Malgré les efforts déployés par les organisations canadiennes pour diversifier leur main‑d’œuvre, la très grande majorité d’entre elles – 82 % – n’ont pas de stratégie ou de ligne de conduite clairement définie pour soutenir l’avancement des femmes dans des postes de direction, selon le Sondage sur le développement du leadership des femmes mené par Mercer en collaboration avec les magazines Talent Management et Diversity Executive.

Réalisé en décembre dernier, le sondage regroupe les réponses de 290 responsables des ressources humaines, de la gestion des talents et de la diversité au sein d’entreprises canadiennes. Il a été mené dans de nombreux secteurs, les mieux représentés étant les soins de santé, les services à but lucratif, le secteur public, les services financiers et les technologies.

Le Canada tire de l’arrière
Comparativement aux États-Unis et au reste du monde, le Canada est à la traîne au chapitre des stratégies visant à développer le leadership féminin. Selon les résultats obtenus aux États-Unis et à l’international, respectivement 70 % et 71 % des organisations n’ont pas de stratégie, contre 82 % pour le Canada. Seulement 1 % des répondants canadiens estiment que leur organisation dispose d’un solide programme pour développer le leadership féminin, tandis que ce nombre est cinq fois plus élevé (5 %) chez nos voisins du Sud.

Cette absence de stratégie est flagrante pour les femmes qui travaillent au sein d’organisations nord‑américaines. Plus de la moitié des Canadiennes (53 %) et 38 % des Américaines sont d’avis que leur organisation ne leur offre qu’un soutien minimal, ou ne leur en offre aucun, pour ce qui est de l’accès à des postes de direction.

Soulignons que les résultats du sondage de Mercer montrent que près de deux tiers (63 %) des organisations canadiennes n’offrent actuellement aucun programme ni activité ciblant les besoins de perfectionnement des femmes occupant des postes de direction et que seulement 2 % d’entre elles ont l’intention de mettre en place de tels programmes. À titre de comparaison, plus de la moitié (57 %) des organisations américaines et 53 % des employeurs à l’échelle mondiale offrent déjà ces types de programmes.

« Ces résultats nous ont surpris, car la diversité est une valeur de la culture canadienne, autant sur le plan de la main-d’œuvre et du leadership que dans la société en général », commente France Despatie, spécialiste en gestion de talents pour le groupe de consultation en capital humain de Mercer. « Nous savons que les programmes de diversité s’adressent notamment et souvent aux femmes, mais nous laissons entendre que ces programmes ne sont pas assez axés sur leurs besoins compte tenu du fait qu’elles représentent la moitié de la main‑d’œuvre canadienne. »

En ce qui a trait aux types de programmes actuels spécialement conçus pour répondre aux besoins des dirigeantes, les mesures les plus souvent citées par les employeurs américains et canadiens sont la souplesse des conditions de travail, la sélection et le recrutement d’une main-d’œuvre diversifiée, le mentorat et l’encadrement. Ces mêmes mesures ont été désignées par les participants comme étant les plus efficaces pour aider les dirigeantes dans leur cheminement.

Ailleurs dans le monde
Aux États-Unis et en Asie‑Pacifique, 69 % des organisations offrent des conditions de travail souples ― un résultat supérieur à la moyenne ― comparativement à 60 % des organisations canadiennes. Ajoutons qu’aux États-Unis et en Asie, les organisations sont plus nombreuses à offrir des mesures d’encadrement (51 % et 45 % respectivement) qu’au Moyen‑Orient et en Afrique (42 %) ainsi qu’au Canada (37 %).

« Nous devons nous demander si nos stratégies sont efficaces », ajoute Mme Despatie. « Ces programmes ont été lancés au Canada il y a plus de 20 ans et ont fini par inclure les hommes et les employés de tous les échelons. Ils sont toujours utiles à l’avancement des femmes en leur donnant des conditions de travail souples, en les aidant à se constituer un réseau et en les mettant en contact avec l’équipe des dirigeants, mais ils n’ont pas réussi à faire une brèche dans le plafond de verre. »

Selon un récent rapport du groupe de recherche Catalyst intitulé Pipeline’s Broken Promise, cité par Mme Despatie, les femmes représentent moins de 14 % du personnel de direction des principales sociétés cotées en bourse partout dans le monde en dépit de l’importance accordée à la diversité hommes-femmes en matière de leadership au sein des entreprises.

Le Canada fait un peu mieux, avec une proportion de 16,9 %. Le rapport souligne en outre comment, dès leur premier emploi, les femmes sont devancées par les hommes en matière d’avancement professionnel et de rémunération et doivent payer un plus lourd tribut lorsqu’elles veulent suivre un cheminement de carrière non conventionnel. Ce sont là autant de facteurs qui contribuent à mettre en péril le bassin de dirigeantes.

« Au chapitre de l’offre de programmes visant à aider les femmes à gravir les échelons au rang de la direction, les solutions des organisations ne sont pas toujours adaptées au problème », explique Colleen O’Neill, Ph. D., membre principal du partenariat au sein du groupe de consultation en capital humain de Mercer. « Le développement du leadership comporte de nombreuses étapes qui vont au‑delà des horaires flexibles et d’un encadrement de base; il doit assurer des possibilités d’acquérir de l’expérience et surtout un soutien de la part de la haute direction. »

Favoriser l’accès des femmes à des postes supérieurs
Même si aucun cadre américain ni canadien ne semble s’inquiéter outre mesure du développement du leadership féminin, 20 % des dirigeants d’entreprises américaines se disent « très préoccupés » par le manque de relève féminine dans les postes de direction, tandis que seulement 12 % de leurs homologues canadiens ont exprimé des inquiétudes semblables.

De récentes recherches soulignent qu’il est impératif pour les entreprises de favoriser l’accès des femmes à des postes de cadres supérieurs. Un récent rapport de McKinsey & Company, intitulé Women Matter et issu de quatre années de recherches sur la relation entre la mixité de la haute direction et la performance des entreprises, laisse entendre que les sociétés où la représentation des femmes est la plus importante au sein du conseil d’administration ou de la haute direction sont celles qui réussissent le mieux.

Ce rapport mentionne également que les entreprises soucieuses d’assurer leur compétitivité doivent impérativement préparer les femmes à occuper des postes de direction, d’autant plus que les sociétés du monde entier se livrent concurrence pour attirer des dirigeants talentueux aptes à les faire progresser.

« En présences de ces faits, il est clair que nous devons recadrer les discussions sur le développement du leadership féminin », explique Mme Despatie. Plutôt que d’aborder le sujet sous l’angle de la responsabilité organisationnelle, les organisations canadiennes doivent comprendre les retombées dont elles profiteront au final en soutenant et en maintenant en poste leurs dirigeantes. »