Le vieillissement de la population, les taux d’intérêt au plancher et la hausse du niveau de l’endettement mondial sont quelques-uns des nombreux indicateurs qui pointent vers une révision à la baisse de la croissance de l’économie mondiale. Dans ce contexte, les investisseurs devraient peut-être cesser de bouder les marchés émergents, estime Luc de la Durantaye, directeur gestionnaire, Répartition de l’actif et gestion des devises à Gestion d’actifs CIBC.
Lors d’une conférence organisée jeudi dernier à Montréal par Investissements Renaissance, le gestionnaire de portefeuille a expliqué qu’il anticipait un taux de croissance mondiale de l’ordre de 3,1 % pour les 12 prochains mois, ce qui est nettement en deçà des 4 à 4,5 % de croissance annuelle qui étaient la norme avant la crise.
« Les probabilités d’assister à un ralentissement de la croissance de l’économie mondiale sont plus élevées, entre autres parce que la marge de manœuvre à l’égard de la politique monétaire a diminué », explique Luc de la Durantaye.
Il cite en exemple les taux d’intérêt négatifs qui ont fait leur apparition en Europe. « Si les investisseurs doivent payer pour placer leur argent, ils feraient peut-être mieux de le cacher dans leur matelas! », s’exclame-t-il, en illustrant ainsi les limites de l’assouplissement quantitatif et le danger que représentent des taux d’intérêt aussi bas advenant le cas d’une nouvelle récession mondiale. « Les limites de ce que peuvent faire les politiques monétaires ont été atteintes », affirme-t-il.
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D’autant plus que les récents programmes d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne et de la Banque du Japon ont eu, selon lui, des effets mitigés sur l’amélioration des conditions des marchés financiers.
Les marchés développés sont chers
Les pays émergents représentent environ la moitié de l’économie mondiale, mais ont généré en 2014 et 2015 près de 70 % de la croissance du PIB mondial. Malgré tout, les investisseurs demeurent réticents face aux marchés émergents, déplore Luc de la Durantaye, qui y voit de nombreuses opportunités.
Pour tenter de confondre les sceptiques, il évoque les valorisations élevées des marchés boursiers européens et américains : le ratio cours/bénéfices se situerait actuellement à 12,8 pour la zone euro et à 16,5 aux États-Unis.
Sans être forcément surévalué, le marché américain n’est donc clairement pas une aubaine à l’heure actuelle. « Il y a encore des opportunités, mais il faut savoir où. Ce n’est pas notre endroit de prédilection pour générer de la croissance », souligne-t-il.
Par ailleurs, le dollar américain s’est énormément apprécié au cours de la dernière année et demie, si bien qu’il figure aujourd’hui parmi les devises les plus surévaluées de la planète.
Luc de la Durantaye rappelle d’ailleurs aux investisseurs canadiens que les rendements obtenus sur le marché boursier américain en 2015 proviennent essentiellement de la dévaluation du dollar canadien face à la devise américaine.
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« Il y a beaucoup de devises plus attrayantes que le dollar américain et le dollar canadien, soutient-il. Dans un monde difficile, il faut trouver d’autres façons d’investir, et la solution ne réside pas seulement dans les placements alternatifs. »
Reconsidérer le risque
La solution? Les pays émergents. « Les gens ne veulent pas investir dans les pays émergents, ce qui fait en sorte qu’ils sont moins chers. C’est là qu’il faut regarder pour trouver des opportunités », croit le gestionnaire de portefeuille.
En effet, les actions des marchés émergents s’échangent à 8,1 fois les bénéfices, comparativement à 15,1 pour les actions du monde développé. « Il ne faut pas voir les marchés émergents comme un bloc homogène, il faut cibler les bons pays », recommande Luc de la Durantaye.
Il donne comme exemple les possibilités d’investissement en revenus fixes dans des pays comme l’Indonésie ou le Mexique, qui ont par ailleurs les devises les plus sous-évaluées actuellement. « Les obligations indonésiennes à échéance de 5 ou 6 ans peuvent générer un rendement de 8 % », mentionne-t-il.
Trop risquées pour certains, les obligations indonésiennes? Tout dépend de comment on définit le risque, estime M. de la Durantaye. « L’endettement total est faible en Indonésie : moins de 100 % du PIB. À titre de comparaison, l’endettement des ménages canadiens atteint 165 %. Oui, le contexte macroéconomique pourrait se dégrader davantage avant de s’améliorer, mais les perspectives à long terme demeurent bonnes pour les marchés émergents. »
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