La plupart des employeurs sont conscients que la mauvaise santé des employés entraîne des coûts considérables, que ce soit en matière d’assurance collective ou de perte de productivité. Mais s’ils faisaient l’exercice de calculer à combien s’élève exactement la facture, ils en auraient sans doute des frissons.

« Les coûts liés à la mauvaise santé des travailleurs sont beaucoup plus importants que ce que les entreprises croient », soutient le Dr Mario Messier, directeur scientifique au Groupe entreprises en santé.

Avec des experts de Normandin Beaudry, il a calculé combien une entreprise québécoise type de 100 employés et dotée d’une masse salariale de 5 790 000 $ pouvait perdre d’argent chaque année en raison des problèmes de santé de ses employés.

Selon les chiffres que le Dr Messier a présentés mercredi dans le cadre du Congrès collectif 2018, organisé par Segic, une firme moyenne de 100 employés doit assumer des coûts annuels de 120 500 $ en contributions au régimes de la CNESST, de 203 000 $ pour le régime d’assurance collective et de 111 000 $ liés à l’absentéisme. À cela s’ajoutent 434 500 $ de pertes liées au présentéisme, et un autre 434 500 $ en coûts indirects, ce qui inclut par exemple les frais engagés pour remplacer un employé absent. Au total, la facture s’élève donc à 1 303 500 $, soit 23 % de la masse salariale de l’entreprise.

Le chiffre peut faire sursauter, mais il est tout à fait réaliste, estime Mario Messier. « Les employeurs ont tendance à sous-estimer certains coûts, par exemple ceux en lien avec le taux de roulement, qui peut varier entre 0,4 et 3 fois le salaire annuel de l’employé. Or, on sait que des départs fréquents dans une entreprise peuvent être le signe d’une mauvaise santé psychologique des employés. »

À lire : Anticiper l’assurance collective de demain

La solution : la prévention

La mauvaise nouvelle, c’est que si les employeurs ne font rien, ces coûts ne feront qu’enfler année après année. La bonne nouvelle, c’est que la majorité des troubles de santé qui entraînent ces dépenses colossales pour les employeurs peuvent être prévenus ou atténués grâce à la prévention.

Pas moins de 90 % des cas de maladies cardiovasculaires peuvent par exemple être évités grâce à neuf facteurs modifiables, en tête de liste le tabagisme, l’alimentation et l’activité physique. Pour le cancer, sept facteurs modifiables sont responsables de 75 % des cas, explique le Dr Messier.

« Les statistiques démontrent que 80 % des Canadiens ne font pas assez d’exercice, que 61 % ont un excès de poids et que 60 % mangent moins de cinq portions de fruits et légumes par jour. Il y a beaucoup de travail à faire du côté de la prévention », soutient-il.

Selon des données de Statistique Canada, les programmes de santé et de mieux-être en entreprise génèrent un retour variant entre 2,75 et 4 $ par dollar investi. Pour être efficaces, ces programmes doivent toutefois remplir certaines conditions, précise Mario Messier. Ils doivent notamment être alignés avec les besoins des employés, obtenir le soutien de la haute direction, être communiqués efficacement et susciter la participation des employés. « Pour qu’ils fonctionnent, ces programmes doivent aussi être dotés d’un certain budget », prend-il soin d’ajouter.

À lire : Le défi de moderniser son programme de mieux-être

Le cas de Lassonde

Avant les années 2000, l’état de santé des employés de Lassonde n’avait rien de réjouissant. Des contributions élevées à la CNESST, jumelées à un taux élevé d’absentéisme et d’invalidité, ont poussé l’entreprise basée à Rougemont à mettre sur pied un programme de santé et de mieux-être.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé : Lassonde détient la certification Entreprise en santé Élite. « La norme a amené plus de structure au sein de notre programme. On a embauché des kinésiologues et des infirmières pour mieux répondre aux besoins de nos employés », a expliqué Mathieu Girard, gestionnaire en santé, sécurité et mieux-être à Lassonde.

Le programme intervient dans quatre axes distincts : les habitudes de vie, l’équilibre travail-vie personnelle, l’environnement de travail et les pratiques de gestion.

Du côté des habitudes de vie, le programme de mieux-être propose aux employés de remplir un questionnaire pour déterminer leur profil de santé. S’en suit une consultation avec une infirmière et l’élaboration d’un programme individuel de santé en collaboration avec un kinésiologue.

Parmi les autres initiatives mises en place, Mathieu Girard, énumère un centre d’entraînement physique sur le lieu de travail, un programme de remboursement pour les activités de conditionnement physique, des sessions de yoga, un marathon annuel, un programme de soutien pour les employés qui souhaitent cesser de fumer et des cafétérias subventionnés servant des repas élaborés par une nutritionniste.

« Comme nous avons cinq quarts de travail différents, le principal défi est d’offrir des activités à tous les employés, et pas seulement à ceux qui travaillent de jour », mentionne M. Simard.

Pour favoriser l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle des travailleurs, Lassonde a également mis à leur disposition une garderie, différentes possibilités d’accommodements en matière d’horaires de travail et des options de retraite progressives qui permettent aux employés plus âgés de travailler à temps partiel. « il s’agit d’un avantage très apprécié de nos travailleurs », assure Mathieu Simard.

À lire : Petites victoires et grands défis d’un régime auto-assuré