L’engouement relativement récent des employeurs pour les formes de travail flexibles, surtout en ce qui concerne les horaires, réjouit les oiseaux de nuit, qui ont toujours eu du mal à se conformer à la journée de travail standard.

Les recherches montrent en effet que les noctambules sont programmés pour se coucher plus tard, et se lever plus tard. Or, les horaires de travail de 9 à 5 les forcent à lutter contre leur rythme physiologique naturelle. Pire encore, les horaires conventionnels les rendent plus vulnérables aux problèmes de santé physique et mentale, rapporte Kaiser Health News.

« Il est plus difficile pour les couche-tard de fonctionner dans le monde parce qu’ils ne sont pas synchronisés avec l’horaire imposé par la société », explique Kelly Baron, professeur associé à l’Université de l’Utah, qui étudie la santé du sommeil et traite cliniquement les patients souffrant d’insomnie.

Le manque de sommeil, dont souffrent notamment les couche-tard forcés de se lever tôt, est un important facteur d’absentéisme, ajoute-t-elle. « Nous obtiendrions de meilleures performances de la part des employés si on leur permettait de travailler au moment où ils sont les plus efficaces. »

En revanche, elle met en garde les employeurs de trop allonger les heures de travail en soirée. Ses recherches ont montré que cela pouvait encourager de mauvaises habitudes de vie chez les travailleurs, même les oiseaux de nuit, comme la consommation de fast-food, la sédentarité et la baisse de socialisation.

Le télétravail en cause ?

Une étude menée auprès de 875 travailleurs en Italie durant la pandémie a permis de constater que les employés de type nocturne dormaient mieux et plus longtemps lorsqu’ils travaillent à domicile. Les chercheurs auraient également noté une diminution des symptômes de dépression et d’insomnie. Difficile toutefois de déterminer si le télétravail en soi favorise de meilleures habitudes de sommeil, ou si c’est plutôt la plus grande latitude consentie par les employeurs en matière d’horaires de travail qui a surtout fait la différence.

Certains chercheurs préviennent aussi que cette étude a été réalisée en pleine crise de la COVID-19, qui a influencé la vie des individus bien au-delà du télétravail et des horaires de travail. Les données recueillies pourraient donc avoir été brouillées par une foule d’autres changements dans le mode de vie des gens.

Une autre étude publiée en février a pour sa part remarqué que même les couche-tard qui avaient dormi davantage durant la pandémie rapportaient systématiquement des niveaux de santé mentale inférieurs aux lève-tôt.

Les couche-tard stigmatisés

De nombreuses études ont démontré que les personnes qui ont tendance à se coucher plus tard dorment moins (6,6 heures par nuit) que les personnes qui se lèvent tôt (7 heures par nuit). À la longue, les noctambules accumulent une « dette » de sommeil chronique, ce qui nuit à leur santé physique et mentale. Ils sont notamment 30 % plus susceptibles de souffrir d’hypertension que les couche-tôt, et ont 1,6 fois plus de risque de développer un diabète de type 2, car le sommeil affecte la régulation de la glycémie. Ils sont également deux à trois fois plus susceptibles de se voir diagnostiquer une dépression et deux fois plus susceptibles de prendre des antidépresseurs.

Mais alors, pourquoi ne se couchent-ils pas simplement plus tôt ?

Une cascade d’événements biochimiques doit se déclencher pour qu’une personne commence à se sentir somnolente, et ce moment est déterminé par le chronotype. C’est cette horloge biologique qui fait en sorte qu’un individu se sente éveillé ou fatigué tout au long d’un cycle de 24 heures. Or, le fonctionnement du chronotype dépend de facteurs génétiques. Environ la moitié des gens se situent dans la fourchette moyenne, c’est-à-dire qu’ils ne se réveillent pas à l’aube, mais ne s’endorment généralement pas après minuit. L’autre moitié de la population est divisée entre les lève-tôt et les couche-tard.

Ce décalage dans les heures de sommeil avait un rôle évolutif à l’ère préhistorique : les lève-tôt assuraient la surveillance pendant que les couche-tard dormaient, et vice-versa. Mais aujourd’hui, la société a adopté un horaire standardisé qui correspond davantage au rythme naturel des lève-tôt. « La société moderne récompense les lève-tôt et stigmatise les couche-tard, déplore Brant Hasler, professeur associé au Center for Sleep and Circadian Science de l’Université de Pittsburgh. Nous répondons au besoin d’une partie de la population au détriment d’une autre. »

En favorisant des horaires de travail flexible, télétravail ou pas, les employeurs ont donc un important rôle à jouer pour rétablir l’équilibre.