Le gouvernement du Québec annonce qu’il permet le retour au travail progressif des travailleurs de bureau à compter de samedi.

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a toutefois averti que l’on ne permettra le retour que de 25 % des employés dans un premier temps.

« Il est suggéré de privilégier ceux qui doivent offrir un service direct à la population ou à la clientèle et ceux qui ne disposent pas de conditions organisationnelles ou familiales favorables au télétravail », a-t-il précisé en conférence de presse, mercredi, à Montréal.

De plus, cette proportion de 25 % ne représente pas un objectif à atteindre, mais bien un maximum à respecter, a précisé le ministre.

« On le fait tout en continuant de maintenir une forte recommandation de poursuivre en télétravail », a-t-il dit, tout en reconnaissant que cette option n’est pas toujours possible.

M. Boulet a souligné que ce sera aux employeurs à déterminer la forme que prendra ce retour au travail et qu’il pourrait très bien être effectué sous forme rotative.

S’approprier les risques

Un guide a été préparé par la CNESST pour assurer le respect de normes sécuritaires en milieu de travail fermé. Quelque 300 inspecteurs de la CNESST ainsi qu’un millier d’« agents de prévention » seront sur le terrain en soutien aux employeurs.

« C’est un principe fondamental en matière de santé et de sécurité. Que chaque milieu de travail s’approprie ses propres risques et le gère bien en tenant compte de la nature des risques et des normes sanitaires développées par la CNESST », a fait valoir Jean Boulet.

Le ministre a mentionné, parmi les consignes de santé publique qui devront être observées, « l’exclusion des travailleurs symptomatiques sur le lieu de travail, la promotion de l’hygiène des mains, le respect de l’étiquette respiratoire, le nettoyage et la désinfection des surfaces et des objets qui sont partagés et la ventilation des lieux ».

Le docteur Richard Massé, conseiller stratégique à la santé publique, a reconnu que cette dernière considération était cruciale: « On a la démonstration que, quand il n’y a pas une bonne ventilation, les particules qui sont dans l’air vont rester plus longtemps, donc on augmente le risque. On a demandé aux propriétaires en même temps qu’ils vont déconfiner, de s’assurer que les systèmes de ventilation des ascenseurs sont bien fonctionnels. »

Redonner vie au centre-ville

De son côté, la ministre responsable de la métropole, Chantal Rouleau, a fait valoir que l’absence de milliers de travailleurs a un effet délétère sur la vitalité du centre-ville de Montréal.

« Il y a habituellement 400 000 travailleurs au centre-ville. En ce moment, il n’y en a pas beaucoup. L’intérêt que nous avons à ramener progressivement les gens et de manière sécuritaire, et là on parle d’un maximum de 25 % par entreprise, (est de) permettre de réintégrer le centre-ville, parce qu’il doit continuer à vivre. »

« Le retour au travail normal va avoir un grand impact, autant sur les employés que sur les activités du centre-ville », a-t-elle ajouté.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour dresser un bilan, elle dit espérer un éventuel retour de ces travailleurs, malgré le fait que plusieurs employeurs ont découvert de nouvelles vertus au télétravail.

« On ne croyait pas beaucoup que le télétravail fonctionnerait. Dans cette pandémie, le télétravail fonctionne, mais encore là, fonctionne pour un certain nombre d’employés, pour certaines entreprises (…) le télétravail ne convient pas à tout le monde », a-t-elle avancé.

De son côté, le ministre Boulet a reconnu que l’avenir demeure incertain en telle matière puisque les employeurs qui ont découvert le télétravail pourraient être tentés d’abandonner le travail traditionnel en espace à bureau en tout ou en partie: « Nous devrons faire le bilan du télétravail quand on sera revenus plus près d’une nouvelle normalité. Il y a des incidences non seulement pour les édifices à bureaux, mais les personnes qui ne sont pas au centre-ville ne vont pas dans les commerces, vont moins dans les restaurants. Tout ce qui est connexe à l’activité du travail au centre-ville est éminemment affecté à ce moment-ci. »

Le milieu des affaires à demi satisfait

Le milieu des affaires réagit très positivement à ce retour progressif, mais ajoute des bémols. Ainsi, le président-directeur général de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, affirme que ses membres demeurent « très préoccupés par la situation du centre-ville ». « Les gouvernements doivent tout mettre en œuvre pour que le centre-ville soit animé, sécuritaire, facilement accessible et attrayant pour les Montréalais et les Québécois », a-t-il fait valoir.

De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) rappelle que « les PME se sont lourdement endettées pour pallier le manque de revenus, payer leurs diverses factures et compenser les coûts des mesures sanitaires que la crise a engendrés ». La FCEI fait valoir que « la pandémie a contraint les propriétaires d’entreprise à contracter des dettes qui se chiffrent en moyenne à 127 000 $ au Québec » et, bien que le retour des travailleurs dans les tours à bureaux donnera un coup de pouce aux commerces de proximité, « ce sera nettement insuffisant pour recouvrir les pertes ». « Les commerçants des centres-villes doivent pouvoir compter sur une aide directe des gouvernements », a affirmé la FCEI.

Enfin, le Conseil du patronat du Québec (CPQ), lui, affirme qu’il aurait voulu voir « un peu plus de flexibilité de la part du gouvernement dans l’imposition de ces mesures ». Le CPQ affirme que le maximum de 25 % des employés « n’est pas nécessaire, car certains espaces de travail peuvent déjà permettre une distanciation sociale adéquate répondant aux normes de la CNESST ». Il dit espérer une révision rapide de cette mesure.