Une étude de la Colombie-Britannique cherche à comprendre comment le travail de nuit peut influencer la santé du microbiome intestinal qui causerait un risque accru de cancer chez les travailleurs de nuit. 

On sait de prime abord que les quarts de nuit sont associés à des risques accrus de cancer chez ces travailleurs, indique le chercheur canadien Parveen Bhatti, qui mène l’étude. Au Canada, 1,8 million de personnes ont un horaire de travail qui inclut la période de minuit à 5 h.

M. Bhatti, de la BC Cancer Research Institute et de la Cancer Control Research, indique que le travail de nuit pourrait altérer la composition et l’activité des communautés microbiennes vivant dans l’intestin.

Le microbiome intestinal, dans lequel vivent des milliards de bactéries, possède son propre cycle circadien. Les bactéries ont un cycle sur 24 heures qui influence leurs fonctions et même leur composition.

Les travailleurs de nuit sont un groupe de gens qui souffre d’une perturbation de cycle circadien. « Parce qu’ils ne vont pas dormir au moment où ils devraient. Ce sont des millions d’années d’évolution qui font en sorte que notre biologie est liée au cycle de la lumière du jour et de la nuit. […] Cela les déconnecte en quelque sorte de ce que le corps est programmé pour faire, incluant le microbiome », a expliqué M. Bhatti.

Le travail de nuit provoque donc une sorte de dérèglement du microbiome intestinal. Ces personnes mangent à un moment de la journée où le corps n’est pas programmé pour recevoir de la nourriture, précise M. Bhatti. Le microbiome intestinal prend une partie de la diète et la transforme pour pouvoir exécuter diverses fonctions dans le corps.

« Le microbiome n’est pas programmé pour recevoir ces nutriments à ces moments de la journée, ce qui mène a une perturbation et une dysfonction qui peut avoir des conséquences physiologiques comme un cancer », dit-il.

L’impact négatif des quarts de nuit sur le microbiome intestinal pourrait augmenter l’inflammation, ce qui pourrait contribuer à développer un cancer. « Plus spécifiquement, un microbiome intestinal en santé synthétise les acides gras à chaîne courte qui sont importants pour la réponse immunitaire dans le corps. Nous avons compris que lorsqu’il y a une perturbation dans la synthétisation de ces acides gras à chaîne courte, vous pouvez avoir une augmentation de l’inflammation. Ça pourrait être une façon dont les quarts de travail de nuit augmentent le risque de cancer », avance le chercheur.

Identifier les différences 

M. Bhatti ne peut pas confirmer si le microbiome peut s’adapter à un horaire atypique régulier, mais il ne croit pas que ce soit le cas. Le chercheur estime que ce genre de dérèglement peut se produire même chez les personnes qui ont toujours le même horaire de nuit puisque la fin de semaine elles risquent de se synchroniser avec un horaire davantage de jour.

Dans leur recherche, M. Bhatti et son équipe veulent identifier les différences entre le microbiome intestinal des travailleurs de nuit et ceux de jour et voir comment cela affecte le risque de cancer. Le recrutement des participants à l’étude débutera sous peu. L’objectif est de comparer un groupe de 200 travailleurs de nuit de la Colombie-Britannique avec un groupe de 100 travailleurs de jour.

La recherche permettra entre autres de voir s’il y a en moins grande quantité le type de bactéries impliquées dans la synthétisation des acides gras à chaîne courte dans le microbiome intestinal des travailleurs de nuit.

La recherche de M. Bhatti s’échelonnera sur deux ans. Pour la mener à terme, il a bénéficié d’un financement de près de 200 000 $ de la Société canadienne du cancer et les Instituts de recherche en santé du Canada.

Dans le futur, M. Bhatti souhaite qu’il y ait une deuxième phase à sa recherche où il serait en mesure de voir si un certain type de dysfonction dans le microbiome intestinal des travailleurs de nuit est associé avec un risque accru de cancer. « Ce type de recherche est plus complexe, car il faut suivre les personnes sur une longue période de temps. Ça peut prendre des décennies avant qu’elles développent un cancer », dit-il.

M. Bhatti souligne que le travail de nuit ne disparaîtra pas, car il fait partie intégrante de nos sociétés désormais. « Nous devons vraiment développer des interventions pour réduire les risques de maladies chroniques, et plus particulièrement le cancer, dans ce groupe », plaide-t-il. Le but de l’étude est de fournir des connaissances visant à réduire le risque de cancer associé aux travailleurs de nuit, par exemple en modifiant le régime alimentaire ou en intervenant sur le facteur du sommeil.