La population du Québec figure parmi celles qui vieillissent le plus vite au monde. De nombreuses études ont fait état des répercussions sur les prestations publiques de retraite — dans un avenir rapproché il y aura un retraité pour chaque travailleur —, ainsi que du besoin de prendre en compte une espérance de vie à la hausse dans ses propres calculs d’épargne.

Mais ce phénomène est également lourd de conséquences pour la santé des personnes et, donc, pour les régimes d’assurance collective. Dans le cadre d’un webinaire cet automne, ­Denis Gobeille, ­CRHA, conseiller en régimes d’assurance collective et ­vice-président au ­Collège des professions financières, a dévoilé quelques données inédites en la matière et a proposé quelques solutions pour que les entreprises soient en mesure de bien tirer profit de ce bassin d’employés qui pourrait aider à répondre à la pénurie de ­main-d’œuvre.

« Se ­pourrait-il que le travail entraîne, par exemple, plus de diabète chez les hommes et plus d’arthrite chez les femmes? », lance ­Denis ­Gobeille d’entrée de jeu. Les données publiées par l’Institut de la statistique du ­Québec (ISQ) dressent un portrait des grandes différences entre les sexes, ainsi que selon les groupes d’âge (voir tableaux ci-dessous). « La seule variable qui vient interférer dans la santé est le travail, donc c’est une donnée à garder en mémoire. »

Même si les chiffres sont pour l’ensemble des travailleurs au Québec, ­Denis ­Gobeille observe qu’ils permettent des extrapolations pour un bassin concret d’employés. Il exhorte par ailleurs les promoteurs de régime à « trouver le plaisir » d’analyser les données, à dénicher des références dans leurs entreprises. « À l’heure actuelle, la structure pour le faire n’existe souvent pas, mais ça s’en vient, et pour cause, ­explique-t-il. Le nouveau phénomène en matière de santé au travail n’est ni les accidents ni les maladies professionnelles, ce sont les maladies chroniques qui viennent occuper tout l’espace des réclamations en assurance collective. »

S’attaquer au problème

Selon les données de l’ISQ, 63 % des travailleurs québécois ne souffrent d’aucune maladie chronique ou incapacité. « C’­est-à-dire que plus du tiers ont un problème de santé majeur! ­Par ailleurs, une personne sur dix est invalide et a au moins une maladie chronique, déclare ­Denis ­Gobeille. En extrapolant, au ­Québec, quelque 170 000 travailleurs seraient en invalidité ou en congé de maladie ; c’est presque deux fois la pénurie de ­main-d’œuvre. Pour régler ce ­problème-là, on devrait ­peut-être s’attarder davantage aux problèmes de santé. »

Bien entendu, le cadre légal et différentes normes régissent les politiques des entreprises et les polices d’assurance collective en matière d’indemnisation, de réadaptation et de retour au travail. Un élément qui a gagné du terrain dans les dernières années est sans doute l’intérêt accordé à la promotion de la santé des employés et à la prévention de certaines maladies.

Sur le plan des maladies chroniques, la sédentarité demeure un facteur important des problèmes de santé physique ; entre autres, elle entraîne l’obésité et par conséquent le diabète de type 2. Quelle est la solution, notamment dans un contexte où une partie importante de la ­main-d’œuvre passe ses journées devant son ordinateur?

« Tout simplement en réorganisant certaines tâches, tranche ­Denis ­Gobeille. Il faut favoriser le mouvement des employés, en leur permettant de se déplacer, ­peut-être se dégourdir les jambes chaque heure. Plusieurs stratégies sont nécessaires, mais il est certain qu’on ne doit pas laisser une ­main-d’œuvre vieillissante rester assise toute la journée. »

« Plusieurs stratégies sont nécessaires, mais il est certain qu’on ne doit pas laisser une main-d’œuvre vieillissante rester assise toute la journée. »

Denis Gobeille, Collège des professions financières

Médicaments et retour au travail

Alors que des stratégies de prévention permettent de réduire certaines absences, il est clair qu’il y aura des employés qui souffriront de maladies chroniques et prendront donc des congés de maladie.

Du point de vue de l’assurance collective, il convient surtout de s’assurer de la bonne utilisation des médicaments. Plus le travailleur est âgé, plus la probabilité est grande que la maladie chronique ou l’incapacité implique un traitement médicamenteux. « Il est important pour le participant de comprendre si les médicaments utiles pour traiter les maladies chroniques sont inclus dans son régime et à quel prix, note ­Denis Gobeille. Quelle est la stratégie de son régime à l’égard des médicaments génériques? »

Une fois la maladie prise en main, l’attention doit se tourner vers le retour au travail. « Celui-ci peut être difficile, surtout si l’espace de travail n’est pas bien aménagé. Mais, aujourd’hui, il y a énormément de spécialistes en ergonomie », note M. Gobeille, ajoutant qu’il n’est pas toujours nécessaire de débourser de fortes sommes pour accommoder un employé. « Dans le cas du syndrome du canal carpien, par exemple, des fois il peut s’agir d’un simple changement de souris. Pour quelques sous, on investit pour ramener son employé dans une position confortable qui peut minimiser les risques de rechute. »

Décloisonner les pratiques

Le plus grand obstacle à une bonne stratégie pour la santé en entreprise? ­Le travail en vase clos entre les différents intervenants, affirme ­Denis ­Gobeille. « Il faut décloisonner nos pratiques et transférer nos connaissances pour les intégrer dans la gestion des maladies chroniques, ainsi que les autres enjeux des régimes d’assurance collective. C’est d’autant plus important que le phénomène de vieillissement risque d’être encore là pendant une autre décennie. Par ailleurs, notre pyramide d’âge n’est pas aplatie mais plutôt cylindrique. À partir de 2030, les personnes âgées de 55 ans et plus représenteront donc toujours une partie importante de notre ­main-d’œuvre. »

Et la clé pour commencer? « Il faut définir ses priorités, certes. Mais aussi avoir des données sur lesquelles on peut fonder ­celles-ci. Quelles sont les motivations, les raisons des absences? demande ­Denis ­Gobeille. Cela peut en effet être autre chose qu’une maladie chronique. C’est ­peut-être attribuable à des obligations familiales. Somme toute, il faut avoir des outils pour pouvoir répondre à un besoin spécifique. »

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• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2019 du magazine d’Avantages.
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