Pour les caisses de retraite, l’alpha, c’est un peu comme le Graal. Tout le monde veut le trouver, mais peu y arrivent tellement il est bien caché. Le régime de retraite d’Hydro-Québec a développé sa propre stratégie pour mettre la main dessus.

« La gestion active est un jeu à somme nulle. Si quelqu’un gagne, ça veut dire que quelqu’un perd », soutient Serge Laflamme, gestionnaire de portefeuille pour le régime de retraite d’Hydro-Québec.

Lors de la conférence annuelle de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ), qui a eu lieu au début du mois à La Malbaie, il a présenté la méthode que son équipe a élaboré pour déterminer si la valeur ajoutée obtenue sur les investissements de la caisse était constituée « d’alpha pur ».

« Très souvent, la valeur ajoutée s’explique davantage par le bêta et l’exposition à des facteurs (momentum, valeur, faible volatilité, etc.) que par le réel talent des gestionnaires », affirme-t-il.

Dans l’ensemble, 60 à 80 % de l’alpha généré par les gestionnaires trouve en réalité sa source dans l’investissement factoriel, poursuit-il. Mais comment distinguer le « vrai » alpha du « faux » alpha? Le régime d’Hydro-Québec effectue des analyses de régression de la valeur ajoutée sur le rendement mensuel en fonction de 16 facteurs d’investissement.

« On peut ainsi déterminer dans quel proportion l’alpha provient du véritable talent du gestionnaire, et dans quelle proportion il s’explique plutôt par son utilisation des différents facteurs », explique M. Laflamme.

Un tel processus d’analyse mène parfois à des découvertes surprenantes. Serge Laflamme et son équipe ont par exemple constaté que l’un des gestionnaires à qui ils avaient confié un mandat avait généré un alpha réel négatif, alors qu’à première vue, l’alpha total était positif.

« On a découvert que ce gestionnaire faisait une utilisation non efficace des facteurs. Il retranchait donc de la valeur ajoutée. Nous avons décidé de lui retirer le mandat », raconte Serge Laflamme.

Le régime d’Hydro-Québec a déjà mis davantage d’accent sur sa stratégie d’investissement factoriel, mais s’est aujourd’hui donné comme principal objectif de maximiser le véritable alpha provenant du talent des gestionnaires. Environ 75 à 80 % de la valeur ajoutée générée par la caisse est ainsi constitué d’alpha réel.

Hydro-Québec alloue 88 % de son budget de risque à son portefeuille de référence (bêta), 10 % à l’alpha pur et seulement 2 % à l’exposition aux facteurs.

Les vertus de l’investissement factoriel

Même si Hydro-Québec a choisi de prioriser la création d’alpha pur, l’investissement factoriel peut donner un sérieux coup de main aux caisses de retraite en quête de rendement, explique Benoit Brillon, chef des placements et gestionnaire principal à Gestion de portefeuille Landry.

Depuis 1963, les cinq facteurs les plus en vogue (momentum, valeur, taille, qualité et faible volatilité) ont tous battu le marché boursier américain. Le facteur momentum a par exemple enregistré un rendement annualisé de 17,1 %, contre 10,3 % pour l’indice S&P 500.

« La théorie de l’efficience des marchés a ses limites. L’investissement factoriel a l’avantage de réduire les impacts négatifs des biais cognitifs sur les décisions de placement. C’est ce qui explique la surperformance persistante des facteurs sur les marchés », soutient M. Brillon.

Si les facteurs sont souvent utilisés de manière isolée, la meilleure stratégie pour réellement en tirer profit est de les combiner pour obtenir un rendement ajusté en fonction du risque supérieur.

Entre 1993 et 2018, le facteur valeur a enregistré un ratio Sharpe de 1,05, et le facteur momentum, de 0,96. Qu’arrive-t-il en combinant les deux au sein d’un même portefeuille? Le ratio Sharpe grimpe à 1,12.

« Tous les facteurs ont des périodes de sous-performance. Le facteur momentum performe bien près du sommet du marché, alors que le facteur valeur se démarque dans un creux du marché. En optant pour une répartition dynamique entre les facteurs, on optimise le rendement ajusté en fonction du risque », souligne Benoit Brillon.