Le patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) ne ferme pas la porte à soutenir davantage d’entreprises québécoises de l’industrie de la défense dans un contexte où les gouvernements veulent accélérer leurs investissements militaires.  

« Je pense qu’on va regarder attentivement ce secteur-là », a dit le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Emond, en mêlée de presse, en marge d’un événement du Cercle canadien de Montréal, mercredi.

La Caisse appuie déjà plusieurs entreprises du milieu de l’aérospatiale, mais elle portera également une attention aux différents segments qui composent l’industrie de la défense.  « Il faut voir dans le monde dans lequel on vit », a évoqué M. Emond. « L’un des droits stipulés par les Nations unies, c’est la sécurité des populations. Je dirais donc qu’il y a plusieurs gammes de sous-segments dans le secteur de la défense qui vont nous intéresser. Il y a la formation de pilotes, des simulateurs et une foule de choses. »

« On va le regarder de ce côté-là, ce qu’on peut faire pour appuyer les entreprises de cette grappe-là au Québec », a-t-il ajouté.

Interrogé sur la dimension éthique d’éventuelles participations dans cette industrie, M. Emond a mentionné que le bas de laine des Québécois respecte des traités internationaux, comme sur les mines antipersonnel. La Caisse continuera de mener ces investissements « avec la même lentille », mais le contexte mondial actuel jette un « nouvel éclairage » sur la défense, selon le PDG de la CDPQ.

« Je pense qu’il faut un peu élargir nos horizons, puis voir comment on peut stimuler et aider un secteur qui est en fait porteur d’innovation et qui emploie beaucoup de gens au Québec. C’est de cette façon qu’on va le regarder », a-t-il affirmé.

En début de semaine, le premier ministre du Canada, Mark Carney, a annoncé des investissements en défense dans l’objectif que le pays atteigne la cible fixée par l’OTAN de consacrer 2 % de son PIB en dépenses militaires en 2025-2026. Son homologue du Québec, François Legault, a dit s’attendre à ce que la province récolte une grande part de ces investissements à venir.

M. Emond a prononcé une allocution soulignant le 60e anniversaire de la CDPQ, devant un parterre de personnes réunies au Palais de congrès de Montréal, mercredi midi.

Dans un entretien ensuite avec Marie Hélène Noiseux, membre du conseil d’administration de Retraite Québec et professeure titulaire de finance à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, il est revenu sur la guerre commerciale initiée par Donald Trump et les effets sur les investissements de la CDPQ.

Le nombre d’entreprises qui ressentent directement les droits de douane du président des États-Unis « est assez limité », a indiqué M. Emond. « De toutes les entreprises dans lesquelles on est investi la Caisse, globalement dans le monde, à peu près 6 % seraient impactées directement par des tarifs et 12 % au Québec. La raison, c’est qu’on l’oublie, les tarifs sont sur les biens. Les trois quarts de l’économie, c’est du service », a-t-il fait valoir.

Néanmoins, l’impact macroéconomique « nous frappe à 100 % sur le portefeuille, qui frappe tout le monde » avec un choc potentiellement stagflationniste, a précisé M. Emond. Il s’est dit « impressionné » par les contrepoids face à l’administration américaine, qui sont peu nombreux, mais «assez efficaces», évoquant les tribunaux et le marché obligataire.

Il reste que Donald Trump crée « énormément d’incertitudes » actuellement. «On est quand même à une moins bonne place qu’on était à Noël, économiquement», a affirmé M. Emond, bien que l’économie reste, pour le moment, « un peu solide ».

Selon lui, l’administration Trump « pourrait marcher sur une glace plus mince dans les prochains mois », si notamment l’économie s’affaiblit et que l’inflation se fait ressentir aux États-Unis avec comme toile de fond les élections de mi-mandat dans environ un an.  « Ce qu’il faut imaginer, c’est qu’il va y avoir une espèce de volonté de déclarer une espèce de victoire pour passer à d’autres choses, mais ça va rester « bumpy » (cahoteux). J’ai confiance qu’il y a une logique qui va prévaloir », a avancé M. Emond.