La plupart des ­Québécois s’estiment en bonne santé, mais la réalité est un peu plus inquiétante, révèle un récent rapport de l’Institut de la statistique du ­Québec. Une donnée en particulier devrait capter l’attention des promoteurs de régimes d’assurance collective : plus du quart des ­Québécois souffrent d’obésité.

Contrairement à une croyance encore largement répandue, l’obésité n’est pas uniquement liée à une mauvaise alimentation ou à un manque de volonté des personnes atteintes. Ses causes sont multifactorielles et incluent certes l’hygiène de vie, mais également le contexte ­socio-économique, la santé psychologique et dans certains cas la génétique. Cela rend extrêmement complexe le traitement de l’obésité, encore fortement stigmatisée. C’est d’ailleurs ce dont il est question dans notre article en page 14.

Cette stigmatisation n’est pas sans conséquences. De nombreux professionnels de la santé déplorent depuis longtemps la très faible couverture des médicaments pour traiter l’obésité dans les régimes publics et privés d’assurance médicaments. Selon ­Express ­Scripts ­Canada, seulement 35 % des participants de régimes privés bénéficient d’un certain niveau de couverture des médicaments antiobésité.

Bien sûr, les médicaments à eux seuls ne permettent pas de traiter efficacement l’obésité. Les plans de traitement modernes sont multidisciplinaires et font appel à des équipes complètes de professionnels de la santé, notamment des nutritionnistes et des psychologues. Mais n’empêche que les médicaments demeurent un puissant outil pour contrôler le poids des personnes souffrant d’obésité, et il serait dommage de totalement s’en priver.

Leur coût est parfois élevé, c’est vrai. Mais les promoteurs de régime qui pensent économiser en refusant de les rembourser risquent un jour ou l’autre d’en payer le prix. L’obésité est par exemple le premier facteur de risque du diabète de type 2 : pas moins de 80 % des personnes obèses sont diabétiques, selon l’Institut ­Pasteur.

En limitant les possibilités de traiter l’obésité à un stade précoce, les employeurs risquent de se retrouver avec beaucoup de diabétiques sur les bras. Or, les plus récentes données de ­Telus ­Santé révèlent que le diabète s’est hissé en 2022 en première place des troubles de santé les plus coûteux pour les régimes d’assurance médicaments (12,9 % des coûts totaux), délogeant l’arthrite rhumatoïde, qui trônait au sommet depuis de nombreuses années.

Qui plus est, parmi les dix médicaments traditionnels dont les dépenses globales ont été les plus élevées dans les régimes privés d’assurance médicaments en 2022, la moitié sont des traitements pour le diabète, selon ­Express ­Scripts ­Canada.

Comme si ce n’était pas assez, le diabète entraîne à son tour une flopée de problèmes de santé. Plus de 60 % des demandeurs de médicaments antidiabétiques prennent aussi des médicaments contre l’hypercholestérolémie et l’hypertension artérielle. Ils sont également nombreux à prendre des comprimés contre la douleur ou l’inflammation, les ulcères et la dépression.

Traiter l’obésité de façon précoce, alors que les patients sont encore jeunes et ont peu de comorbidités, a le potentiel de réduire la consommation d’une vaste gamme de médicaments à long terme.

Cela dit, les craintes suscitées par l’arrivée fracassante de nouveaux médicaments de contrôle du poids sont légitimes. Le médicament traditionnel ayant généré les dépenses les plus importantes pour les régimes en 2022 n’a plus besoin de présentation : ­Ozempic.

Rappelons qu’Ozempic est un médicament indiqué pour le traitement du diabète de type 2. Mais sa consommation croissante pourrait en partie être attribuable à des demandes de remboursement pour d’autres affections que le diabète, comme l’obésité. Telus ­Santé évalue que son utilisation hors indication pourrait concerner le quart des demandeurs.

La version d’Ozempic homologuée par ­Santé ­Canada pour la perte de poids, nommée ­Wegovy, n’a pas encore été mise en marché au pays, possiblement en raison de difficultés d’approvisionnement causées par sa trop grande popularité aux ­États-Unis.

Cela n’a évidemment rien de rassurant pour les promoteurs de régime qui envisagent de couvrir les médicaments antiobésité. Considérant qu’en moyenne le quart de leurs participants souffre d’obésité, ils s’inquiètent évidemment d’un véritable ­raz-de-marée de demandes de remboursement lorsque ­Wegovy fera son entrée au ­Canada.

Mais ouvrir son régime aux médicaments pour l’obésité ne signifie pas tout couvrir sans discernement. Leur remboursement devrait faire l’objet de contrôles serrés et de processus d’autorisation préalable afin d’éviter des dérapages qui pourraient s’avérer extrêmement coûteux. Le but est de venir en aide aux personnes qui ont un diagnostic d’obésité complexe pour lequel les autres avenues de traitement ont montré peu de succès.

Dans la mesure où un tel médicament permet à un employé souffrant d’obésité d’améliorer sa santé, de s’absenter du travail moins souvent et de développer moins de comorbidités au fil des années, il n’y a pas vraiment de raison de le lui refuser.


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2023 du magazine Avantages.
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