On parle depuis des années des difficultés d’accès au système de santé. Les participants de régimes d’accumulation de capital vivent les mêmes difficultés pour trouver un conseiller financier prêt à les accompagner à long terme. Parce que pour bon nombre d’entre eux, il est presque aussi complexe d’obtenir des conseils financiers personnalisés que de trouver un médecin de famille.

Pierre-Luc Trudel

Comme chaque année, les institutions financières ont profité de leur dernière campagne ­REER pour publier une ribambelle de sondages sur la situation financière des ­Canadiens. Le niveau d’inflation historiquement élevé des dernières années teinte les résultats : les répondants peinent à mettre de l’argent de côté, craignent d’avoir des revenus insuffisants à la retraite et se sentent dépassés par la complexité du monde des placements, ce qui génère stress et anxiété. Un ­mal-être économique qui empiète sur le lieu de travail et mine leur productivité.

Les employeurs disposent de nombreuses solutions pour apporter un peu de soutien à leurs salariés, de l’organisation de simples séances d’information sur la retraite à l’implantation d’un programme exhaustif de ­mieux-être financier. Mais une mesure en particulier a été ­sous-exploitée jusqu’à maintenant : l’offre de conseils financiers personnalisés.

Pourtant, plusieurs études montrent que les individus accompagnés par un conseiller sont mieux préparés pour la retraite et moins inquiets de leur avenir financier. Selon un récent sondage de la ­Banque ­Scotia, 80 % des épargnants qui ont rencontré un conseiller au cours des six derniers mois disent avoir confiance en leur situation financière, comparativement à seulement 61 % de ceux qui n’ont pas été accompagnés par un professionnel lors de cette période.

Le problème, c’est que le mode de rémunération des conseillers en services financiers au ­Canada, majoritairement basé sur les commissions intégrées aux fonds communs de placement qu’ils vendent à leurs clients, a pour effet de mettre sur la touche les participants à des régimes d’accumulation de capital qui détiennent une grande partie, voire la totalité, de leur actif investissable dans le régime de retraite collectif de leur employeur. On ne peut blâmer les conseillers de ne pas être très chauds à l’idée d’élaborer des plans financiers détaillés pour des clients qui ne leur apportent aucun revenu. Reste qu’il s’agit d’un problème de taille devant lequel les employeurs ne devraient pas rester les bras croisés.

Les promoteurs de régime d’accumulation de capital se sont longtemps montrés frileux à l’idée d’orienter leurs participants vers des professionnels du conseil financier, et c’est bien malheureux. Le vent commence toutefois à tourner.

Qu’il s’agisse d’aiguiller les participants vers les conseillers de leur fournisseur de service ou d’aller beaucoup plus loin en embauchant une firme externe proposant des rencontres individuelles avec des planificateurs financiers, toute forme de soutien en la matière est bienvenue.

Les employeurs sont dans une position privilégiée pour orienter leurs employés vers les bonnes ressources grâce au haut niveau de confiance dont ils jouissent. Le dernier ­Baromètre de confiance Edelman révèle en effet que 75 % des ­Canadiens jugent leur employeur digne de confiance, alors que le niveau de confiance qu’ils accordent aux ­ONG, aux entreprises, aux gouvernements et aux médias atteint à peine 50 %.

Faciliter l’obtention de conseils financiers permet aux employeurs de valoriser leurs programmes d’épargne-­retraite. Plusieurs données montrent que les participants tirent mieux profit de leur régime d’accumulation de capital lorsqu’ils sont accompagnés par un conseiller, notamment par le biais de cotisations plus élevées. Jumelés à un mécanisme de décaissement à la retraite, ces conseils professionnels contribuent même à éviter une fuite des actifs vers le marché de détail. Mais plus important encore, en rendant possible un meilleur accompagnement financier, les employeurs offrent un peu de tranquillité d’esprit à leurs employés, dont certains sont submergés par l’anxiété financière.

Demeure la question des risques liés à la responsabilité fiduciaire, qui hante toujours certains promoteurs de régime. Rappelons que, dans un passé pas si lointain, les caisses de retraite craignaient qu’on les accuse de manquer à leur rôle de fiduciaire si elles modifiaient leur politique de placement pour y intégrer des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Aujourd’hui, bien des experts sont d’avis que c’est plutôt le fait de ne pas prendre en compte les facteurs ­ESG dans les choix d’investissement qui pourrait être considéré comme un manquement au devoir fiduciaire. La même logique ­pourrait-elle un jour s’appliquer aux employeurs qui ne sont pas assez proactifs pour aider leurs employés à obtenir des conseils financiers de qualité ?

Le risque zéro n’existe pas, mais les bénéfices qu’apportent des employés bien accompagnés du point de vue financier surpassent largement les risques.


• Ce texte a été publié dans l’édition de mai 2024 du magazine Avantages.
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