Espace fondamental d’interaction sociale, le milieu de travail a subi de grandes mutations qui ont contribué à accroître l’isolement. Les employeurs devront tout mettre en œuvre pour déjouer cette carence relationnelle.

Plus connectés que jamais, les travailleurs partagent constamment photos, vidéos, messages, emojis, cafés virtuels et brainstorming en ligne via les multiples plateformes d’échange et de discussions de ce monde. Pourtant, l’isolement social guette de nombreux travailleurs, qu’ils soient en ligne ou au bureau. Qu’­est-ce qui favorise cet isolement et quelles en sont les conséquences sur les employés et les organisations ?

Une carence relationnelle

Abordé dans les années 1980, l’isolement social en milieu de travail a donné lieu à de nombreuses définitions soulignant une carence de relations interpersonnelles satisfaisantes. « ­Malgré les disparités dans les définitions, il existe des similitudes entre elles, telles que le manque de soutien des pairs, des superviseurs ou de l’organisation, ainsi que le manque d’interactions informelles, sociales et émotionnelles », indique ­Kelly ­Ouellet, doctorante en psychologie organisationnelle et consultante en santé organisationnelle à ­Brio ­RH.

L’isolement social est un mal qui ne guette pas uniquement les personnes qui travaillent en solo. « ­On peut faire partie d’un groupe mais s’en sentir exclu », précise ­Julie ­Carignan, psychologue organisationnelle et associée à ­Humance.

Bien qu’il préoccupe de plus en plus les gestionnaires en raison des profondes mutations dans le monde du travail qui en augmentent la fréquence, l’isolement social souffre d’un manque de données. « ­La transition massive vers le télétravail due à la pandémie a exacerbé cette problématique, mentionne ­Kelly ­Ouellet. Des enquêtes telles que celle menée par ­Statistique ­Canada en 2021 ont révélé qu’environ un employé sur cinq attribue une baisse de productivité au manque d’interaction avec ses collègues, illustrant ainsi l’impact significatif de l’isolement social sur le ­bien-être et la performance des travailleurs. »

Julie ­Carignan croit aussi que l’omniprésence du télétravail a accentué le problème. « ­Une des raisons qui incitent certaines personnes à revenir au bureau est la réduction des risques d’isolement social grâce à ces moments informels de discussions dans les corridors où on tisse des liens et on crée un sentiment d’appartenance, ­dit-elle. Bien que le télétravail puisse offrir des possibilités de connexion virtuelle, il peut ne pas toujours remplacer efficacement les interactions en personne et les opportunités sociales présentes dans un environnement de travail traditionnel », renchérit ­Kelly ­Ouellet.

Mais le télétravail ne cause pas automatiquement de l’isolement social, précisent les experts. « ­Si on est bien outillé et qu’on aime ça, ce n’est pas nécessairement un facteur de risque. Il y a moyen d’avoir de très belles collaborations en télétravail », mentionne ­Caroline ­Biron, professeure titulaire à la ­Faculté des sciences de l’administration de l’Université ­Laval et directrice du ­Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail.

Des causes physiques, sociales et structurelles

Outre le télétravail, qui est un facteur de risque physique, l’isolement social en milieu de travail peut être causé par l’organisation du travail. « ­La volatilité des travailleurs, le changement fréquent de structure ou de gestionnaire peuvent affecter le sentiment d’appartenance à un groupe, ce qui favorise l’isolement social, indique ­Julie ­Carignan. De plus, certaines organisations n’ont pas mis en place les canaux de communication et les mécanismes de collaboration nécessaires au développement du sentiment d’appartenance. »

Les causes de l’isolement peuvent également être sociales ou psychologiques. « ­Il y a des enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion, mentionne ­Julie ­Carignan. L’isolement social peut être créé par de l’exclusion par les pairs. Il arrive aussi que des gens s’­auto-isolent en faisant des choix, comme le télétravail pour faciliter l’organisation familiale, sans en mesurer l’impact sur l’appartenance au groupe. »

«Une des raisons qui incitent certaines personnes à revenir au bureau est la réduction des risques d’isolement social grâce à ces moments informels de discussions dans les corridors où on tisse des liens et on crée un sentiment d’appartenance. »

 – Julie Carignan, Humance

« L’humain est un être social, rappelle ­Julie ­Carignan. Le besoin d’appartenance à un groupe est fondamental. Avoir un objectif commun avec des gens, avoir envie de réussir ensemble, avoir envie de soutenir l’autre quand il vit des moments difficiles et d’être soutenu en retour, cela nourrit le sentiment d’appartenance et la motivation. »

Seulement 47 %
des employés américains vivant de l’isolement estiment être capable de travailler efficacement

42 %
­des employés souffrant de solitude se sentent souvent « mentalement ailleurs » au travail, contre seulement 18 % ­des travailleurs qui ne souffrent pas de solitude

19 %
­des employés souffrant de solitude ont indiqué que leur santé mentale ou émotionnelle avait déjà « extrêmement » perturbé leur travail
Les travailleurs se sentant isolés sont

3x
­plus susceptibles d’être insatisfaits de leur emploi

Source : ­Cigna

L’isolement social au travail est associé à une multitude de conséquences néfastes, sur le plan affectif, comportemental et professionnel : épuisement, désengagement, stress, etc. « ­Ces résultats soulignent l’importance de prendre en compte l’isolement social au travail en raison de ses implications notables sur la santé mentale, l’engagement et la performance des employés », indique ­Kelly ­Ouellet.

L’isolement social a des conséquences sur la santé mentale, mais l’inverse est également observé, précise ­Caroline ­Biron. « ­Les personnes qui se sentent déprimées ou qui sont absentes pendant une longue période vont aussi se sentir plus isolées », ­explique-t-elle.

Ces conséquences ont forcément des répercussions sur la performance globale et le fonctionnement organisationnel, comme la collaboration, l’innovation et l’esprit d’équipe. « ­Il est donc essentiel d’investir dans la prévention et le maintien du ­bien-être des employés, en favorisant un environnement de travail propice aux échanges, en encourageant les interactions sociales et en renforçant le sentiment de proximité entre les collègues », insiste ­Kelly ­Ouellet.

Des employés plus à risque ?

« ­Le besoin d’appartenir à un groupe et de socialiser varie d’un individu à un autre, mais il est rarement nul, précise ­Julie ­Carignan. Donc, tout le monde est à risque de souffrir d’isolement social, mais certaines personnes vont en souffrir plus que d’autres. »

Des facteurs prédisposant ont été identifiés par des chercheurs, comme les traits de personnalité, notamment une faible estime de soi et une introversion. Aussi, le niveau hiérarchique occupé dans l’organisation met certaines personnes plus à risque. « ­Les hauts dirigeants, les ­PDG ou les entrepreneurs peuvent être particulièrement susceptibles de ressentir cet isolement en raison des pressions uniques associées à leur rôle, mentionne ­Kelly ­Ouellet. La manière dont les dirigeants conçoivent le pouvoir peut influencer leur niveau de stress et leur sentiment d’isolement », ­ajoute-t-elle.

Julie ­Carignan croit néanmoins que ce sentiment de solitude traduit par l’expression anglaise « lonely at the top » tend à se dissiper. « ­On ne voit plus autant le leader comme étant au sommet, mais au centre, ­explique-t-elle. En rendant acceptable un leadership authentique, où l’on peut afficher sa vulnérabilité et montrer sa bienveillance, les carapaces du leader tout puissant sont tombées. Un leadership de proximité est venu briser l’isolement ressenti chez beaucoup de dirigeants. »

«Il est essentiel d’investir dans la prévention et le maintien du bien-être des employés, en favorisant un environnement de travail propice aux échanges, en encourageant les interactions sociales et en renforçant le sentiment de proximité entre les collègues. »

 – Kelly Ouellet, Brio RH

Mentionnons également que le capital social d’une personne peut agir comme facteur de protection. « ­Un groupe d’amis, des proches qui viennent combler notre besoin de socialiser peuvent réduire l’impact de l’isolement social au travail, et ­vice-versa, indique ­Julie ­Carignan. Mon souhait, comme psychologue, c’est que tout le monde ait les deux parce que la sphère personnelle bouge autant que la sphère professionnelle. À la suite d’une séparation, on peut perdre son groupe d’amis et trouver du réconfort auprès de ses collègues de travail. »

Des solutions à géométrie variable

Nul doute qu’il n’existe pas de solution unique à mettre en place dans toutes les organisations pour contrer l’isolement social en milieu de travail. « ­Chaque équipe est unique et il faut prendre le pouls des besoins, insiste ­Julie ­Carignan. Renforcer le sentiment d’appartenance peut passer par des solutions différentes selon l’équipe. Il faut les trouver avec elle. »

« ­Le télétravail est là pour rester et les employeurs ont la responsabilité d’être bienveillants et de former les gestionnaires pour qu’ils continuent de soutenir les employés, explique ­Caroline ­Biron. Cette gestion de proximité s’applique, que l’on soit en télétravail ou au bureau. »

Entretenir les relations sociales en télétravail passe par la mise en place de conversations informelles. « ­Ces relations peuvent être maintenues à distance, mais cela exige plus d’efforts, indique ­Julie ­Carignan. Quand on prend une pause en télétravail, on se retrouve seul dans sa cuisine. Au bureau, on se retrouve avec d’autres collègues autour de la machine à café. En télétravail, il faut faire un effort conscient pour se bloquer un café virtuel avec des collègues, organiser des 5 à 7, avoir des moments de « comment ça va ? » en ligne. »

68 %
des employés qui travaillent en présentiel se sentent plus près de leur organisation que ceux qui travaillent à distance, ou même selon un mode de travail hybride

66 %
des Canadiens se disent à l’aise d’avoir moins d’interactions sociales qu’avant la pandémie

Source : ­Telus Santé

En mode hybride, il faut à tout prix éviter que les employés se retrouvent au bureau pour s’enfermer et être en réunion virtuelle, indique ­Alexandre ­Dumouchel, directeur de compte, conseiller principal en gestion des ressources humaines chez ­Perreault & ­Associés. « ­Si les gens ont l’impression de sacrifier un peu de conciliation ­travail-vie personnelle pour se rendre à leur lieu de travail, ils s’attendent à trouver satisfaction dans les relations interpersonnelles vécues sur place, ­explique-t-il. Les modèles qui ont le plus de succès sont ceux qui parviennent à donner du sens aux journées au bureau. Il faut structurer les journées en présence autour de moments clés ou de rencontres qui misent sur une forte collaboration, comme des rencontres de brainstorming. »

L’offre de rémunération globale peut aussi contribuer à réduire l’isolement social. « ­Les comptes de ­mieux-être permettant le remboursement d’activités sportives, de cours de nutrition ou de méditation peuvent aider à briser l’isolement, indique ­Alexandre ­Dumouchel, tout comme l’accès à des programmes d’aide aux employés ou à des services de soins de santé virtuels. »

La création de comités de ­bien-être au sein des organisations peut également être une option efficace pour combattre l’isolement social, croit ­Kelly ­Ouellet. « ­Impliquer les employés dans la recherche de solutions permet de les mobiliser davantage », ­indique-t-elle.

Julie ­Carignan ajoute qu’il faut distinguer ce que les gens veulent de ce dont ils ont besoin. « L’être humain est un être d’habitude et on a perdu l’habitude, pendant la pandémie, de se déplacer pour aller travailler, ­dit-elle. C’est difficile de changer d’habitude, de faire l’effort de sortir, de laisser nos animaux seuls à la maison. »

«Si les gens ont l’impression de sacrifier un peu de conciliation travail-vie personnelle pour se rendre à leur lieu de travail, ils s’attendent à trouver satisfaction dans les relations interpersonnelles vécues sur place. »

 – Alexandre Dumouchel, Perreault & Associés

Cependant, ce n’est pas parce que ce n’est pas ce que les gens veulent que ce n’est pas ce dont ils ont besoin, ­croit-elle. « ­Il faut trouver le juste équilibre, précise la psychologue organisationnelle. Si les employeurs se mettent à imposer un retour au bureau, ils vont avoir un taux de roulement élevé. Il faut responsabiliser les équipes et être à l’écoute, prendre le pouls, trouver les moyens de concilier le besoin de flexibilité et le besoin de maintenir un sentiment d’appartenance. »

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• Ce texte a été publié dans l’édition d’avril 2024 du magazine Avantages.
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