Un peu plus de la moitié des individus qui reçoivent ou qui ont reçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU) auraient été en mesure d’obtenir le même revenu en puisant dans leur épargne accumulée, selon une enquête du CIRANO.

Parmi les individus qui reçoivent la PCU, 54,6 % disposent de plus de 8 000 $ en épargne non-immobilière dans des REER, CELI ou autres comptes d’épargne. Rappelons que la PCU consiste en un versement mensuel imposable de 2000 $ pendant un maximum de quatre mois.

Par contre, chez les individus faisant partie des cinq déciles inférieurs de revenus, seulement 42,3 % disposent de 8 000 $ dans leur épargne personnelle. Dans les cinq déciles supérieurs de revenu, cette proportion grimpe à 76 %.

« Bien sûr, cette analyse n’indique pas s’il aurait été recommandable pour tous ces individus de financer les dépenses de consommation par l’épargne privée, mais ceci donne une indication de la marge de manœuvre des ménages si la PCU n’avait pas existé », précisent les auteurs du rapport.

L’enquête, menée au mois de mai auprès de quelque 3 000 répondants québécois âgés de 25 à 64 ans, révèle aussi que 25 % des épargnants qui possèdent un REER y retireraient des sommes en 2020 si ce retrait était non-imposable jusqu’à concurrence de 10 000 $. Le montant moyen du retrait serait d’un peu plus de 8000 $, soit le même montant que la PCU. Les répondants plus âgés seraient davantage intéressés à utiliser un tel mécanisme.

« Il pourrait être intéressant de réfléchir à la possibilité d’inciter les ménages à se prévaloir de leur épargne privée si une deuxième vague menant à un confinement, et donc à de nouvelles pertes d’emploi, survenait », peut-on lire dans l’enquête.

Qui touche la PCU ?

Les résultats de l’enquête montrent que les bénéficiaires de la PCU avaient un revenu mensuel moyen en 2019 plus faible que ceux ne la recevant pas. Plus du tiers des travailleurs dans le deuxième décile des revenus de travail en 2019 ont ainsi affirmé avoir reçu la PCU en mai. Parmi les gens ayant perdu un emploi en avril, mais se trouvant dans ce deuxième décile, la proportion est de 49.4 %. À titre de comparaison, parmi ceux dans le haut de la distribution des revenus de travail individuel, une proportion d’environ 10 % des répondants recevait la PCU.

Sans trop de surprise, les demandeurs de la PCU avaient subi une baisse de revenu de travail mensuel (-1330 $) beaucoup plus marquée que les non-demandeurs (-254 $). Le recours à la PCU varie aussi grandement selon le secteur d’emploi des travailleurs. Les demandeurs sont ainsi plus nombreux dans le secteur manufacturier, du commerce de détail et de gros, de la restauration, des arts et divertissement, de l’hôtellerie, de l’immobilier et des transports. En revanche, les employés du secteur de l’administration et des services publics, de la finance et de l’assurance, des services professionnels, de l’éducation et de la santé ont été moins nombreux à demander la PCU.

Si les ménages des répondants qui n’étaient pas demandeurs de la PCU avaient une épargne financière moyenne plus élevée (104 600 $), les ménages où le répondant avait demandé la PCU avaient tout de même une épargne moyenne de 69 850 $. Les ménages recevant la PCU avaient beaucoup moins d’épargne dans des comptes hors-REER et CELI, ce qui suggère qu’ils avaient beaucoup moins d’épargne de précaution.

« Il est important de constater que la PCU a été utilisée davantage par les ménages moins fortunés, conclut le rapport. Ainsi, même si elle se voulait une prestation universelle (pourvu de remplir les critères d’admissibilité), elle a eu une incidence plus importante chez les ménages ayant des revenus de travail faibles. Cependant, elle a aussi été reçue par des ménages qui avaient des économies substantielles qui auraient pu servir à financer les dépenses de consommation durant la période de turbulence. À notre avis, il sera important de prendre cette dimension en considération pour une reconduite de la PCU ou pour tout autre mesure. »

Le gouvernement fédéral a déposé mercredi un projet de loi qui vise à imposer des amendes salées et des peines de prison aux individus qui ont reçu cette aide d’urgence de façon illégale. Il permettra aussi plus de flexibilité pour percevoir la PCU, l’élargissement de la subvention salariale et une aide monétaire supplémentaire pour les personnes handicapées.