
Les changements climatiques demeurent le risque le plus sévère auquel le monde sera confronté à court et long terme. En 2024, le réchauffement climatique a franchi le seuil de 1,5 °C par rapport au niveau préindustriel. Les derniers mois ont également été marqués par le retrait d’institutions financières d’initiatives mondiales sur le climat comme la Net-Zero Banking Alliance.
Malgré ces revers, des tendances encourageantes émergent. Les investissements favorisant la transition énergétique ont atteint un niveau sans précédent à l’échelle mondiale, en hausse de 11 % par rapport à l’année précédente, pour un total de 2 100 G$ US. L’adaptation des infrastructures visant à répondre à la hausse mondiale de la demande en énergie et aux événements climatiques extrêmes, ainsi que l’innovation technologique nécessaire qui en découle, crée des occasions d’investissement.
Dans ce contexte, la transition vers une économie sobre en carbone représente des défis et des opportunités pour les régimes de retraite. Aligner un portefeuille sur une trajectoire de décarbonation est possible, mais cela nécessite des ressources et des expertises particulières.
Pour aborder efficacement la décarbonation d’un portefeuille, il est essentiel de commencer par une compréhension approfondie de ce dernier sous un angle climatique. Des informations comme les émissions financées (en intensité et/ou en absolu), le degré d’exposition aux risques physiques et de transition de même que l’approche et la maturité climatique des entreprises qui le composent représentent d’excellents points de départ. La mise en place d’une approche climatique peut ensuite prendre plusieurs formes : engagement actionnarial, désinvestissement de certains secteurs à forte intensité carbone, adoption de cibles de réduction progressive des émissions financées, investissements dans des énergies renouvelables, financement d’entreprises nécessitant une décarbonation de leurs activités, etc.
L’approche climatique retenue doit prendre en compte l’incidence de celle-ci sur la composition du portefeuille en matière de risque et de rendement, incluant les impacts potentiels sur la diversification, la liquidité et les déviations du portefeuille par rapport à l’indice de référence. Cette évaluation permet de choisir la meilleure approche tout en renforçant la résilience du portefeuille face aux risques climatiques.
Par ailleurs, cela ne signifie pas qu’il faille s’opposer systématiquement aux dynamiques économiques actuelles : la part des énergies fossiles demeure à ce jour importante dans le panier énergétique, même si cette part est appelée à décroître. Ainsi, exclure le secteur se traduit — du moins pour l’instant — par une réduction de l’empreinte carbone d’un portefeuille, sans toutefois mener à une réduction des émissions de GES rejetées dans l’atmosphère.
L’engagement actionnarial auprès des entreprises ayant de fortes émissions de GES est également efficace. Un plan d’engagement structuré avec les entreprises, en solo ou en collaboration avec d’autres investisseurs, permet d’influencer leur propre approche climatique et de réduire les émissions de GES dans l’économie réelle.
Pour être crédible, une stratégie climatique doit toutefois pouvoir s’appuyer sur des données fiables et inclure des cibles précises et mesurables. Par exemple, un comité de placement pourrait viser un taux de réduction de l’intensité des émissions de GES du portefeuille d’ici 2040 ou des investissements en dollars visant à soutenir la transition, avec une ou deux cibles intérimaires.
En intégrant les risques climatiques dans leurs modèles d’analyse, les gestionnaires améliorent leur capacité à identifier les entreprises les mieux positionnées pour prospérer dans une économie en transition. En effet, cette transition vers une économie sobre en carbone n’est pas qu’une question de risque, c’est aussi une source importante de possibilités. Certains domaines sont particulièrement propices à des possibilités liées à la décarbonation de l’économie : le financement direct de la transition par des investissements dans les technologies propres et/ou renouvelables et l’achat d’obligations durables ciblant les émetteurs dont les projets contribuent notablement à la transition climatique en sont de bons exemples.
Les ambitions de portefeuilles s’alignant sur la transition nécessitent une collaboration entre tous les acteurs de l’écosystème. Les détenteurs d’actifs doivent travailler résolument avec leurs gestionnaires, leurs consultants, les régulateurs, les gouvernements et les sociétés dans lesquelles ils investissent pour créer un marché favorable à cette transition.
Une approche efficace s’articule autour de quatre piliers fondamentaux :
- Des données exactes, intègres et pertinentes ;
- Une stratégie claire ;
- Le développement et l’intégration d’outils d’analyse et de suivi robustes ;
- La formation continue.
Une stratégie de décarbonation de portefeuille n’est pas seulement une question de retombées positives sur l’environnement : c’est une stratégie d’investissement qui reconnaît l’évolution de notre économie. En adoptant une approche pragmatique, progressive et fondée sur l’analyse rigoureuse des risques et des opportunités, les gestionnaires peuvent positionner les portefeuilles pour prospérer dans un monde en transition.
• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2025 du magazine Avantages.
Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.