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Les propositions de Retraite Québec suscitent de fortes disparités dans les réactions, alors que les consultations publiques sur l’avenir du Régime de rentes du Québec les syndicats s’opposant à ces mesures, tandis que le patronat appuie plusieurs points.

Le moins qu’on puisse dire est que les mesures avancées par Retraite Québec pour reporter l’âge d’admissibilité à la retraite sont loin de faire l’unanimité.

L’Institut canadien des actuaires (ICA) soutient la plupart des propositions formulées par Retraite Québec, tout en exprimant sa forte préoccupation par la gestion annuelle et les coûts de la mesure visant à soutenir les proches aidants devant diminuer de façon importante leur temps de travail. « Nous suggérons qu’avant l’approbation d’une telle mesure, les détails de la gestion ainsi que les coûts soient divulgués », souhaite l’ICA.

L’ICA appuie la piste du report de l’âge minimal d’admissibilité de 60 ans à 62 ans ou à 65 ans. Il recommande d’introduire au plus tard au 1er janvier 2024 le passage de la limite actuelle  pour commencer à recevoir sa rente de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) de 70 à 75 ans. Par ailleurs, il se dit favorable à la possibilité de rendre facultative la cotisation au RRQ des bénéficiaires de la rente de retraite à compter du 31 décembre de l’année de leur 65e anniversaire. Enfin, l’ICA se positionne en faveur d’une modification des règles de calcul de la rente de retraite afin d’éviter que les gains de travail d’une personne qui demande sa rente après 65 ans réduisent la moyenne de gains utilisée pour le calcul de sa rente.

De son côté, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) entend privilégier le libre choix de chaque citoyen. L’organisme considère que « repousser l’âge minimal de admissibilité à la rente peut contribuer à améliorer la sécurité financière des retraités. » Cependant, le CPQ met en garde contre le fait de « pénaliser ceux et celles qui voudront, pour différentes raisons, continuer de prendre leur rente plus tôt par exemple parce que ces personnes ont des emplois physiquement plus exigeants, ont commencé à cotiser tôt, etc. »

Aussi, « la décision de la prise de la retraite doit demeurer flexible. L’approche que nous voulons privilégier, c’est d’utiliser d’autres leviers à la disposition du gouvernement pour encourager la prise de la rente après 60 ans notamment en misant sur la communication, la sensibilisation et l’information », souligne M. Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.

Le CPQ prend toutefois clairement position en faveur de certaines propositions formulées par Retraite Québec. Il appuie la proposition du report de la limite actuelle pour commencer à recevoir la rente de retrait du RRQ de 70 ans à 72 ans ou à 75 ans. Il soutient aussi la proposition de rendre facultatives les cotisations au RRQ pour les personnes de 65 ans et plus. Enfin, le CPQ propose une bonification du crédit d’impôt pour prolongation de carrière, afin d’inciter fiscalement les travailleurs expérimentés à rester en emploi.

Les syndicats de travailleurs disent non

Du côté syndical, les points de vue sont bien différents. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dit avoir l’intention de s’opposer aux mesures prônées par Retraite Québec, qui auraient pour effet de rendre le RRQ moins généreux. La FTQ accuse le gouvernement de vouloir « transformer le régime à prestations déterminées en un régime à prestations cibles ». Un tel changement pourrait rendre « possible que l’indexation au coût de la vie ne soit pas versée ou que, pire encore, les rentes puissent être réduites selon la santé financière du régime. »

La centrale syndicale croit qu’ « au lieu de se mettre à dos les futurs retraités en les obligeant à rester en emploi, en les pénalisant et en les privant de revenus auxquels ils ont droit, le gouvernement devrait plutôt proposer des mesures positives tout en valorisant le maintien au travail avec des programmes susceptibles d’inciter ceux et celles qui pensent à la retraite à rester en emploi. »

Le rehaussement de l’âge minimal de la retraite totalement inutile, affirme pour sa part la Confédération des syndicats nationaux (CSN) devant la commission parlementaire. La centrale syndicale s’étonne de la proposition de repousser l’âge d’admissibilité aux prestations à 62 ou à 65 ans, alors que le régime est assuré pour au moins les 50 prochaines années.

La CSN rappelle que la consultation obligatoire sur le RRQ vise à accroître la sécurité financière des retraités. Or, les mesures avancées par Retraite Québec vont plutôt dans le sens d’un appauvrissement, accuse l’organisme syndical, qui s’inquiète particulièrement pour « les femmes et les moins nantis, qui seront affectés de façon disproportionnée, puisque leur revenu moyen de cotisation au RRQ est significativement moins élevé. »

La CSN prône plutôt un soutien aux travailleurs expérimentés, en souhaitant une modification des règles de calcul de la rente « afin d’éviter que les gains reliés au travail de quelqu’un qui demande sa rente après 65 ans réduisent la moyenne des gains utilisés pour le calcul de sa rente. » La centrale syndicale soutient également les propositions visant à mieux soutenir les proches aidants.

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) s’oppose elle aussi au report de l’âge d’admissibilité à la retraite. « Le RRQ est un pilier majeur du système public de retraite au Québec et, avant d’en modifier les paramètres, il faudra s’assurer que ce ne soit pas au détriment de personnes démunies, dont certaines pour qui la possibilité de travail à un âge plus avancé n’est tout simplement pas une avenue envisageable », s’inquiète Luc Beauregard, secrétaire-trésorier de la CSQ. La centrale syndicale réclame le maintien d’un régime à prestations déterminées avec indexation garantie. 

Pour sa part, le Réseau FADOQ recommande le maintien de l’âge d’admissibilité à 60 ans. « Nous nous opposons à la proposition du document de consultation de faire passer l’âge minimal d’admissibilité à la rente du RRQ de 60 à 62 ans. De plus, nous sommes aussi contre l’idée d’augmenter les pénalités pour le versement de la rente avant 65 ans », pointe l’organisme.

Le Réseau FADOQ s’inquiète particulièrement de la situation « des personnes qui ne peuvent pas continuer à travailler malgré leur bonne volonté, notamment les individus ayant eu des ennuis de santé, un accident, une perte de capacité ou des responsabilités comme proche aidant », souligne Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Réseau FADOQ. L’organisme demande également que le mécanisme actuel d’ajustement automatique du financement du régime de base du RRQ soit conservé, en cas de situation défavorable. Ce mécanisme prévoit une hausse possible des cotisations, permettant de partager la responsabilité de redresser la situation financière du régime entre employeurs et employés, relève le Réseau FADOQ.