Lorsque le prix du panier d’épicerie et les paiements hypothécaires montent en flèche comme ça a été le cas au cours des derniers mois, le premier réflexe qu’ont bien des travailleurs pour équilibrer leur budget est de sabrer les cotisations à leur régime de retraite et autres comptes d’épargne individuels. Une décision qui peut sembler rationnelle à court terme, mais qui est très coûteuse à long terme.

Après un léger bond en 2020, les cotisations aux régimes d’accumulation de capital canadiens ont baissé en 2022, particulièrement chez les participants âgés de 30 à 60 ans, selon des données de Sun Life. Plus préoccupant encore, les retraits effectués par les travailleurs dans les ­REER collectifs ont été en nette hausse l’an passé.

Aux ­États-Unis également, de plus en plus de travailleurs pillent leurs comptes de retraite pour faire face à l’augmentation du coût de la vie.

On ne reprochera à personne de vouloir se nourrir ou payer son loyer avant de mettre de l’argent de côté pour la retraite. On peut cependant se demander si l’épargne n’est pas un poste de dépense un peu trop facile à sacrifier dès que la situation économique n’est pas optimale (et soyons honnêtes, elle l’est rarement).

On ne le dira jamais assez, plus un individu épargne tôt dans sa vie, moins la planification de sa retraite sera coûteuse et douloureuse. Cent dollars investis à l’âge de 30 ans à un rendement moyen de 6 % vaudront près de 400 dollars à 65 ans, et ce, en comptant l’effet de l’inflation.

Couper dans l’­épargne-retraite pour payer des dépenses à court terme est donc loin d’être une solution gagnante à long terme. La mesure est parfois nécessaire, mais dans certains cas, le problème vient plutôt de la gestion budgétaire. Et c’est là que les employeurs entrent en jeu.

Les programmes de littératie financière et de mieux-être financier en milieu de travail ne font pas apparaître par magie de l’argent dans le compte de banque des participants, mais ils permettent néanmoins de les sensibiliser à certains principes de base en matière de finances personnelles et de planification de la retraite. Ces programmes prennent tout leur sens lorsque le coût de la vie augmente rapidement et que les travailleurs sont confrontés à des choix difficiles du point de vue financier.

En cette période de forte inflation, les promoteurs de régime d’accumulation de capital pourraient aussi poser certains gestes concrets pour réitérer l’importance de l’épargne en vue de la retraite et soutenir leurs participants stressés par leurs finances. Par exemple, pourquoi ne pas leur permettre de suspendre, pendant une période prédéterminée, les cotisations au régime de retraite sans que cela n’ait d’effet sur la cotisation de contrepartie versée par l’employeur ? ­Ou alors leur offrir la possibilité d’utiliser ces cotisations pour d’autres objectifs financiers que la retraite, comme le remboursement des dettes d’études ou la constitution d’un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété ?

Dans leurs différentes communications auprès des participants, les promoteurs de régime doivent toutefois s’assurer que la question de la retraite ne soit pas totalement gommée au profit d’autres priorités financières. Car l’un des dangers qui guettent les participants qui suspendent ou diminuent les cotisations à leur régime de retraite en raison de la hausse du coût de la vie, c’est qu’ils ne recommencent pas à la verser au même niveau qu’avant une fois l’inflation revenue à un niveau plus bas.

Pour aider leurs participants à gérer au mieux leur vie financière, les employeurs devraient aussi s’assurer que leurs inquiétudes sont basées sur des faits réels, et pas que sur des perceptions.
Si vous demandez à un travailleur si son pouvoir d’achat a diminué ou augmenté au cours des derniers mois ou des dernières années, il vous répondra probablement qu’il a chuté. Or, de récentes données de l’Institut de la statistique du Québec démentent cette croyance.

Depuis février 2020, le revenu moyen des Québécois a augmenté de 18,2 %, alors que l’indice des prix à la consommation a progressé de 15,7 %. Depuis le début de l’année, le salaire hebdomadaire et l’indice des prix à la consommation ont crû au même rythme de 4,7 %. Il est donc faux de dire que les ­Québécois ont, en moyenne, moins d’argent à consacrer à l’­épargne-retraite qu’il y a trois ans.

Sans jouer aux moralisateurs, les employeurs peuvent rappeler à leurs employés que le coût de la vie a certes augmenté de façon notable au cours des dernières années, mais qu’ils ont aussi reçu des hausses salariales pour compenser. De quoi calmer leur stress financier, et les inciter à y penser à deux fois avant de sacrifier leur retraite.


• Ce texte a été publié dans l’édition de novembre 2023 du magazine Avantages.
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