Pour se conformer à sa politique d’investissement responsable, un grand régime de retraite public français a fait une croix sur rien de moins que les obligations du gouvernement américain.

Même si les stratégies d’exclusion peuvent aujourd’hui sembler archaïques par rapport aux stratégies beaucoup plus en vogue d’inclusion des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), elles sont encore utilisées par de nombreux investisseurs institutionnels.

Le Régime additionnel de la Fonction publique, auquel participe 4,5 millions de fonctionnaires français, a par exemple décidé dès sa création en 2003 d’exclure de son portefeuille les titres de créance émis par les pays qui n’ont pas aboli la peine de mort et la torture, ce qui inclut les États-Unis.

« On ne peut pas investir dans les Bons du Trésor, mais on peut détenir des obligations de municipalités ou d’états où la peine de mort a été abolie », a précisé Pauline Lejay, responsable ISR au Régime additionnel de la Fonction publique lors du Colloque québécois de l’investissement responsable, le mois dernier.

Des exclusions « de cœur »

La caisse de retraite, qui gère un actif d’environ 30 milliards d’euros, exclut également les titres liés aux mines antipersonnel et aux bombes à sous-munitions, incluant les titres d’emprunt émis par les pays qui n’ont pas ratifié les conventions d’Ottawa et d’Oslo.

« On les appelle nos exclusions de cœur. On réalise un audit annuel de nos portefeuilles pour s’assurer qu’on ne détient pas de tels titres », indique Mme Lejay.

Il s’agit toutefois des seules exclusions en vigueur dans le régime. Pour le reste du portefeuille, Pauline Lejay et son équipe privilégient une approche qui consiste à sélectionner les sociétés ayant les meilleurs bilans sociaux et environnementaux sans exclure des secteurs d’activité en entier.

« On estime qu’il faut prendre l’économie telle qu’elle est et tenter d’améliorer le bilan ESG de chaque acteur », soutient-elle.

Les stratégies d’exclusion encore pertinentes

Certains investisseurs sont tout de même d’avis que l’exclusion pure et simple est parfois le meilleur moyen d’atteindre ses objectifs d’investissement responsable. Parmi eux, Fondaction CSN, qui a mis fin à tous ses investissements dans les énergies fossiles. Parallèlement, le fonds de travailleurs a réalisé des investissements thématiques dans le secteur des énergies renouvelables. À l’heure actuelle, le tiers de son portefeuille de titres à revenu fixe est constitué d’obligations vertes. « Nous sommes parvenus à diminuer notre empreinte carbone de 50 % en éliminant seulement 8 % de nos titres », a souligné Luc Verville, chef des placements de Fondaction.

À la Financière des professionnelles, on considère aussi que l’exclusion est inévitable pour certains secteurs d’activité précis, comme le tabac et le cannabis. « Nos actionnaires travaillent majoritairement dans le domaine de la santé et sont donc très sensibles à ces questions, a souligné François Landry, premier vice-président et chef des placements de la société de gestion de patrimoine. Honnêtement, il n’y a pas vraiment de discussions possibles avec les compagnies de tabac. Leurs produits entraînent des dépenses faramineuses en soins de santé. »

Il concède néanmoins que les stratégies d’exclusion sont souvent plus difficiles à mettre en place qu’il n’y paraît. « Si on exclut les titres liés au tabac dans nos portefeuilles, est-ce que ça veut dire que l’on doit aussi exclure les détaillants qui vendent des cigarettes, comme Couche-Tard? On doit déterminer jusqu’où on va. »