Montréal essuie un revers à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) à Glasgow, mais obtient un prix de consolation.

Le milieu financier espérait obtenir le siège de l’organisme International Sustainability Standards Board (ISSB), mais c’est Francfort, en Allemagne, qui a finalement remporté la mise. L’annonce a été faite mercredi à Glasgow, en Écosse.

En revanche, Montréal accueillera un des bureaux principaux de l’ISSB. Une source gouvernementale a laissé entendre que « c’est quand même une reconnaissance que ça se passe à Montréal ».

Dans une entrevue récente avec La Presse Canadienne, le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Charles Emond, avait laissé entendre qu’il allait participer au démarchage à Glasgow pour obtenir le siège de l’ISSB.

La mission de l’ISSB sera d’établir et de diffuser, à l’échelle internationale, les normes régissant la divulgation par les entreprises des informations ESG (aspects environnementaux, sociaux et bonne gouvernance), explique le communiqué qui a été publié mercredi.

Le désinvestissement inefficace

Les investisseurs qui choisissent de liquider leur participation dans une entreprise en croyant que cela l’incitera à adopter des pratiques plus « vertes » font fausse route, a-t-on aussi prévenu mercredi lors de la COP26.

Ces investisseurs devraient plutôt profiter de leur participation pour faire pression sur les dirigeants de cette entreprise pour les amener à être plus respectueux de l’environnement, ont indiqué deux experts qui ont aussi prévenu qu’il ne fallait pas sous-estimer la quantité de travail et de préparation nécessaires à un tel projet.

« Je pense que (le désinvestissement) est très dangereux, a dit Christopher James, le fondateur du fonds spéculatif Engine No. 1. On n’a jamais réglé un problème en se sauvant en courant. Le désinvestissement ne fonctionne pas, puisqu’il donne l’avantage économique à ceux qui s’en foutent. »

L’impact du désinvestissement n’est pas suffisant pour entraîner des changements importants, a-t-il expliqué en citant une étude de l’Université Harvard, et en plus, l’investisseur perd son droit de vote.
Plus tôt cette année, Engine No. 1, qui gère des actifs de 250 millions $ US et qui détient une participation de seulement 0,02 % dans ExxonMobil, a réussi à faire élire trois de ses candidats au conseil d’administration de la compagnie, en dépit de l’opposition du géant des hydrocarbures.

Selon Engine No. 1, l’entêtement d’ExxonMobil à se concentrer sur le pétrole et le gaz naturel, et son manque d’intérêt apparent pour les énergies renouvelables, constituaient une « menace existentielle » à la survie de la compagnie. Le fonds citait en guise de preuve le rendement décevant offert par l’entreprise à ses investisseurs depuis quelques années.

Ultimement, ExxonMobil a maintenu sa production de pétrole à 3,7 millions de barils par jour, alors qu’elle prévoyait la hausser à 5 millions de barils par jour, ce qui témoigne de l’impact que peut avoir un investisseur déterminé, a estimé M. James.

La compagnie a aussi réduit considérablement ses dépenses en immobilisations, les faisant passer d’environ 30 milliards $ US à moins de 20 milliards $ US, « un exemple clair que ce qui est bon pour les investisseurs est aussi bon pour la société et bon pour la planète », a-t-il ajouté.

« Que vous déteniez une seule action ou que vous soyez le propriétaire de toute la compagnie, il faut voir ça de la même manière », a dit M. James lors de l’événement organisé par The Financial Times.
À l’échelle mondiale, quelque 1500 gestionnaires d’actif supervisant des avoirs de près de 40 000 milliards $ US auraient entrepris de se départir de leur participation dans les combustibles fossiles.

« C’est une tendance claire, mais dangereuse, si on considère que des investisseurs engagés ont un rôle à jouer pour inciter les équipes de direction à prendre les bonnes décisions », a prévenu Vinay Shandal, le directeur de la branche torontoise du Boston Consulting Group, où il est responsable des investissements responsables.

Le mouvement en faveur du désinvestissement est « dangereux », a-t-il ajouté, parce que ces avoirs se retrouvent ensuite entre les « mauvaises mains ».

Beaucoup de travail

Mais les changements souhaités ne se concrétiseront évidemment pas du jour au lendemain, et les investisseurs devront faire preuve de beaucoup de détermination, ont prévenu les deux intervenants.
Une participation active ne se limite pas à une rencontre occasionnelle avec les responsables des relations avec les investisseurs, a dit M. Shandal.

« Une participation active, c’est ce que je sais et ce que tu ne veux pas que je sache, a-t-il illustré. C’est le travail qu’il faut faire avant la rencontre. Il faut pouvoir contester leur présentation PowerPoint, et je pense que ça ne se produit pas assez souvent. »

Les devoirs qu’un investisseur doit faire pour présenter une stratégie alternative à une compagnie sont considérables, a-t-il prévenu. M. James a ainsi révélé avoir consulté une soixantaine de personnes avant de lancer sa campagne contre ExxonMobil.

Le désinvestissement ne réussira jamais à convaincre une compagnie de réduire ses émissions polluantes et à ne pas investir dans de nouveaux actifs qui seront des sources de pollution à long terme, a dit M. James.

« Je pense qu’il est malhonnête intellectuellement de penser que le désinvestissement va fonctionner, a-t-il dit. Sur les marchés des capitaux et dans le système politique, tout ce qui fonctionne, c’est de voter pour le changement. Si vous voulez du changement, votez. »