Un mélange nocif qui impose une contrainte de poids aux finances publiques, expliquait lundi une brochette d’experts réunis lors du colloque sur la retraite tenu dans le cadre de la Conférence de Montréal.

Les données sont probantes : le poste budgétaire du système de santé canadien équivaut à 10 % du PIB du pays, selon les données compilées par les experts-conseils de McKinsey & Company. Et selon celles de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les dépenses privées de santé au Canada oscillent autour de 3 % du PIB. Cela signifie que près de 50 G$ sont dépensés chaque année par des particuliers en soins de santé au pays. À l’échelle mondiale, les dépenses publiques atteindront elles 14 % du PIB en 2060.

« Le problème n’est pas causé par le vieillissement de la population, assure Mark Pearson, responsable des politiques sociales à l’OCDE. En effet, au cours des trois ou quatre dernières décennies, le vieillissement n’a été responsable que de 10 à 15 % de l’augmentation des dépenses en santé. Au cours des deux ou trois prochaines décennies, cette proportion pourrait atteindre 25 %, mais ne représentera toujours pas le principal problème, selon M. Pearson. « Le problème est surtout que le système de santé n’est pas conçu pour gérer l’afflux de maladies chroniques, ou les multiples cancers qui affligent certaines personnes. »

Un système qui n’est pas viable

Ainsi, au Canada, « 5 % de la population consomme 65 % des soins de santé », explique le gestionnaire de fortune Michael Decter, président du cabinet torontois LDIC. Celui qui a été sous-ministre de la Santé en Ontario insiste sur le fait que les systèmes de santé ne sont pas viables économiquement et doivent innover pour être plus efficaces.

« Dépenser plus d’argent ne fait pas un meilleur système de santé », affirme-t-il, en expliquant qu’il y a 20 ans, le système de santé du Royaume-Uni se trouvait très loin derrière ceux du Canada et des États-Unis dans l’enquête internationale sur les politiques de santé du Commonwealth Fund. Aujourd’hui, le Royaume-Uni se trouve au premier rang malgré un budget inférieur par habitant qu’en Amérique du Nord.

Une des clés pour rendre les systèmes de santé plus efficients réside dans le développement de soins hors hospitaliers performants, expose M. Decter. « Dans un monde idéal, les malades chroniques devraient être outillés pour gérer eux-mêmes leur maladie. Ils se rendraient à l’hôpital uniquement quand ils ne seraient plus en mesure de le faire », croit-il.

Les budgets anémiques dédiés aux efforts de prévention seraient aussi au cœur de la problématique de l’augmentation des coûts. « On essaie de guérir plutôt que de prévenir, ce qui est totalement irrationnel », lance Mark Pearson, qui déplore que seulement 3 % des dépenses totales en santé servent à la prévention, une proportion qui est même en décroissance. « Une nuit d’hôpital coûte 20 fois plus cher qu’un bilan de santé chez un omnipraticien », ajoute-t-il.

Et c’est sans parler des coûts des médicaments qui ne cessent d’augmenter, particulièrement ceux des nouveaux médicaments de spécialité. « Il en coûterait 300 milliards de dollars pour guérir tous les Américains atteints d’hépatite C. On doit arrêter de payer les médicaments à un prix déterminé de manière arbitraire », affirme Mark Pearson.

La technologie à la rescousse

L’utilisation plus poussée d’outils technologiques dans le domaine médical est une autre piste de solution prometteuse pour accroître l’efficacité des systèmes de santé.

« Ce sont peut-être les entreprises de technologie qui modifieront le plus les soins de santé dans les prochaines décennies », estime Michael Decter. L’utilisation d’applications mobiles qui permettraient d’échanger rapidement par photo ou vidéo avec un médecin pourrait par exemple permettre de limiter le nombre de visites inutiles à l’urgence.

« Les assureurs pourraient effectuer davantage d’analyses pour mesurer l’efficacité réelle des soins », donne comme autre exemple Tim Welsh, directeur de McKinsey & Company.

« On doit accepter de transformer complètement la façon de voir les soins, ce qui n’est pas évident dans le milieu médical où il y a une grande tendance à l’inertie », soutient Michael Decter. Mais si rien ne change, on risque de ne plus être capable de financer nos systèmes de santé. »

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