Malgré des rendements parfois anémiques, les titres à revenu fixe sont loin d’être boudés par les grandes caisses de retraite aux États-Unis, bien au contraire.

Les régimes de retraite des 100 plus grandes entreprises publiques américaines, dont les actifs totaux s’élèvent à 1 800 milliards de dollars, ont en effet augmenté leur exposition aux titres à revenu fixe à un niveau record. À la fin de leur dernier exercice financier, 50,2 % de leur portefeuille était composé de titres de créance. À l’inverse, leur répartition en actions n’atteignait que 31,9 %, un niveau historiquement bas, révèle un rapport de la société de consultation Milliman.

Ce regain d’intérêt pour les obligations s’explique par des changements législatifs aux États-Unis qui ont eu pour effet de rendre les titres de créance et les stratégies d’investissement guidé par le passif plus attrayants pour les régimes de retraite, souligne Bloomberg. La comparaison avec les caisses de retraite canadiennes est donc hasardeuse. N’en reste pas moins que la forte amélioration de leurs ratios de capitalisation incite les régimes PD du secteur privé américain, de plus en plus matures, à réduire le risque de leurs portefeuilles à long terme en accélérant les achats d’obligations et en vendant des actions, note des analystes de JPMorgan Chase & Co.

Les coupons des bons du Trésor à 10 ans ont augmenté de plus d’un point de pourcentage depuis le mois d’août dernier, atteignant presque 1,8 %. Si cette hausse nuit aux rendements à court terme, elle demeure un atout pour les régimes de retraite qui ont des engagements à long terme.

Craintes liées à la flambée boursière

Selon Milliman, les 100 plus grands régimes de retraite privés des États-Unis affichent un ratio de capitalisation moyen de 88,4 %. À noter qu’en plus des titres à revenu fixe, ces régimes ont aussi augmenté leur exposition aux capitaux privés, à l’immobilier, aux fonds de couverture et aux titres du marché monétaire, l’ensemble de ces catégories d’actifs occupant aujourd’hui 17,9 % de leurs portefeuilles, comparativement à 9,5 % en 2005.

JPMorgan s’attend à ce que le même engouement pour les titres à revenu fixe se matérialise dans les régimes PD du secteur public américain. Cela dit, ces régimes affichent un ratio de capitalisation moyen bien moindre (60 %) que leurs homologues du secteur privé. Leurs déficits plus importants rendent donc les obligations moins attrayantes à court terme. Leur répartition très élevée en actions les forcera néanmoins un jour ou l’autre à se tourner davantage vers les titres à revenu fixe pour mieux apparier leur passif, note JPMorgan.

Un autre facteur qui peut expliquer l’intérêt des caisses de retraite pour les obligations est la crainte d’un marché boursier beaucoup trop optimiste. Ce mois-ci, par exemple, les régimes de retraite clients de Bank of America ont été des vendeurs nets d’actions, une tendance qui dure depuis maintenant un an.

Depuis 2005, l’indice Bloomberg Barclays U.S. Aggregate Bond a crû d’environ 5 % par an, soit à peine la moitié du rendement du S&P 500 durant la même période. Or, lorsque ces rendements sont ajustés en fonction de la volatilité, la performance des obligations a surpassé de 23 % celle des actions.

La question de la place des obligations dans les portefeuilles institutionnels continue de faire débat. La semaine dernière, un grand gestionnaire de fonds de retraite danois affirmait qu’il était peut-être temps pour les régimes de retraite de les abandonner.