Un document interne du gouvernement fédéral met en lumière la façon dont des paiements fédéraux mensuels destinés aux personnes âgées à faible revenu ont brutalement pris fin dépendamment de la branche du gouvernement qui gérait leurs prestations d’urgence l’an dernier.

Une directive ministérielle de Service Canada, obtenue par La Presse Canadienne, explique comment la Prestation canadienne d’urgence (PCU) était en fait deux programmes présentés comme un seul à des fins de communication, bien qu’ils aient des critères différents.

Un volet, traité par l’Agence du revenu du Canada, était destiné aux bénéficiaires dont le revenu était considéré comme non assurable, comme les travailleurs autonomes canadiens, tandis que l’autre volet, géré par Service Canada, était destiné aux personnes ayant un revenu assurable. Dans le premier volet, les prestations d’aide d’urgence seraient déduites du Supplément de revenu garanti (SRG) pour les personnes âgées à faible revenu, tandis qu’elles ne l’étaient pas dans le second volet.

Les prestations d’urgence destinées aux personnes du deuxième camp « peuvent être exclues du montant de leurs revenus lors de la demande de SRG », indique la directive.

Starr Therrien, une fleuriste ontarienne âgée de 63 ans dont le mari est décédé en novembre et qui devait recevoir son SRG, a vu le montant être amputé pour l’année à venir de 8400 $ en grande partie en raison de la PCU qu’elle a réclamée pendant trois mois en 2020.

« Pourquoi n’y avait-il pas d’avertissement lorsque des gens comme moi recevions la PCU? », a-t-elle demandé en entrevue.

« Je sais que le gouvernement manquait vraiment de temps, mais il n’y avait aucun avertissement disant: « Voici ce que ça implique, vous devez en être conscient dans 12 mois et voici comment cela affectera votre vie », 8400 $, c’est beaucoup d’argent, peu importe qui vous êtes. »

La députée conservatrice Rosemarie Falk a déclaré que la situation aurait pu être évitée avec une communication plus claire et un processus bureaucratique plus rationalisé, qualifiant les coupes d’« inacceptables ».

« Malgré le respect des critères d’admissibilité, ces personnes âgées ont été arbitrairement pénalisées en fonction de l’origine de ces fonds », a écrit Mme Falk dans une lettre datée du 9 août à la ministre des Aînés, Deb Schulte.

La PCU de 2000 $ par mois équivalait à « deux programmes d’aide entièrement différents, distribués par différentes agences gouvernementales et avec des critères d’éligibilité différents », bien que les personnes âgées n’en aient jamais été informées, a-t-elle déclaré.

« Votre gouvernement doit rectifier cette situation dans l’intérêt de la stabilité financière et de la sécurité de nos plus vulnérables. »

Bien que la complication de ce double flux n’ait été révélée que cette semaine, les députés de l’opposition affirment qu’ils ont été inondés d’appels de Canadiens âgés de 65 ans et plus qui ont soudainement vu leur budget mensuel ne plus tenir en subissant des baisses drastiques de l’aide gouvernementale en raison des programmes liés à la pandémie sur lesquels ils ont compté l’année dernière.

Le député vert Paul Manly a souligné les « ramifications coûteuses de pousser des personnes âgées à faible revenu vers une plus grande pauvreté » dans une lettre du 29 juillet à la ministre Schulte, à la ministre du Revenu national Diane Lebouthillier et à la ministre de l’Emploi Carla Qualtrough.

Le député néo-démocrate Daniel Blaikie a réclamé la semaine dernière une « solution rapide » après que de nombreuses personnes âgées qui ont reçu la PCU et le programme qui lui a succédé, la Prestation canadienne de la relance économique, ne soient pas admissibles au Supplément de revenu garanti ou subissent des réductions drastiques.

Tout comme l’assurance-emploi, le SRG est basé sur le revenu. Cela signifie que les revenus imposables de l’année précédente, y compris la plupart des prestations d’urgence, sont pris en compte dans le montant versé au cours de la prochaine période de paiement (les bénéficiaires sont informés de leurs droits chaque mois de juillet).

« Cela peut entraîner une perte d’admissibilité si le revenu de la personne (ou le revenu conjoint, le cas échéant) dépasse le seuil auquel les prestations du SRG sont complètement éliminées », a déclaré la porte-parole d’Emploi et Développement social Canada, Samuelle Carbonneau, dans un courriel la semaine dernière.

La nouvelle donnée issue du programme à deux têtes a ajouté une autre ligne à un calcul parfois difficile.

« Pour simplifier la communication avec les Canadiens, le gouvernement a présenté les deux programmes comme une seule prestation canadienne d’urgence. L’objectif était de faire en sorte que les Canadiens recourant à l’un ou l’autre des programmes (…) étaient traités de la même manière », indique une note du 12 mai dans la Gazette du Canada, le compte rendu officiel des décisions gouvernementales.

Lorsque la PCU a commencé à être déployée, les informations relayées par les agents du centre d’appels de l’Agence du revenu du Canada sur le revenu d’un travail indépendant « n’étaient pas clairs et étaient erronés », ce qui a entraîné des revenus incorrectement déclarés, indique la note.

Jack Partridge, âgé de 77 ans, a déclaré avoir perdu 350 $ mensuellement en SRG après avoir réclamé quatre mois de PCU lorsque ses heures ont été considérablement réduites au centre de vente technique où il effectue des travaux de maintenance et d’entreposage.

« On ne m’a jamais rien dit », a déclaré le résident de Brantford, en Ontario.

« Ils disent que tout va s’arranger en 2021. C’est peut-être parfait de leur point de vue. Mais ce n’est pas parfait de mon point de vue. »

Pour les personnes âgées seules, les prestations du SRG entrent en vigueur si elles gagnent moins de 18 984 $ par année, avec un maximum mensuel de 936 $. Le seuil d’admissibilité pour les couples est de 45 504 $.

Les données sur le nombre total de bénéficiaires du SRG dont les paiements ont été réduits cette année ne sont pas actuellement disponibles, a déclaré Mme Carbonneau.

Les personnes âgées continuent de recevoir leur pleine pension de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pension du Canada.