Comment les caisses de retraite canadiennes peuvent-elles promouvoir la croissance économique des pays en développement tout en respectant leurs obligations fiduciaires ? Jusqu’à présent, la plupart d’entre eux achetaient de la dette et des actions des pays émergents. Or, il existe aujourd’hui une alternative : investir dans un fonds de microfinance.

Apparue dans les années 1970, la microfinance représentait en 2006 un marché de 25 milliards de dollars US, selon les estimations de Deutsche Bank. Des études plus récentes attestent de l’essor de ce marché, qui pourrait atteindre 100 milliards de dollars US.

Les principales caisses de retraite européennes s’intéressent à cette nouvelle opportunité, en particulier les grandes caisses néerlandaises qui investissent dans la microfinance depuis plusieurs années. Mais comment faire pour investir dans cette nouvelle classe d’actifs et l’intégrer au sein d’un portefeuille diversifié?

Qu’entend-on par microfinance ?
La microfinance consiste à octroyer des prêts à court terme et de petit montant à des entrepreneurs dans les pays émergents et ceux en voie de développement.

Pour financer ses stocks, une petite entreprise d’Afrique de l’Est pourra ainsi contracter un microcrédit (de l’ordre de 500 dollars) auprès d’une institution de microfinance (IMF), un établissement qui peut s’apparenter à une banque spécialisée. Les IMF se financent en émettant de la dette – et dans une moindre mesure des actions – souscrite par des investisseurs et prêtent ensuite cet argent à des micro-entrepreneurs. On recense aujourd’hui plus de 3 000 IMF à travers le monde, chacune exerçant des activités de prêt, de crédit et de recouvrement à l’échelle locale. Au total, les IMF donnent accès au micro-crédit à environ 100 millions de personnes.

Les fonds de microfinance – qui lèvent des capitaux auprès des caisses de retraite, de fondations et de particuliers principalement dans les pays développés – analysent l’univers des IMF pour ensuite les capitaliser.

Typiquement, un fonds de microfinance détient un portefeuille de prêts à court et moyen terme, libellés en dollars US et en euros ainsi qu’en certaines devises locales. Certains fonds détiennent également des positions en actions. Un portefeuille bien construit présentera un profil de remboursement équilibré, gage d’une liquidité satisfaisante pour les investisseurs même si pour l’heure, le marché secondaire des prêts octroyés aux IMF est quasiment inexistant. Compte tenu de ces caractéristiques, les fonds de microfinance peuvent constituer une source de diversification efficace par rapport aux placements classiques en actions et en obligations. Lors du processus d’allocation d’actifs, ils peuvent judicieusement s’insérer dans la poche « rendement absolu ».

Le premier fonds micro crédit a été commercialisé en 1998 et représente aujourd’hui 450 millions de dollars US dans plus de 100 IMF basés dans 40 pays à travers le monde.

Points clés à retenir
Toutes les caisses de retraite et fondations canadiens s’efforcent de générer des rendements annuels réguliers, avec une faible volatilité et une bonne protection en cas de baisse des marchés, autant de critères qu’un fonds de microfinance est susceptible de remplir dans la mesure où il investit dans un portefeuille de prêts (et de titres apparentés) octroyés à un groupe diversifié d’IMF de premier plan, offrant une large exposition géographique.

Axés sur la dimension « locale » de la croissance économique, les fonds de microfinance ont été relativement épargnés par la crise financière de 2008 qui a ébranlé les marchés développés. Avantage supplémentaire, investir dans un fonds de microfinance constitue une solution concrète et pratique pour soutenir les économies émergentes, un objectif louable à condition que le fonds de pension soit en mesure de respecter ses obligations fiduciaires.

Activité aujourd’hui bien balisée – certaines institutions le pratiquant depuis plus de 15 ans –, le microcrédit suscite néanmoins certaines critiques. Ainsi, la presse a récemment remis en question l’impact de la microfinance sur la réduction de la pauvreté, invitant le secteur à mesurer plus précisément les progrès dans ce domaine. La microfinance n’en demeure pas moins un important levier de croissance économique dans les pays émergents et en développement, où l’inclusion financière et l’accès à des services financiers équitables, transparents et correctement réglementés restent insuffisants.

Les 4 « P »
Les promoteurs de régimes de retraite doivent analyser l’univers des fonds de microfinance comme ils le font pour les autres gérants, c’est-à-dire en tenant compte des quatre « P » : personne, philosophie, processus et performance.

Certaines étapes doivent cependant être adaptées aux spécificités de la microfinance, en particulier le processus mis en œuvre par le gestionnaires pour analyser et suivre l’activité des IMF dans lesquelles il investit. Les promoteurs doivent également être attentifs à l’expérience du gestionnaire et aux éventuelles contraintes de liquidité.

Offrant des rendements stables, une faible corrélation avec les classes d’actifs traditionnelles et une protection en cas de baisse des marchés, la microfinance constitue une nouvelle opportunité d’investissement pour les caisses de retraite canadiennes. Visant à promouvoir la croissance économique des pays émergents (voire émergés) et des nouvelles économies émergentes par des actions locales, la microfinance permet également de répondre aux exigences de l’investissement socialement responsable. Comme pour tout placement, les promoteurs de retraite doivent cependant procéder à toutes les vérifications préalables et suivre l’investissement avec la plus grande vigilance et dans les moindres détails.

James Clark est chargé de clientèle institutionnelle chez Dexia Asset Management, et Christophe Vandewiele est Directeur du Bureau de représentation cnadien de Dexia Asset Management.