La rémunération des dirigeants de Bombardier suscite à nouveau une vague de mécontentement de la part d’investisseurs institutionnels, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et le Fonds de solidarité FTQ, qui s’opposent à l’approche de l’entreprise sur cette question.

Comme elle le fait chaque année, la société tiendra un vote consultatif non contraignant auprès de ses actionnaires sur la question de la rémunération dans le cadre de son assemblée des actionnaires, qui aura lieu jeudi. L’appui est généralement élevé, puisque les actions à droits de vote multiples permettent à la famille Beaudoin-Bombardier de contrôler 50,9 % des droits de vote alors qu’elle ne détient qu’une fraction des quelque 2,4 milliards d’actions en circulation.

La CDPQ, le Fonds de solidarité FTQ, l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, le régime de retraite des fonctionnaires de la Californie, le fonds de retraite des enseignants californiens ainsi qu’une autre institution floridienne (Florida State Board of Administration) ont néanmoins décidé de faire comme en 2017 en y allant d’une fronde. Ensemble, ils détiennent au bas mot 64 millions d’actions de catégories A et B, ainsi que des obligations, selon les dernières informations disponibles.

« L’indemnité de départ de l’ancien (président et) chef de la direction (Alain Bellemare) bonifiée notamment par l’octroi d’une rémunération incitative spéciale, est largement au-delà de ce qui était prévu dans son contrat au moment de son embauche », a notamment fait valoir la Caisse dans sa procuration.

Écarté en mars dernier, M. Bellemare pourra toucher jusqu’à 17,5 M$ CAN dans le cadre de l’indemnité de départ qu’il a négociée. En plus d’une somme équivalant à deux années de salaires, il aura droit à un paiement spécial de 4,9 M$ si la vente de Bombardier Transport à Alstom, annoncée en février dernier, juste avant son départ, se concrétise.

Dans ses critiques, la CDPQ a aussi pointé du doigt les primes non récurrentes qui seront consenties à d’autres cadres de l’entreprise advenant que la cession de la division ferroviaire se concrétise ainsi que d’autres modalités entourant les indemnités de départ.

« Ces éléments de rémunération sont jugés excessifs », a fait valoir le gestionnaire de régimes de retraite, qui n’a pas voulu commenter davantage.

Plusieurs des investisseurs institutionnels ont également choisi de ne pas appuyer la réélection au conseil d’administration d’August Henningsen, Vikram Pandit et Douglas Oberhelman, puisqu’ils siègent sur le conseil des ressources humaines et de la rémunération.

Un avertissement

Dans un rapport publié à la fin mai, Glass Lewis, l’une des principales agences de conseil aux actionnaires, avait vivement critiqué les sommes obtenues par M. Bellemare en recommandant de s’opposer à la politique de rémunération de la société, qui, à son avis, soulève de « sérieuses questions ». Elle recommandait toutefois d’appuyer la réélection de tous les candidats au conseil d’administration.

Institutional Shareholder Services, l’autre grande firme de conseil, avait plutôt donné son feu vert, dans un rapport distinct, à l’approche de l’avionneur.

Dans un courriel, un porte-parole de Bombardier, Olivier Marcil, a souligné que la compagnie respectait l’opinion « émise par certains investisseurs », soulignant que la politique de rémunération avait en moyenne été appuyée à hauteur de 97 % au cours des trois dernières années.

Il a rappelé que la transaction de 8,2 G$ US annoncée avec Alstom était « stratégique pour l’avenir de Bombardier », qui traîne une lourde dette de plus de 9 G$ US.

« La responsabilité du conseil est de s’assurer que la transaction soit conclue avec succès et ainsi de créer de la valeur pour tous nos actionnaires, dont la Caisse (qui détient plus de 36 % de Bombardier Transport) qui en sera l’un des premiers bénéficiaires, rappelons-le », a écrit M. Marcil.

Un message

Même si la famille Beaudoin-Bombardier contrôle la multinationale, cette nouvelle fronde de la CDPQ et des autres investisseurs institutionnels constitue un « message très fort » au conseil d’administration, a estimé l’expert en gouvernance Michel Nadeau, au cours d’un entretien téléphonique.

« Cela signifie que la majorité des actionnaires ne sont pas satisfaits, a-t-il dit. Ils disent « vous n’avez pas fait votre travail, nous ne sommes pas contents ». C’est un blâme. »

L’action de Bombardier se négocie aux alentours de 50 cents à la Bourse de Toronto. La compagnie sera écartée lundi de l’indice composé S&P/TSX et de l’indice S&P/TSX 60, qui regroupent certaines des plus importantes sociétés canadiennes.