
À l’heure où les coûts occasionnés par la maladie mentale retranchent chaque année plus de 50 milliards de dollars à l’économie canadienne, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience de l’importance de veiller au bien-être de leurs employés. Parmi elles, Lundbeck Canada, qui n’a pas hésité à passer des paroles aux actes.
En mettant sur pied le programme Harmoniske (mot d’origine danoise signifiant harmonie), la société pharmaceutique visait en premier lieu à promouvoir la santé mentale de ses employés et par la même occasion implanter la norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail. « On voulait favoriser un niveau de santé mentale optimal chez Lundbeck. Nous avons regardé ce que l’on pouvait faire pour augmenter le niveau de satisfaction et d’engagement de nos employés en créant un mouvement d’harmonie, de paix et de bien-être à l’intérieur de l’entreprise », explique Catherine Baril, directrice principale, ressources humaines et administration chez Lundbeck Canada (photo).
Il faut dire que l’entreprise était déjà sensible à la question de la santé mentale, puisqu’elle exerce ses activités dans le domaine des troubles neurologiques et psychiatriques. « On jouit d’une visibilité importante dans la communauté scientifique et médicale. Notre mission d’entreprise est de se soucier de nos patients, mais on voulait aussi démontrer qu’on se soucie de nos employés », soutient-elle.
Formation et évaluation
Depuis le lancement officiel du programme Harmoniske l’automne dernier, plusieurs actions concrètes ont été mises en place au sein de l’organisation pour inciter l’ensemble du personnel à prendre au sérieux la problématique des troubles liés à la santé mentale. À commencer par les gestionnaires d’un bout à l’autre du pays, qui ont suivi une formation d’une durée de deux jours pour les aider à identifier les signes précurseurs des problèmes de santé mentale chez leurs employés. « On ne vit pas de problématique importante en fait d’absentéisme et d’invalidité chez Lundbeck, mais quand un cas se présente, on veut être proactif et réagir efficacement avant que la situation de l’employé s’aggrave et qu’il parte en invalidité », indique Catherine Baril.
Au cours des prochains mois, les employés auront eux aussi la possibilité de prendre part à une formation axée principalement sur la gestion du stress. « On sait que le stress trop élevé peut mener à des problèmes de santé mentale s’il n’est pas bien géré. On veut offrir des solutions aux employés qui vivent dans un environnement, qui on le sait, est de plus en plus turbulent et en continuel changement. » Comme c’est souvent le cas, le défi sera toutefois d’encourager et stimuler les employés à participer, selon Catherine Baril.
Qu’ils concernent les employés ou les gestionnaires, ces formations sont également l’occasion d’ouvrir un dialogue sur la santé mentale en milieu de travail et de réduire la stigmatisation. « Les employés doivent sentir qu’ils peuvent discuter ouvertement de santé mentale avec leur gestionnaire et leurs collègues sans faire l’objet de jugements. C’est permis et même encouragé de parler de ce qui nous trouble en matière de santé mentale, peu importe le problème », insiste Catherine Baril.
Une autre initiative qui sera lancée ce mois-ci, en collaboration avec Morneau Shepell, vise à encourager les employés à amorcer une réflexion sur leur propre condition en remplissant un sondage portant sur l’indice de santé globale (ISG). Cet outil est une étude de recherche appliquée qui fournira à l’entreprise de l’information portant non seulement sur ce que les employés éprouvent au sujet de leur expérience professionnelle, mais également sur ce qui motive ces sentiments. Grâce au sondage, on pourra mesurer le degré de stress des employés et leur capacité de composer efficacement avec celui-ci. On évaluera aussi la manière dont le stress et les capacités d’adaptation influent sur l’engagement et la productivité des effectifs ainsi que sur leur santé en général. Les employés reçoivent en temps réel une rétroaction de leurs propres scores à l’indice et obtiennent un accès immédiat à des outils et ressources en ligne.
Pour l’entreprise, l’ISG fournit un portrait global des principaux facteurs de risque pouvant avoir une incidence sur la santé et le bien-être des employés (les données individuelles demeurent confidentielles). Il tient compte des 13 facteurs psychosociaux de la norme sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail qui prévalent dans l’organisation, mais aussi sur les préoccupations des employés en ce qui a trait à la santé mentale. « La perception des employés et des gestionnaires est souvent fort différente. Ce sondage nous permet d’obtenir le pouls des employés et d’identifier les éléments où nous sommes plus faibles dans le but d’élaborer un plan d’action pour bonifier ou réajuster nos pratiques », indique Mme Baril.
Programme structuré
Lundbeck n’a pas attendu Harmoniske pour offrir certains programmes de soutien à son personnel. Télétravail, horaires flexibles et conciliation travail-famille faisaient déjà partie du quotidien des employés de la société pharmaceutique, de même que la politique de soutien au bien-être physique et psychologique. Celle-ci donne droit à un remboursement de 500 $ par année pour des activités qui contribuent au bien-être personnel, qu’il s’agisse de cours de cuisine, de sculpture, de photographie ou d’un traditionnel abonnement à un centre de gym. « Du moment où une activité fait du bien à l’employé et l’aide à gérer son stress, à décrocher, on l’encourage, qu’il soit du genre sportif ou artistique. L’idée est de soutenir les employés dans quelque chose qui est significatif dans leur vie. »
La mise sur pied de la démarche en santé mentale a toutefois rendu nécessaire une certaine consolidation des différents programmes en place, explique Catherine Baril. « C’était important de faire l’inventaire et l’analyse de nos pratiques existantes. On offrait déjà certains programmes, mais les employés ne les connaissaient pas ou bien avaient oublié qu’ils existent. Pour nous il était important d’intégrer et de communiquer tout ça en lien avec les facteurs de risque potentiels en santé mentale et d’être ouvert à adopter une approche plus flexible. »
Travail de longue haleine
La mise sur pied d’une stratégie de cette envergure ne se fait pas en claquant des doigts. Si tout au long du processus, Catherine Baril et son équipe ont pu compter sur le soutien de Morneau Shepell, il n’en reste pas moins que le projet a demandé un travail de longue haleine pour les ressources à l’interne. « Ça fait plus d’un an que nous avons débuté notre stratégie de prévention et de promotion de la santé mentale. Nous sommes avancés, mais pas encore à la fin du processus. Par contre, c’est extrêmement stimulant et motivant. »
Cela dit, la rigueur requise dans l’implantation d’une telle norme a rendu les premières étapes plutôt fastidieuses, se souvient Catherine Baril. « Le plus difficile a été de mettre en place la structure, de partir la machine le premier jour. La création du comité a été une étape significative. Nous avons mis un certain temps à atteindre notre vitesse de croisière et à trouver des gens motivés pour se joindre au groupe. Au début c’était plutôt conceptuel, maintenant on est plus dans les moyens concrets. »
Dès le lancement du projet, Catherine Baril et Dan McCarthy, directeur principal, relations externes ont cependant pu compter sur l’appui du président et de la haute direction, une condition essentielle à la réussite d’une telle initiative selon elle. « C’est certain qu’il a fallu bien communiquer les objectifs et les raisons d’être derrière ça, mais l’ouverture a été assez fascinante. Il y a eu quelques préoccupations concernant l’augmentation de la charge de travail que cela pourrait occasionner, mais rien de majeur », affirme Mme Baril.
Ces efforts ont toutefois été récompensés, puisque Harmoniske a reçu un accueil des plus chaleureux de la part des employés. « Quand nous avons fait le lancement cet automne, la réponse a été très positive. Dans les semaines qui ont suivi, on a remarqué que les employés démontraient vraiment de l’intérêt et de la curiosité face à la démarche. Ils ont hâte de voir ce qui s’en vient », explique Mme Baril, qui soutient toutefois que des efforts continus seront nécessaires pour assurer la pérennité du programme.
« Il va toujours falloir faire des efforts pour garder le momentum et continuer à développer des initiatives. Les employés ne doivent pas oublier la raison d’être de notre politique sur la santé mentale », note-t-elle. Des communications régulières et un portail en ligne, qui contient plusieurs ressources utiles, font partie des stratégies utilisées pour maintenir le rythme.
Quoi qu’il en soit, l’initiative lancée par la filiale canadienne de Lundbeck n’est pas sans susciter un certain intérêt au siège social, situé à Copenhague au Danemark. « On souhaitait que Lundbeck Canada devienne un exemple à suivre dans la communauté d’affaires sur la question de la gestion de la santé mentale. J’espère que notre expérience encouragera d’autres entreprises à nous emboîter le pas. »