Agrandissement de son siège social, embauches massives, nourriture et café gratuit, Lightspeed Commerce navigue à contre-courant tandis que de nombreuses sociétés technologiques canadiennes se serrent la ceinture et mettent fin à leur campagne de séduction auprès des professionnels.

Depuis le début de la pandémie, le spécialiste du commerce infonuagique a presque doublé la taille des espaces qu’il occupe à son siège social, situé à Montréal dans l’ancienne Gare Viger, pour les amener à 8640 mètres carrés. Le clou des espaces rénovés, conçus par la firme d’architectes ACDF, est probablement le comptoir café où un barista sert les employés de l’entreprise.

À un moment où le télétravail est devenu un argument d’embauche, Lightspeed, qui offre une politique de télétravail flexible, espère que ses bureaux contribueront à la satisfaction des employés. « Ce qu’on voulait, c’est de créer une expérience unique quand les gens reviennent au travail », explique le chef de la direction, Jean Paul Chauvet, en entrevue.

« On n’oblige personne à venir, mais on fait énormément pour que les gens soient là, ajoute le dirigeant. Le matin, il va y avoir les petits déjeuners. Le midi, il y a une multitude de possibilités de repas, de salade, de sandwich. Le soir, même, on a des boîtes-lunch que les gens peuvent ramener chez eux. »

La société a environ 300 postes ouverts à Montréal, où travaillent 800 de ses 3000 employés. « On est toujours en mode embauche. Il y avait 300 postes ouverts au dernier trimestre et on les a comblés. Il y a une croissance constante. »

Les attentions de l’entreprise montréalaise contrastent avec la période morose que traversent plusieurs travailleurs des technos canadiennes.

Habituées à trouver facilement du capital pour nourrir leur ambition de croissance, les start-up ont commencé à gérer leurs finances de manières plus serrées en raison de la débâcle du secteur
à la Bourse, de la hausse des taux d’intérêt et du retour à une vie plus « normale » qui a réduit l’appétit des consommateurs pour certains services virtuels.

Par exemple, le spécialiste des mets prépréparés Marché Goodfood a annoncé une réduction de 2,8 % de ses effectifs tandis que l’entreprise a perdu des clients dans la foulée des assouplissements sanitaires. La fintech Wealthsimple, pour sa part, a mis les embauches sur pause, récemment.

Même les géants du web américains vivent une nouvelle austérité. Netflix a annoncé, en mai, qu’elle mettait à pied 150 personnes, soit 2 % de ses effectifs, après avoir enregistré une première réduction du nombre de ses abonnés. Malheur relatif, les employés de Facebook, pour leur part, ont appris ce printemps qu’ils devraient faire eux-mêmes leur lavage avec l’abandon du service de buanderie qui leur était offert.

Un contexte favorable

Lightspeed, pour sa part, se trouve dans un contexte plus favorable. L’assouplissement des mesures sanitaires profite à ses clients dans les commerces et les restaurants, souligne M. Chauvet. « Les gens ont tellement cette envie de revenir dans le monde physique que, pour nous, ça crée une grosse demande pour nos produits. »

Cet appétit s’est reflété dans les plus récents résultats trimestriels de la société qui a enregistré une croissance de ses revenus de 78 % au cours de la période de trois mois terminée le 31 mars. L’analyste financier de Marchés mondiaux CIBC, Todd Coupland, estimait que les résultats renforcent sa thèse optimiste. « Le marché des petites et moyennes entreprises pour les innovations est large tandis que le taux d’adoption de l’infonuagique est encore bas. »

La complexité pour les petites entreprises qui doivent gérer leur présence en ligne en même temps que leurs activités physiques représente une occasion d’affaires pour Lightspeed. « Comme les gens continuent d’acheter en ligne et de se rendre sur place, c’est encore plus difficile pour les restaurateurs et les commerçants, constate M. Chauvet. Notre plateforme est encore plus en demande qu’elle ne l’était auparavant. »