En dépit de récentes améliorations, les programmes de santé et mieux-être en milieu de travail ne répondent pas toujours aux besoins spécifiques des femmes.
Plusieurs défis doivent être relevés par les assureurs et les employeurs pour mieux prévenir et prendre en charge les problèmes de santé qui touchent particulièrement les femmes. Puisqu’elles représentent près de la moitié de la maind’oeuvre au Canada, les femmes et leur santé représentent un enjeu pour les organisations qui souhaitent réduire les coûts des régimes de santé et accroître la productivité. Malgré des progrès notoires, plusieurs améliorations peuvent être apportées.
Bien que les besoins en santé de la femme diffèrent de ceux des hommes, leur prise en compte commence seulement à se faire sentir dans les régimes d’assurance collective. « On en est aux balbutiements ! », déclare Julie Duchesne, leader canadienne de la pratique d’assurance collective chez Mercer. « La plupart des programmes d’avantages sociaux et de ressources humaines ont été conçus dans l’approche one size fits all, où tout le monde est traité de la même façon, ajoute- t-elle. On a un devoir, comme société, de faire avancer les choses. »
Le documentaire Loto- Méno, de Véronique Cloutier, portant sur la ménopause et sorti en 2022, a permis aux femmes d’obtenir des gains précieux en matière de couverture pour les traitements de la ménopause et de reconnaissance des problèmes qui y sont liés. Mais d’autres troubles de santé propres aux femmes passent encore sous le radar des programmes de santé et de mieux- être en milieu de travail. « Il y a aussi une gêne à parler de certains problèmes médicaux, signale Julie Duchesne. Le syndrome des ovaires polykystiques ou la capsulite rétractile, aussi appelée « épaule gelée », sont des problèmes peu connus qui peuvent être très douloureux et agir sur le mieux- être de la femme et sa performance au travail. »
L’obésité est un problème de santé souvent abordé, mais rarement sous un aspect genré. « Or, des études démontrent que les femmes ont tendance à prendre plus facilement du poids que les hommes », mentionne Julie Duchesne. Et il y a un stigmate plus grand chez les femmes qui souffrent d’obésité que chez les hommes. S’ajoutent des troubles typiquement féminins, comme l’endométriose, la périménopause, la ménopause, les troubles du plancher pelvien, les fibromes utérins. « La liste est longue. Sans compter certaines maladies qui ont une plus grande prévalence chez les femmes, comme l’ostéoporose », ajoute Jade Bellemare, directrice, communications et marketing chez iA Groupe financier.
Communiquer et former
Outre les soins et les médicaments couverts par les régimes, il importe de voir à la formation, l’éducation et la sensibilisation dans les milieux de travail. « Il faut sensibiliser les employés sur les troubles de santé qui peuvent être spécifiques aux femmes, développer une culture qui va permettre aux femmes de se sentir à l’aise de parler de leurs problèmes et de trouver des solutions avec leurs gestionnaires », croit Jade Bellemare, d’iA Groupe financier.
Informer les employés sur ce qui est mis à leur disposition demeure un défi. « Il faut que ce soit facile d’accès, car les employés ne vont plus sur l’intranet, précise Julie Duchesne, de Mercer. Il faut aussi offrir de la formation aux gestionnaires. Ils ne sont pas tous aptes à épauler la femme qui est dans une situation difficile. » Les politiques d’équité, de diversité et d’inclusion permettent également de mieux soutenir les femmes.
« Les groupes de ressource pour les femmes sont aussi de bons moyens de connaître les besoins des femmes dans une organisation et de trouver des solutions, souligne Jade Bellemare. Il peut s’agir de conférences ou de groupes de discussion, sur les craintes liées au retour d’un congé de maternité par exemple. »
La santé mentale au féminin
Jade Bellemare précise que des études ont démontré une plus grande présence de problèmes de santé mentale chez la femme que chez l’homme et des invalidités plus longues. Ces problèmes sont particulièrement courants dans les domaines des soins et de l’accompagnement (communément appelés métiers du care), comme la santé et l’enseignement, où les femmes travaillent en grand nombre.
« On voit beaucoup de surcharge, d’épuisement professionnel, de détresse ou de dépression, déplore Line Camerlain, première vice- présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Et à peine 2 % des cas liés aux maladies professionnelles psychologiques sont reconnus par la CNESST. C’est un enjeu pour les femmes. Il y a un coût financier pour l’employeur, pour les régimes d’assurance, mais il y a aussi un coût humain faramineux ! Une personne en dépression, cela a un impact sur ses enfants, sa famille, ses proches. Il faut s’occuper de ces maladies professionnelles psychologiques. C’est très difficile de faire reconnaître qu’elles sont liées au travail. »
«La plupart des programmes d’avantages sociaux et de ressources humaines ont été conçus dans l’approche « one size fits all », où tout le monde est traité de la même façon. On a un devoir, comme société, de faire avancer les choses. »
– Julie Duchesne, Mercer
Des couvertures à améliorer
« On réalise à quel point nos régimes d’assurance ne sont pas conçus, pensés pour les femmes, constate Line Camerlain. C’est récent que l’on parle d’hormones bio- identiques dans les organisations. Pourtant, la ménopause et la préménopause touchent des femmes dans la quarantaine à qui il reste deux décennies à travailler. La fertilité, les menstruations, la ménopause, on a intérêt à s’en préoccuper ! »
La dernière étude Health on Demand de Mercer a révélé que 73 % des hommes considèrent que leur employeur se soucie de leur mieux- être, contre 63 % des femmes. « On a beau avoir un programme unique pour tout le monde, on constate un écart dans l’appréciation des employés concernant ce qui est offert comme programme de la part de leur employeur », mentionne Julie Duchesne.
Malgré tout, cette dernière constate des améliorations. « On suit beaucoup ce qui se passe en Grande- Bretagne et aux États- Unis, car ils sont en avance sur ces enjeux, dit- elle. La Grande-Bretagne a développé un guide de la ménopause il y a deux ans. Ici, 42 % des employés souhaiteraient du soutien à la ménopause et 17 % des employeurs en offrent. » Ce soutien peut prendre la forme de soins paramédicaux, comme la naturopathie ou l’acupuncture, de thérapies hormonales, de télémédecine ou de thérapies cognitivo- comportementales.
« L’hormonothérapie est offerte dans les régimes, mais les hormones bio- identiques ne le sont pas toujours, admet Jade Bellemare. Or, une étude réalisée par Deloitte en 2023 a révélé qu’une femme sur dix quitte le marché du travail en raison de symptômes de la ménopause non traités. Depuis 12 à 18 mois, on voit aussi apparaître des couvertures pour l’adoption, les mères porteuses, les traitements de fertilité. » L’étude Health on Demand de Mercer rapporte d’ailleurs que 36 % des employés aimeraient avoir du soutien à la planification familiale. « Environ 15 % des entreprises en offrent. Cela peut paraître peu, mais c’était moins de 5 % il y a quelques années », précise Julie Duchesne.
«On réalise à quel point nos régimes d’assurance ne sont pas conçus, pensés pour les femmes. C’est récent que l’on parle d’hormones bio-identiques dans les organisations. Pourtant, la ménopause et la préménopause touchent des femmes dans la quarantaine à qui il reste deux décennies à travailler. »
– Line Camerlain, Centrale des syndicats du Québec
Des conséquences évitables
Les conséquences de la non- prise en charge des problèmes de santé des femmes sont nombreuses. « Cela a un impact sur l’engagement et la rétention, avance Julie Duchesne. La productivité sera directement touchée, même si elle est plus difficile à chiffrer. Les migraines, les bouffées de chaleur, le manque de sommeil, le stress ont des répercussions sur la productivité. » Indéniablement, des coûts importants découlent de ce manque de soutien de la femme au moment opportun. « Cela peut être durant la ménopause, mais aussi avant ou au retour d’un congé de maternité, indique Julie Duchesne. On sous- estime l’incidence de cette absence prolongée du travail. Certaines vont remettre en question leur emploi, vont changer pour les mauvaises raisons ou laisser filer une promotion ! »
60 %
des femmes estiment que les problèmes de santé liés aux règles, à la ménopause et à la santé reproductive peuvent nuire à la progression de carrière.
Seulement
42 %
des travailleuses trouvent qu’il y a une culture d’ouverture permettant de discuter d’aspects de la santé des femmes, comme les règles, la ménopause et la santé reproductive.
29 %
des femmes ont senti le besoin de mentir à leur gestionnaire pour justifier un congé de maladie lié à un problème de santé féminin.
À peine
37 %
des travailleuses disent que leur employeur offre les ressources adéquates pour soutenir la santé des femmes.
Source : Sun Life
Faciliter la conciliation travail- vie personnelle
Force est de constater qu’aujourd’hui encore les responsabilités familiales reposent majoritairement sur les femmes. « De plus, ce sont davantage les femmes qui sont proches aidantes », rappelle Line Camerlain. Dans ce contexte, les horaires flexibles peuvent aider les femmes à concilier le travail et la vie personnelle. « Mais c’est un couteau à double tranchant, met en garde Line Camerlain. Cela facilite la vie pour continuer à en faire encore beaucoup ! »
En 2022, 40 % des travailleuses québécoises étaient en télétravail, comparativement à 31 % des hommes, selon l’Institut de la statistique du Québec. « Il y a donc davantage de femmes qui assument cette surcharge liée aux responsabilités familiales, déplore Line Camerlain. Cela a un impact sur l’avancement professionnel, l’accès à des promotions. On a même vu qu’elles ont moins accès à du mentorat. »
« C’est aux organisations de trouver le juste équilibre et d’offrir des modalités de travail flexibles tout en positionnant le mieux possible la femme pour qu’elle puisse s’épanouir au travail, note Julie Duchesne. Ce qui ne fait aucun doute, c’est que les employés s’attendent à ce que les entreprises soutiennent les femmes. Notre étude Health on Demand a révélé que 62 % des hommes et 68 % des femmes veulent que les entreprises offrent un soutien additionnel aux femmes. Le besoin est là. C’est encourageant de voir que le soutien des femmes est aussi important pour les hommes ! »
• Ce texte a été publié dans l’édition de septembre 2024 du magazine Avantages.
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