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Selon l’analyse courante, l’environnement volatil des marchés ces dernières années et le faible niveau des taux d’intérêt long terme ont mis à mal la situation financière des régimes à prestations déterminées et fait bondir le niveau des cotisations versées. Un certain nombre d’entreprises ont terminé leur régime à prestations déterminées ou l’ont fermé à de nouveaux participants. D’autres s’apprêtent à le faire, ou attendent une remontée de leur solvabilité avant de le faire. Et l’introduction des nouvelles normes comptables en 2011 devrait accélérer ce processus. L’avenir appartiendrait aux régimes à cotisation déterminée.

La cotisation soutient seule le risque d’une prestation qui ne varie pas
Le scénario que je viens d’énoncer n’est pas une fatalité toutefois. Mon expérience dans l’élaboration et la mise sur pied du Régime de retraite par financement salarial (RRFS) des groupes communautaires et de femmes indique toutefois que des changements à la conception et à la gestion du risque pourraient contribuer à modifier radicalement, et pour le mieux, la perspective de viabilité des régimes à prestations déterminées. En effet, le problème central de la plupart des régimes à prestations déterminées est que la prestation est la même quelque soit la situation financière du Régime, qu’aucune réserve n’est mise en place pour absorber la volatilité des résultats et, que, par conséquent, c’est la cotisation seule qui absorbe le risque. Plus la maturité du régime augmente, plus le fait de faire reposer le risque sur le seul taux de cotisation fait supporter au promoteur un risque élevé, qui a toutes les chances de lui éclater au visage au mauvais moment, dans le creux d’un cycle économique.

L’approche qui sous-tend un RRFS au contraire exige que la cotisation pour le service courant couvre le coût non seulement de la rente acquise pendant l’année, mais aussi le coût de l’indexation de cette rente acquise, avant comme après la retraite. Dans le cas du RRFS des groupes communautaires et de femmes, 31% de la cotisation pour le service courant sert donc à constituer une réserve pour indexation, réserve qui constitue également un coussin important en mesure d’absorber les chocs et d’éviter que le régime ne tombe en déficit. Il faut aussi préciser que le règlement régissant les RRFS interdit toute modification si le régime ne dispose pas déjà d’un surplus pour la financer, et l’indexation des rentes et crédits de rentes a évidemment priorité sur toute autre amélioration.

Plus le degré de conservatisme est élevé dans la détermination de la formule de rente, plus le risque est d’abord supporté par la réserve et moins la cotisation est à risque. Dans le cas du RRFS des groupes communautaires et de femmes, cette préoccupation est d’autant plus grande que le risque de cotisation est supporté par les participantes et participants actifs dont le salaire moyen est de 28 000 $. Le Régime de retraite de l’Université du Québec a toutefois fait un virage intéressant dans cette direction en introduisant en 2005 un mécanisme d’indexation flexible pour précisément réduire la volatilité de la cotisation future, dont le risque est supporté à parts égales par l’employeur et les participants actifs. Le cas de l’Université du Québec est intéressant car, au fur et à mesure que les années passent, l’écart se creuse progressivement entre le passif garanti (à IPC-3% dans ce cas) et la promesse d’une pleine indexation, ce qui crée une réserve pour indexation qui, à maturité, représentera 15% du passif total. Il faut la preuve que tout régime existant qui le souhaite peut être proactif et réduire son risque de cotisation futur pour assurer sa pérennité, et ce d’autant plus qu’il contrôle sa politique de prestations, alors qu’il n’a pas de prise sur la performance des marchés ou le taux d’intérêt long terme.

À cotisation égale, un régime aussi généreux
Est-ce à dire qu’un RRFS sera moins généreux qu’un autre régime en raison de son conservatisme au niveau des prestations et du financement ? La politique de placement du RRFS est une politique relativement classique 60% actions – 40% obligations, et il est clair qu’une fois que les réserves auront atteint un niveau permettant d’avoir une probabilité élevée que le régime pourra éviter les déficits, tous les excédents serviront exclusivement à indexer puis, le cas échéant, à bonifier les rentes des participants. Et personne n’est lésé en cas de départ ou décès car la réglementation des RRFS exige que celui qui part a droit à la valeur de sa rente multipliée par le taux de solvabilité courant, ce qui assure à ce dernier sa part du surplus (ou le cas échéant du déficit).

L’historique des deux RRFS qui existent, celui de la FTQ et celui des groupes communautaires de femmes, est récent mais donne tout de même une idée de l’approche en pratique. Après 15 mois d’opération, le RRFS des groupes communautaires et de femmes affichait au 31 décembre 2009 un taux de capitalisation de 178 % si on compare la valeur marchande de l’actif à la valeur des rentes garanties non indexées, et de 125 % si on compare plutôt l’actif à la valeur des rentes pleinement indexées d’aujourd’hui jusqu’au décès de tous les participants. À cette même date, le taux de solvabilité s’élevait à 149 %. Ces données reflètent certes la bonne performance du régime depuis son démarrage, mais elles reflètent surtout le conservatisme dans la détermination de la rente garantie. Le RRFS-FTQ n’était pas en reste après 18 mois d’opération avec un taux de solvabilité estimé à 156 % au 31 décembre 2009.

Les règles formelles encadrant la conception et la gestion du risque ne sont qu’une partie de l’équation, la gouvernance constitue l’autre versant de l’équation requise pour assurer la stabilité des cotisations et la pérennité des régimes à prestations déterminées. Le comité de retraite doit avoir bien fait évaluer le risque du régime et mettre en place les politiques de placement, mais aussi et surtout de financement et d’utilisation des excédents d’actifs, pour concrétiser l’engagement de payer les rentes garanties, garder la cotisation stable en dépit de la volatilité des marchés financiers et des taux d’intérêt et, sous réserve des deux conditions précédentes, être en mesure d’indexer les rentes promises.

Une option à considérer
Il serait souhaitable que davantage de promoteurs examinent attentivement cette approche du risque. Elle leur permettrait de pouvoir continuer à offrir à leurs employés la sécurité d’un régime de retraite garantissant une rente sur une base viagère, avec tous les avantages découlant de l’efficience financière des régimes à prestations déterminées, tout en pouvant compter sur un niveau de cotisation plus stable et prévisible et un impact moindre des nouvelles normes comptables.

Michel Lizée est membre indépendant du comité de retraite du RRFS des groupes communautaires et de femmes. Il est également membre du comité de retraite du Régime de retraite de l’Université du Québec.