Les régimes d’accumulation de capital doivent offrir la possibilité aux participants de prendre leurs propres décisions concernant la planification de leur retraite, ne serait-ce que pour se sentir davantage impliqués dans le processus. Mais vu le faible niveau de connaissances financières des employés, les promoteurs doivent jouer le rôle de guide, quitte à faire parfois certains choix pour eux.

Le directeur de l’Institut sur la retraite et l’épargne et professeur titulaire à HEC à Montréal, ­Pierre-Carl ­Michaud, résume bien la situation. « ­Il n’y a personne de mieux placé que l’employé pour prendre ses décisions, à condition qu’il soit bien informé. Comme ce n’est généralement pas le cas, il doit être guidé par son employeur, mais la décision finale doit lui revenir. »

L’Institut effectue chaque année un sondage sur l’état de connaissances des ­Canadiens en matière de planification de la retraite. En 2021, ils ont obtenu une note globale de 37 %, et une note d’à peine 26 % dans la portion du questionnaire portant sur les régimes de retraite d’employeurs.

« ­Le niveau de connaissance des employés est généralement inadéquat. L’employé doit s’intéresser à la chose, mais l’employeur doit pouvoir lui fournir les bonnes informations alors que souvent il a ­lui-même de la difficulté à tout comprendre », mentionne ­Martin ­Lafrance, directeur en conseil en ressources humaines chez Raymond ­Chabot ­Grant Thornton.

Des automatismes sont requis

Selon M. Lafrance, l’idéal est un régime offrant une certaine liberté aux cotisants, mais prévoyant certains automatismes pour les employés moins intéressés par la planification de la retraite. « ­On recommande aux employeurs de donner accès à un conseiller en services financiers de son fournisseur de régime. »

De son côté, ­Jason ­Malone, associé principal, solutions pour le patrimoine à ­Aon, estime que les employés sont en général suffisamment informés. « ­Les employeurs communiquent avec leurs employés, mais ­est-ce qu’ils communiquent de la bonne façon pour les inciter à prendre de bonnes décisions ? ­On cherche à promouvoir fortement l’épargne pour la retraite, mais ce n’est pas toujours la meilleure option pour tout le monde. Il peut arriver que ce soit mieux pour certaines personnes de retarder leurs cotisations et d’utiliser cet argent dans le moment présent, surtout chez les plus bas salariés. »

Laisser tomber les notions trop complexes

M. Malone s’interroge sur la nécessité de dépenser autant d’énergie pour expliquer aux employés des notions financières trop complexes plutôt que de mettre en place des prémisses qui vont optimiser les performances du régime. Il indique que de plus en plus d’employeurs prennent un virage vers l’automatisation du choix d’investissement. « ­Avant, le choix de placement par défaut ne comportait aucun risque, ce qui se traduisait par un potentiel de rendement quasi nul. Au fil du temps, l’automatisation s’est tournée vers un choix optimal pour le participant. Aux ­États-Unis, on voit maintenant des automatismes qui tendent vers la cotisation idéale. Je crois qu’on va le voir de plus en plus au ­Canada », souligne celui qui estime que la prochaine étape sera d’instaurer certains automatismes en matière de décaissement. « Comment aider un participant à gérer 30 années de retraite ? Ça va être la prochaine grande question à se poser. Les ­États-Unis sont en avance sur nous à cet égard. »

Un défi pour la classe moyenne

­Pierre-Carl ­Michaud souligne que les employés ne vivent pas tous la même réalité. « Les petits salariés vont pouvoir conserver leur rythme de vie uniquement avec les régimes publics. Les hauts salariés épargnent déjà pour leur retraite. C’est donc la classe moyenne qu’il faut éduquer. Les gens qui gagnent entre 30 000 $ et 60 000 $ dollars par année ne pourront pas maintenir le même niveau de dépenses à la retraite en épargnant seulement 3 % de leur salaire. Beaucoup de ces gens ne savent d’ailleurs pas quel sera leur revenu à la retraite », ­indique-t-il.

Le chercheur rappelle que le niveau de connaissance de ces gens est très faible. Il précise qu’un travailleur gagnant 50 000 $ par année recevra en moyenne seulement 40 % de ce montant à la retraite avec les régimes publics. « ­Donc, à la retraite, on passe de 50 000 $ à 20 000 $ de revenu annuel. Ça frappe. Pour moi, c’est la base de l’éducation financière. Il faut amener les gens à se projeter dans l’avenir. Pas besoin d’être actuaire. Il y a des calculateurs en ligne. C’est la première étape. »

M. Michaud juge que la meilleure façon pour un employeur d’inciter ses employés à participer à son régime de retraite, c’est de bien lui expliquer la contribution de l’entreprise. C’est un incitatif majeur pour encourager l’employé à opter pour le régime de l’entreprise plutôt que de cotiser ­lui-même à un ­REER individuel. « S’il est informé qu’il ne sera pas le seul à cotiser, il aura tendance à choisir cette option. »

Qu’­est-ce que le participant a besoin de savoir ?

M. Michaud précise que c’est à l’employeur de transmettre l’information sur son régime de retraite. « L’employé doit pouvoir comprendre les notions d’inflation, de diversification des placements, de pouvoir d’achat et d’intérêts composés. L’employeur, dans ses formations, devrait demeurer dans les notions de base s’il veut offrir un bon programme d’éducation financière tournée vers l’­épargne-retraite. »

Un autre bémol qu’il soulève, c’est que la cotisation de base appliquée de manière automatique, souvent autour de 2 % du salaire, est trop faible pour un travailleur gagnant plus de 40 000 $ et que souvent le participant ne bonifie pas sa participation. « ­Cela ne l’amènera pas vers un taux de remplacement du revenu de 60 ou 70 % », ­dit-il.

Premier ­Tech guide ses équipiers

À ­Premier ­Tech, entreprise spécialisée dans les produits horticoles et agricoles, l’employeur accompagne ses employés dans le processus d’adhésion au régime de retraite. L’entreprise ayant son siège social à Rivière-du-Loup propose un régime de retraite à cotisation déterminée depuis plus de 25 ans.

Le ­vice-président principal, développement organisationnel, ­Yvan ­Pelletier, explique que les régimes de retraite font partie d’un ensemble d’avantages sociaux offerts aux employés. « ­Le participant est amené à contribuer à un pourcentage de son salaire et l’entreprise égale sa part jusqu’à un maximum de 4 %. »

L’employé doit faire ses propres choix de fonds de placement. « C’est notre rôle de bien l’informer et de lui donner la formation nécessaire. On lui donne accès à divers spécialistes en régime de retraite des institutions financières avec qui on fait affaire pour qu’il comprenne bien les fonds qui sont les mieux adaptés à ses besoins et à ses objectifs. »

«Les gens qui gagnent entre 30 000 $ et 60 000 $ dollars par année ne pourront pas maintenir le même niveau de dépenses à la retraite en épargnant seulement 3 % de leur salaire. Beaucoup de ces gens ne savent d’ailleurs pas quel sera leur revenu à la retraite. »

 – Pierre-Carl ­Michaud, ­HEC ­Montréal

Des employeurs mal informés

Comptable depuis 35 ans et formateur à la ­Direction de la formation continue et du service aux entreprises du cégep ­Garneau, ­Joël ­Gendron abonde dans le même sens. « ­Il y a un grand manque à combler. Il y a plusieurs types de régimes. Une panoplie de programmes qui varient d’une entreprise à l’autre dans la manière dont ils rendent leurs employés admissibles. Beaucoup d’organisations offrent des programmes et n’ont pas les connaissances pour pouvoir guider et orienter leur personnel », commente-t-il.

« ­Les entreprises ont une grosse part de responsabilités dans le manque de connaissances de leurs employés, notamment sur les portefeuilles de placement. C’est la grande carence pour la majorité des employés. Il y a énormément de choses qui entrent en ligne de compte selon les besoins et la situation de chacun. Une variété de placements existent », ­dit-il.

Le coordonnateur de la formation continue et du service aux entreprises du cégep Garneau, ­Anthony ­Genest, mentionne que les régimes de retraite sont peu abordés dans les programmes proposés par l’institution en administration et en finance. « ­Nous traitons de la base pour que les gens soient conscients de ce qui existe, mais après ça, on invite les étudiants qui le souhaitent à suivre un cours de perfectionnement pour aller plus loin. »

Manque d’intérêt des employés

Conseillère principale à ­Solutions ­Mieux-être ­LifeWorks, Andréanne Grégoire-Boudreau note un manque d’intérêt des employés pour tout ce qui touche aux régimes de retraite. « ­Il y a une ­sous-utilisation de certains régimes parce qu’il y a un manque de connaissance de ces régimes. Les employeurs ont un certain rôle à jouer en offrant plus d’éducation pour s’assurer que les employés comprennent bien, mais encore ­faut-il que l’employé démontre de l’intérêt à s’informer. »

La consultante estime que le manque de connaissances se fait sentir dans l’évaluation des montants devant être épargnés pour toucher le revenu souhaité à la retraite. La façon idéale de décaisser son argent demeure également trop méconnue.

Elle considère que les automatismes ont toujours leur place dans les régimes de retraite à cotisation déterminée « pour aider le participant à maximiser le revenu de retraite, surtout pour ceux qui ne prennent pas de décisions ». Et estime que les employés souhaitant faire leurs propres choix vont ensuite aller modifier les automatismes en place.

« ­Pour les gens qui ont des salaires plus bas, ça prend une flexibilité de la part de l’employeur en raison du coût de la vie qui augmente sans cesse. Oui, il faut penser à sa retraite, mais il faut aussi vivre le moment présent. C’est pour cela qu’on voit de plus en plus de régimes flexibles comportant moins d’automatismes afin de mieux répondre aux besoins de chacun », précise ­Andréanne ­Grégoire-Boudreau, qui indique que pour les gens qui ont un revenu plus faible, une plus forte portion de leur revenu à la retraite proviendra des régimes publics.

Des connaissances perfectibles

Résultats obtenus par les répondants de l’édition 2021 de l’indice ­IRE de ­HEC ­Montréal aux trois questions portant sur les régimes de retraite d’employeurs. Les bonnes réponses sont indiquées en gras.

Question 1
Avec quel type de régime de retraite un travailleur ­peut-il généralement choisir combien cotiser ?

A : prestations déterminées
B : cotisation déterminée
Taux de succès : 24,1 %

Question 2
Avec quel type de régime les paiements à la retraite ­dépendent-ils des rendements obtenus sur les marchés financiers ?

A : prestations déterminées
B : cotisation déterminée
Taux de succès : 21,0 %

Question 3
Quel type de régime offre une protection contre le risque de vivre jusqu’à l’âge de 100 ans sans avoir des épargnes suffisantes pour payer les dépenses ?

A : prestations déterminées
B : cotisation déterminée
Taux de succès : 21,1 %

Source : ­­Institut sur la retraite et l’épargne de ­HEC ­Montréal


• Ce texte a été publié dans l’édition de mars 2022 du magazine Avantages.
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