicaments novateurs ­Canada, les maladies chroniques sont déjà responsables de 68 % des coûts liés aux demandes de remboursement de médicaments, et de 79 % de la croissance des coûts au pays.

Même lorsque la pandémie sera terminée, le système public de santé aura pris un tel retard que le ­sous-diagnostic des maladies chroniques risque de demeurer un problème pendant de nombreuses années.

Pour protéger la santé de leurs employés autant que la viabilité de leurs régimes de soins de santé, les employeurs auront tout intérêt à mettre la main à la pâte. Depuis quelques années déjà, plusieurs grandes entreprises ont mis sur pied des cliniques de dépistage éphémères directement sur le lieu de travail. Les employés n’ont qu’à s’y présenter pour rencontrer des professionnels de la santé aptes à identifier certains facteurs de risque inhérents aux maladies chroniques. Cela ne règlera évidemment pas tout, mais ces cliniques ont au moins le mérite de mettre la puce à l’oreille de certains employés quant à leurs potentiels problèmes de santé. Pour les plus petites entreprises au budget limité, des outils d’évaluation en ligne peuvent être un bon premier pas.

Les soins de santé virtuels, que la pandémie aura permis de démocratiser, sont un autre outil puissant à la disposition des employeurs en matière de suivi des maladies chroniques. Les assureurs ont également commencé à offrir des programmes d’encadrement pour les employés aux prises avec des ennuis de santé plus complexes à traiter. Aux employeurs d’en profiter.

Des efforts devront en parallèle être consentis en matière de prévention primaire pour éviter que des employés aujourd’hui en bonne santé développent des maladies chroniques. Des données de l’Institut national de santé publique du ­Québec montrent que les habitudes de vie des ­Québécois se sont largement détériorées en raison des mesures de confinement. Entre le manque d’exercice physique, les problèmes de sommeil et la consommation accrue de malbouffe et d’alcool, tous des facteurs de risques majeurs, le fardeau des maladies chroniques continuera certainement de s’alourdir dans les prochaines années.

Avec le vieillissement rapide de la population, les promoteurs de régimes ne pourront pas échapper à la croissance des coûts liés aux maladies chroniques. Mais avec beaucoup de travail et un peu d’imagination, ils pourront très certainement en atténuer l’ampleur.


• Ce texte a été publié dans l’édition de mai 2021 du magazine Avantages.
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