En plus de nuire à leur santé et à leur qualité de vie, les participants de régimes d’assurance médicaments qui ne suivent pas leurs traitements comme ils le devraient sont plus susceptibles de devoir faire la transition vers des médicaments de deuxième ligne beaucoup plus coûteux.

« ­Plus les patients sont adhérents, plus il s’écoule de temps avant qu’ils passent à un médicament biologique », a expliqué la pharmacienne consultante ­Caroline ­Le ­Pottier lors de la dernière édition de la ­Conférence ­Telus ­Santé.

Une analyse de données ciblant les réclamations liées à la polyarthrite rhumatoïde, l’un des problèmes de santé les plus coûteux pour les régimes d’assurance médicaments, a permis de constater que les patients chez qui on observe un taux élevé de ­non-adhérence (22 %) commencent à prendre un médicament biologique de un à deux ans après le début de leur traitement de première ligne.

Or, chez les patients qui ont un taux de ­non-adhésion beaucoup plus faible à leur traitement initial, il s’écoule en moyenne de quatre à six ans avant que la prise d’un agent biologique ne devienne nécessaire.

« ­Cela démontre que l’on peut agir sur l’observance pour retarder l’utilisation des médicaments biologiques », soutient ­Mme ­Le ­Pottier.

Les traitements de première ligne pour la polyarthrite rhumatoïde coûtent de 140 à 1 595 $ par année, alors que les médicaments biologiques utilisés dans le traitement de ce même trouble de santé coûtent de 16 872 à 67 600 $ par année. Retarder ne ­serait-ce que d’une année ou deux la transition vers ces médicaments a donc une incidence importante sur les régimes.

La pharmacienne suggère de miser sur les services de pharmacies virtuelles, qui permettent de planifier des ­rendez-vous avec les patients, pour améliorer l’adhésion aux traitements de première ligne, et avance l’idée de créer des programmes de soutien aux patients similaires à ceux qui existent déjà pour les médicaments biologiques très coûteux.

Les applications mobiles qui envoient des notifications pour rappeler au patient de prendre ses médicaments sont également une solution simple et efficace, estime ­Caroline ­Le ­Pottier. « ­Les médicaments pour la polyarthrite rhumatoïde doivent généralement être pris une fois par semaine. C’est donc beaucoup plus facile de les oublier que les médicaments pris quotidiennement. »

Toutes les maladies ne sont pas égales

L’assiduité des assurés quant à la prise des médicaments qui leur sont prescrits varie sensiblement d’un problème de santé à l’autre.

Les patients atteints de trouble ­gastro-intestinaux étaient ainsi les plus susceptibles de ne pas suivre à la lettre leur traitement en 2021, avec un taux de ­non-adhésion atteignant 30 %. Ce taux était plutôt de 23 % chez les personnes atteintes de diabète, de 21 % chez les patients prenant des médicaments contre la dépression, et de 13 % pour les participants souffrant de maladies cardiovasculaires.

Dans l’ensemble, le niveau d’observance des traitements est revenu à la normale en 2021, après une année 2020 où il avait été notablement plus bas.

Coût des médicaments : les grandes tendances

Le coût mensuel par assuré dans les régimes privés d’assurance médicaments du ­Québec a grimpé de 6 % entre 2020 et 2021, selon les données de ­Telus ­Santé. Il s’agit d’une hausse plus marquée que celle de 5,3 % enregistrée en ­Ontario, et plus importante que celle des dernières années.

En moyenne, le coût mensuel lié aux médicaments a atteint 129,09 $ par certificat en 2021 au ­Québec, comparativement à 105,46 $ en ­Ontario. À l’échelle canadienne, le coût mensuel de 99,54 $ est tiré à la baisse par les régimes publics des provinces de l’ouest qui prennent en charge les réclamations à partir d’un certain seuil.

Les ­Québécois plus souvent à la pharmacie

L’écart de coûts entre les régimes privés du ­Québec et de l’Ontario s’explique par les marges et honoraires plus élevés payés par les assurés québécois en pharmacie. Au ­Québec, elles atteignent 19,49 $ par ordonnance, par rapport à 16,85 $ en ­Ontario.

« ­Cela est d’autant plus étonnant que les pharmaciens au ­Québec reçoivent toujours des allocations des fabricants de médicaments, une pratique qui est interdite en ­Ontario depuis déjà plusieurs années », a souligné l’actuaire ­Jacques L’Espérance, qui a présenté ces résultats lors de la ­Conférence ­Telus ­Santé. « ­Je pense que c’est quelque chose qui devrait changer, le secteur privé devrait faire pression. »

De plus, les ­Québécois se rendent plus souvent en pharmacie que les ­Ontariens, et paient donc plus souvent ces frais. Alors qu’une ordonnance contient en moyenne 24 unités (comprimés) au ­Québec, elle en contient 59 en ­Ontario. Résultat : les ­Québécois vont à la pharmacie presque une fois par mois, comparativement aux ­Ontariens, qui s’y rendent seulement une fois aux deux mois environ.

Au bout du compte, les assurés québécois paient annuellement 117 % de plus pour le même service en pharmacie que les assurés ontariens, ce qui se traduit par des coûts par réclamation 20 % plus élevés.

Comparaison défavorable face à la ­RAMQ

Les régimes privés d’assurance médicaments du ­Québec tiennent également mal la comparaison avec le régime public de la ­RAMQ. En 2021, la réclamation moyenne se chiffrait à 69,35 $ dans les régimes privés, contre 42,24 $ dans le régime public. Par rapport à 2020, il s’agit d’une hausse de 6,6 % dans les régimes privés, et de 5,2 % dans le régime public.

Au cours des 14 dernières années, les coûts dans les régimes privés ont augmenté 35 % plus rapidement que dans le régime public de la ­RAMQ.

Encore une fois, l’essentiel de l’écart s’explique par les marges et honoraires en pharmacie : 19,49 $ dans les régimes privés, comparativement à environ 9 $ dans le régime public, où ces frais sont fixés par le gouvernement.

Forte hausse chez les enfants

Par groupe d’âge, c’est chez les ­40-49 ans que les coûts de médicaments ont le plus augmenté en 2021 (8,4 %), suivis des 30-39 ans (8,3 %). Donnée potentiellement plus inquiétante, les enfants de moins de 10 ans constituent le troisième groupe d’âge où les dépenses ont le plus augmenté l’an dernier (8,2 %).

Les génériques bien implantés

Les médicaments génériques représentaient 66 % des ordonnances exécutées dans la province en 2021, comparativement à 60 % en 2017.

En revanche, les médicaments originaux pour lesquels aucun générique n’est offert sur le marché continuent d’accaparer la majorité des coûts (66 %), loin devant les génériques (25 %). Les médicaments de marque pour lesquels un générique existe sont relativement marginaux du point de vue des coûts, à 8 %.

Le haut taux d’utilisation des génériques au ­Québec n’est pas étranger au fait que 64 % des régimes privés de la province imposent désormais la substitution obligatoire, et 23 % la substitution régulière. Seulement 13 % n’ont implanté aucune politique en la matière. Dix ans plus tôt, en 2011, seulement 4 % des régimes imposaient la substitution obligatoire, alors que 55 % n’avaient aucune règle de substitution en place.

L’ère des antidépresseurs

Les coûts associés aux médicaments contre la dépression ont connu une hausse de 5,5 % en 2021 au ­Québec. La hausse est toutefois beaucoup plus vertigineuse chez les adolescents de 10 à 14 ans (28,9 %), les enfants de moins de 10 ans (20,6 %) et les jeunes de 14 à 19 ans (15,4 %).

Chez les jeunes adultes, la hausse de coûts liés aux antidépresseurs est de 9,1 % chez les ­25-29 ans et de 7,9 % chez les ­30-34 ans. Les données montrent ensuite une diminution de la croissance des coûts plus les participants avancent en âge. Chez les ­60-64 ans, la hausse n’est que de 1,9 %.

Avant la pandémie, l’augmentation de la consommation d’antidépresseurs était plus marquée chez les assurés dans la vingtaine, mais beaucoup moins chez les trentenaires, les enfants et les adolescents.

Encore et toujours les médicaments de spécialité

Les coûts liés aux médicaments de spécialité, produits dont les prix dépassent 10 000 $ par année, ont crû de 11,3 % en 2021, alors que la hausse n’a été que de 3,0 % pour les médicaments réguliers.

En conséquence, 34 % des coûts totaux des régimes privés d’assurance médicaments proviennent aujourd’hui d’à peine 1,4 % des réclamants.

En 13 ans, le coût des médicaments réguliers a augmenté de 1,5 % par année, contre 14,2 % par année pour les médicaments de spécialité. À un tel rythme, les coûts associés aux médicaments de spécialité seront au même niveau que ceux associés aux médicaments réguliers dès 2025.

À eux seuls, les médicaments pour traiter la polyarthrite rhumatoïde (dont 99 % sont des médicaments de spécialité) représentent 14 % des coûts totaux des régimes.


• Ce texte a été publié dans l’édition de mai-juin 2022 du magazine Avantages.
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