Entre la prévalence croissante des maladies chroniques, les nombreuses contraintes réglementaires et la mise en marché de nouveaux traitements toujours plus coûteux, les promoteurs de régimes d’assurance médicaments ont souvent l’impression d’être perdus au beau milieu d’un vaste labyrinthe sans issue. Pour les aider à s’orienter, Avantages a organisé en juin dernier une table ronde rassemblant employeurs et partenaires de l’industrie. Voici les faits saillants de cette discussion.

Aucun promoteur de régimes ne dispose d’une carte détaillée qui lui permettrait de trouver la sortie du labyrinthe, mais les données recueillies peuvent fournir certains indices sur les meilleurs chemins à emprunter. Difficile toutefois de déterminer les bonnes mesures à mettre en place pour contrôler les coûts sans nuire à la santé des participants.

« ­Nous analysons beaucoup nos profils d’utilisation des médicaments, et nous menons une étude de coûts sur une base annuelle », explique ­Marc ­Desgagné, président du ­Comité sur les assurances collectives au ­Syndicat des professeurs de l’Université ­Laval.

Responsable d’un régime qui compte 1670 adhérents, il ne cache pas son inquiétude à la vue de certaines de ces données. Au cours de la dernière année, les coûts liés aux médicaments ont grimpé de 25 %. « ­On n’avait jamais vu ça avant. Pour les médicaments oncologiques, on parle même d’une augmentation de l’ordre de 260 % ! »

Sur l’ensemble des participants, seulement quatre sont responsables de cette hausse vertigineuse, signe que les médicaments à prix très élevés pèsent de plus en plus sur la viabilité des régimes.

CGI fait part de la même préoccupation. « ­En 2007, les médicaments très chers représentaient 13 % des coûts totaux. Aujourd’hui, on en est à 41 % », indique ­Chantal ­Carrier, directrice, rémunération globale de la firme de services technologiques. « ­En tant que promoteur, quels sont les outils à ma disposition pour réduire l’escalade des coûts ? »

Dans l’ensemble, la croissance des coûts du régime d’assurance médicaments demeure somme toute stable à ­CGI, avec une hausse annuelle de 4 à 5 % au cours des quatre dernières années. « ­Nous produisons des rapports trimestriels et annuels détaillés, de concert avec notre assureur et nos consultants, explique ­Mme ­Carrier. Tous les trois ans, nous élaborons aussi des stratégies plus précises concernant la gestion du diabète ou les médicaments style de vie. »

Comme d’autres entreprises qui comptent des employés d’un bout à l’autre du ­Canada, ­CGI fait aussi face à certains défis particuliers. « ­En tant que promoteur privé, on se sent l’obligation d’offrir la même couverture dans toutes les provinces. La couverture plus étendue du régime public au ­Québec a donc un impact sur les coûts dans les autres provinces. »

La philosophie prônée par ­Promutuel ­Assurance consiste à mettre en place des dispositifs de contrôle de coûts efficaces, tout en continuant d’offrir un régime généreux aux employés, affirme ­François ­Mainguy, directeur, rémunération, santé et ­mieux-être de l’assureur. « ­Nous regardons nos données sur une base annuelle, mais nous faisons une analyse plus poussée tous les trois ans. La prochaine étape pour nous sera de nous attaquer sérieusement aux maladies chroniques. Nos données montrent que cinq problèmes de santé causent 40 % de la consommation totale de médicaments. Mettre l’accent sur quelques troubles en particulier nous permettrait de cibler davantage nos actions et ainsi améliorer considérablement la situation financière du régime. »

«En 2007, les médicaments très chers représentaient 13 % des coûts totaux. Aujourd’hui, on en est à 41 %. En tant que promoteur, quels sont les outils à ma disposition pour réduire l’escalade des coûts ? »

– Chantal Carrier, CGI

En 2020, les coûts de médicaments ont augmenté en moyenne de 1 à 2 % chez les clients de Normandin ­Beaudry. La firme a constaté une légère diminution du nombre de réclamations, mais une hausse du coût des ordonnances.

« L’important pour les promoteurs est de suivre en priorité les indicateurs de performance axés sur des éléments sur lesquels ils ont un certain contrôle. Autrement, on finit par se perdre dans les chiffres », juge ­Frédéric ­Venne, associé, assurance collective chez ­Normandin ­Beaudry.

Il recommande aux employeurs de suivre la tendance de leur régime d’une année à l’autre, mais aussi de se comparer à l’ensemble du marché. « C’est très difficile d’améliorer un aspect précis de notre régime pour lequel on bat déjà le marché. On aura un meilleur taux de rendement de nos actions en se concentrant sur des éléments où on est plus faible. »

WSP a de son côté révisé en profondeur son offre d’avantages sociaux en 2019, et a notamment beaucoup misé sur son programme de ­mieux-être. « L’assurance médicaments n’a pas été notre principal défi au cours de la dernière année, contrairement à d’autres promoteurs de régimes », mentionne ­Frédéric ­Gagné, conseiller, avantages sociaux et ­mieux-être à ­WSP. « ­Cela dit, ce serait probablement important de faire un suivi plus serré de nos données sur la consommation de médicaments. »

La firme de ­génie-conseil souhaite davantage miser sur la prévention pour juguler la croissance des coûts de médicaments, et compte faire la promotion des pharmacies postales auprès de ses employés.

À la ­Société de transport de ­Montréal, le défi est surtout d’uniformiser les mesures de contrôle de coût parmi les 10 000 participants actifs et les 5 000 retraités. Chaque groupe syndiqué a en effet son propre régime d’assurance médicaments, dont le syndicat est copreneur. « ­Dans un milieu syndiqué comme le nôtre, les changements se font étape par étape, explique ­Denis ­Chalut, conseiller principal, avantages sociaux à la ­STM. Par exemple, la substitution générique obligatoire est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. On est un peu décalé dans le temps par rapport à d’autres promoteurs ! ­On a aussi ajouté la franchise par ordonnance dans certains groupes, mais pas dans tous. »

«À mon avis, on s’aventure sur une pente très glissante si on se base sur les tendances de réclamations d’antidépresseurs pour mesurer le succès de nos différentes initiatives ou débloquer des budgets. Il y a trop d’éléments qui influencent la consommation de médicaments pour les troubles de santé mentale. Il faut considérer l’ensemble des effets bénéfiques des efforts de prévention sur l’invalidité, la productivité ou encore le présentéisme. »

– ­François ­Mainguy, ­Promutuel ­Assurance

M. Chalut précise néanmoins que l’augmentation des coûts de médicaments est très linéaire, ce qui explique en partie le peu de modifications apportées aux différents régimes au cours des dernières années. La ­STM se montre toutefois assez novatrice concernant les tests pharmacogénétiques, qu’elle a implantés au début de l’année à la demande du syndicat des chauffeurs.

« ­Les tests pharmacogénétiques sur base volontaire me semblent en effet un filon prometteur, mais j’ai l’impression que la mise en application reste à peaufiner, commente ­François Mainguy, de ­Promutuel. La grande question est de savoir si les médecins vont embarquer. »

À l’Université ­Laval, une multitude d’initiatives ont été tentées pour limiter la forte croissance des coûts, mais ­Marc Desgagné en est venu à la conclusion que la vraie solution ne se trouve pas vraiment entre les mains des promoteurs de régimes. « ­On ne réglera pas le problème à la pièce pour chaque régime. Les règles du régime public désavantagent les régimes privés, ce n’est pas équitable. C’est primordial qu’il y ait une concertation parmi les différents preneurs si on veut faire avancer les choses. »

Il cite entre autres exemples les honoraires de pharmaciens facturés pour certains médicaments oncologiques, qui sont jusqu’à 1 700 $ plus élevés dans les régimes privés que dans le régime public.

« J’ai l’impression que les assureurs pourraient être plus proactifs, poursuit ­Chantal ­Carrier, de ­CGI. J’aimerais qu’ils nous aident davantage pour trouver des solutions nous permettant de continuer d’offrir des régimes de qualité à long terme. »

«C’est très difficile d’évaluer la performance d’un programme d’autorisation préalable. Il faut s’assurer que les formulaires de l’assureur posent les bonnes questions propres à chaque médicament, que le processus et les critères d’évaluation soient bien établis et documentés. »

– Nathalie ­Rivest, ­Desjardins ­Assurances

Elle raconte que chez un ancien employeur, une entreprise de plus de 5 000 employés, l’analyse des réclamations de médicaments était effectuée par une firme indépendante. « ­On s’est rendu compte que le processus d’approbation préalable de l’assureur n’était pas optimal. Le questionnaire de la firme était beaucoup plus détaillé, et ­celle-ci contactait directement les médecins et les pharmaciens. Le taux de rentabilité équivalait à sept ou huit fois les coûts engendrés par l’embauche de cette firme. »

La solidité du programme d’autorisation préalable est un critère important dans la sélection d’un assureur, confirme ­Nathalie ­Rivest, directrice de produits, assurance médicaments à ­Desjardins Assurances. « C’est très difficile d’évaluer la performance d’un programme d’autorisation préalable. Il faut s’assurer que les formulaires de l’assureur posent les bonnes questions propres à chaque médicament, que le processus et les critères d’évaluation soient bien établis et documentés. Elle ajoute qu’un bon programme d’évaluation des médicaments, surtout pour les médicaments très coûteux, doit aussi faire partie des préoccupations lors de la sélection d’un assureur.

Prévenir plutôt que guérir

Plutôt que d’essayer d’appliquer un pansement sur la plaie en instaurant des mesures de contrôle de coûts, plusieurs promoteurs de régimes font le pari de la prévention. Particulièrement en matière de santé mentale.

En 2019, les antidépresseurs étaient la deuxième classe de médicaments la plus consommée par les employés de ­WSP. « ­Notre programme de ­mieux-être est très axé sur la prévention en santé mentale, souligne ­Frédéric ­Gagné. Nous avons ainsi haussé le plafond pour les services paramédicaux en santé mentale à 10 000 $ par année. Comme il s’agit d’un montant très élevé, il y a même certains employés qui remettent en question cette mesure. Mais lorsque l’on regarde les tendances de notre régime relativement à la santé mentale, on est convaincu que c’est la bonne chose à faire. »

L’entreprise a également débuté un projet pilote avec la firme ­Dialogue pour bonifier le programme d’aide aux employés et le rendre plus interactif. « ­Dans notre groupe pilote, on remarque déjà un taux d’utilisation beaucoup plus élevé », note ­Frédéric ­Gagné.

La santé mentale est aussi le cheval de bataille de ­Promutuel. « ­Il s’agit d’une cause importante dans les demandes de règlement de médicaments. On a observé une hausse de la consommation d’antidépresseurs pendant la pandémie, alors que l’utilisation du ­PAE a diminué », explique ­François ­Mainguy.

Normandin ­Beaudry constate une augmentation de l’utilisation des antidépresseurs d’environ 7 % pour l’année 2020 dans les régimes de ses clients, soit une croissance similaire à celle du régime public québécois. « ­Le tiers des invalidités sont causées par des problèmes de santé psychologique, et c’est la pointe de l’iceberg puisque 20 % de l’ensemble des employés assurés consomment des médicaments pour traiter des troubles de santé mentale », indique ­Frédéric ­Venne.

Si les initiatives de prévention semblent incontournables en matière de santé mentale, il demeure extrêmement difficile d’en mesurer l’efficacité réelle. « ­Nous mettons beaucoup d’efforts, mais maintenant, il va falloir trouver un moyen de mesurer l’effet de ces ­initiatives-là, avoir les données suffisantes pour obtenir plus de granularité », soutient ­Chantal ­Carrier, de ­CGI.

Or, ­François ­Mainguy est d’avis que chercher à calculer à tout prix la profitabilité des mesures de prévention en santé mentale ne constitue probablement pas la meilleure approche.

« À mon avis, on s’aventure sur une pente très glissante si on se base sur les tendances de réclamations d’antidépresseurs pour mesurer le succès de nos différentes initiatives ou débloquer des budgets, ­dit-il. Il y a trop d’éléments qui influencent la consommation de médicaments pour les troubles de santé mentale. Isoler l’effet d’une initiative en particulier est presque impossible. Il faut considérer l’ensemble des effets bénéfiques des efforts de prévention sur l’invalidité, la productivité ou encore le présentéisme. »

Marc ­Desgagné, du ­Syndicat des professeurs de l’Université ­Laval, plaide de son côté en faveur d’une optimisation des traitements en santé mentale. « ­Certains participants prennent des médicaments et ne le devraient pas, alors que c’est l’inverse pour d’autres », ­déplore-t-il.

Celui qui affirme ne pas voir de lien entre le taux d’utilisation du ­PAE et la consommation d’antidépresseurs se pose également des questions sur le recours à des services de psychologie à très long terme. « L’accès aux psychologues demeure très important, personne n’est contre la vertu. Par contre, nos membres sont de grands consommateurs, ça devient une dépense récurrente de plusieurs centaines de milliers de dollars par année pour notre régime. Ils consultent un psychologue pendant cinq ou six ans, ça devient comme du coaching de vie. »

Marc ­Desgagné s’inquiète aussi de la forte hausse de la consommation de médicaments pour le ­TDAH ainsi que de potentiels abus dans les demandes de règlement concernant cette classe thérapeutique.

« ­La hausse de coûts liée aux troubles de santé mentale était assez graduelle jusqu’à récemment, mais avec la pandémie, ça a beaucoup augmenté. À cet effet, nous avons en début d’année relevé considérablement les maximums de remboursements pour les psychologues et implanté les soins virtuels », commente pour sa part ­Denis ­Chalut.

Couvrir ou ne pas couvrir ?

Avec l’explosion des coûts de médicaments au cours des dernières années, la mode n’est pas trop à l’élargissement de la liste des traitements couverts par les régimes. N’empêche qu’une panoplie de nouvelles molécules sont susceptibles d’améliorer la qualité de vie des employés souffrant entre autres d’obésité, de diabète ou de problèmes de fertilité. Alors, couvrir ou ne pas couvrir ?

« ­On n’est pas tellement dans une situation où l’on peut se permettre de bonifier la couverture, soutient ­Marc ­Desgagné. Cela dit, nous n’avons pas trop de restrictions sur les médicaments contre l’obésité. »

« ­Ce n’est pas vraiment la tendance pour les promoteurs de demander des couvertures élargies en raison des coûts croissants, confirme ­Neda ­Nasseri, directrice de produits, assurance médicaments à Desjardins ­Assurances. Chez nous, les médicaments pour traiter l’obésité sont maintenant inclus dans la couverture standard. Cette décision est basée sur le fait que nous croyons fermement que la perte de poids se traduira par une meilleure santé, une réduction de l’utilisation des médicaments contre les maladies chroniques et une augmentation de la productivité à long terme. En effet, l’obésité est reconnue comme une maladie chronique à part entière, et on sait qu’elle est à la source d’une foule d’autres maladies, comme le diabète, le cancer et la dépression. Si un groupe est inconfortable à l’idée de couvrir ces médicaments, il y a toutefois possibilité de les retirer. »

La pharmacienne ajoute que le traitement de l’obésité ne doit pas se limiter aux médicaments, mais aussi inclure le suivi par différents professionnels de la santé, dont des nutritionnistes et des psychologues.

LES PROMESSES DE LA COMMUNICATION CIBLÉE

Bien des promoteurs et des assureurs tentent en partie de gérer les coûts liés aux médicaments grâce à une communication plus fréquente et efficace auprès des participants.

« ­On mise beaucoup sur la communication agile et continue, explique ­François ­Mainguy, de Promutuel ­Assurance. Notre fil d’actualités interne est très consulté, les gens y sont habitués. »

De son côté, ­Marc ­Desgagné, du ­Syndicat des professeurs de l’Université ­Laval, n’a pas connu de grands succès à cet égard. « ­Nos efforts de communication n’ont pas eu d’effets notables sur la fréquence des renouvellements des médicaments par les adhérents », ­soutient-il.

Les communications massives, génériques et non personnalisées n’ont pas beaucoup d’incidence sur les comportements des participants, concède ­Frédéric ­Venne, de ­Normandin ­Beaudry. Cependant, les campagnes de communication ciblée ont plus de succès. « ­On peut par exemple viser les consommateurs d’un médicament de maintenance précis pour les inciter à allonger leur durée d’approvisionnement, lorsqu’il n’y a pas de contraintes médicales, et ainsi payer moins cher pour ce médicament. Nous avons constaté 30 % de changements dès la première communication ciblée dans le cadre d’un projet pilote à l’échelle canadienne », avance-t-il.

Chez ­Desjardins, on signale également avoir obtenu des résultats prometteurs — entre 20 et 65 % de changements dans le comportement des employés — avec des campagnes de communication ciblée sur des médicaments en particulier, encore là pour tenter d’inciter les employés à obtenir des ordonnances de plus longue durée lorsque le problème de santé est chronique et stable.

Pour des raisons de confidentialité, il est évidemment difficile pour les promoteurs de régimes de lancer seuls de telles initiatives. De là l’importance pour eux de collaborer étroitement avec leur assureur.

Le fait que les promoteurs de régimes soient réticents à couvrir les médicaments d’autres classes s’explique en partie par la difficulté d’en évaluer la profitabilité, en particulier par rapport à la productivité. « ­Lorsque les nouveaux médicaments sont mis en marché, les sociétés pharmaceutiques en démontrent l’efficacité pour le gouvernement, notamment en mettant de l’avant la baisse des coûts d’hospitalisation, explique ­Frédéric Venne, de ­Normandin ­Beaudry. Mais les employeurs n’ont pas les mêmes préoccupations. Le manque de données freine sans doute la couverture des médicaments pour l’obésité. »

Les nouvelles technologies de suivi de la glycémie pour les personnes atteintes de diabète soulèvent aussi des questions chez certains promoteurs.

« ­Lorsque l’on a commencé à rembourser le lecteur en continu ­Dexcom ­G6, on a constaté que bien des gens ne réduisaient pas leur consommation de bandelettes de test, s’étonne ­Marc ­Desgagné. S’il n’y a pas de mécanismes de contrôle de coûts efficaces, on fait juste ajouter des coûts. La mauvaise utilisation des médicaments est un aspect sur lequel on doit se pencher. »

Le problème vient du fait que la ­RAMQ n’impose pas une limite de la quantité remboursable de bandelettes plus basse lorsqu’elle approuve l’utilisation de lecteurs flash ou en continu, précise Nathalie ­Rivest. « ­En tant qu’assureur privé, on ne peut pas être plus restrictif que la ­RAMQ. On a remarqué que les patients qui ne réduisent pas suffisamment leur utilisation des bandelettes sont un peu anxieux. Il faudrait sans doute mieux les accompagner dans la transition vers ces types de lecteurs. »

Biosimilaires : la balle est dans le camp des assureurs

S’il y a bien un sujet chaud dans le domaine de l’assurance médicaments en ce moment, c’est les biosimilaires. Alors que le gouvernement du ­Québec a annoncé au printemps que les assurés du régime public qui prennent un médicament biologique devront, sauf exception, passer à un biosimilaire d’ici avril 2022, la question demeure entière dans les régimes privés. Les promoteurs semblent toutefois unanimes sur la question : il revient aux assureurs de déterminer les politiques en la matière.

« C’est le genre de décision qui devrait venir de l’industrie dans son ensemble », estime ­François Mainguy, de ­Promutuel Assurance.

Un point de vue que partage ­Denis ­Chalut, de la ­STM. « ­Je serai un spectateur très attentif de ce qui va se passer. Comme employeur, je ne veux pas avoir à faire ce ­choix-là. Je préférerais qu’il y ait une concertation entre les assureurs. ­Au-delà des coûts, on parle de la santé des gens. C’est un choix qui doit être fait par la société dans son ensemble, pas par les employeurs individuellement. »

N’empêche, la nouvelle directive très stricte du gouvernement qui force les assurés du régime public à effectuer la transition vers un biosimilaire pourrait effrayer certains promoteurs. « ­Je préférerais une approche un peu plus douce, ne forçant pas la transition des patients existants pour qui le médicament fonctionne bien. Quand on se place de leur côté, on comprend que ça génère beaucoup de stress », avance ­Chantal ­Carrier.

De son côté, ­Desjardins ­Assurances accueille favorablement l’initiative du gouvernement du ­Québec quant au virage favorisant l’utilisation des biosimilaires, qui permet de mieux contrôler les coûts liés aux médicaments, soutient ­Nathalie ­Rivest.

Elle concède que la transition du médicament biologique de référence vers le biosimilaire est plus complexe dans certains cas, notamment avec les médicaments intraveineux comme le ­Remicade. « Quand on passe au biosimilaire, il faut changer de clinique d’injection ». L’expérience s’est néanmoins avérée positive pour les patients ayant déjà effectué la transition. En revanche, les médicaments par administration ­sous-cutanée comme le ­Humira et ses biosimilaires posent peu de problèmes, car l’assuré se l’injecte ­lui-même à la maison, sauf rare exception.

«On se trouve à la croisée des chemins concernant les biosimilaires. Plusieurs provinces, dont le ­Québec, ont déjà annoncé des changement, et d’autres devraient emprunter la même voie bientôt. Les assureurs vont devoir se positionner et favoriser le plus possible l’utilisation des biosimilaires. »

– Frédéric ­Venne, ­Normandin ­Beaudry

Frédéric ­Venne est lui aussi d’avis que ce n’est pas aux employeurs d’assumer le fardeau des décisions liées aux politiques sur les biosimilaires. En revanche, il est convaincu que les assureurs doivent se commettre rapidement en adoptant la même approche que le régime public. « ­On se trouve à la croisée des chemins. Plusieurs provinces ont déjà annoncé le changement, et d’autres comme l’Ontario devraient emprunter la même voie bientôt, ­dit-il. Les assureurs vont devoir se positionner et favoriser le plus possible l’utilisation des biosimilaires. »

Le moment pourrait effectivement être bien choisi pour passer à l’action, renchérit ­François Mainguy. « ­Je travaillais pour un autre employeur lorsque le changement s’est opéré en ­Colombie-Britannique, province dans laquelle nous avions des employés. Notre assureur s’est aligné sur la nouvelle loi, et la transition s’est faite sans bruit, ­assure-t-il. S’il doit y avoir modification des régimes au ­Québec, ça peut être une belle occasion, puisque les assurés concernés sont encore peu nombreux. Si on attend quelques années, ça risque de devenir plus difficile. »

«On ne réglera pas le problème à la pièce pour chaque régime. Les règles du régime public désavantagent les régimes privés, ce n’est pas équitable. C’est primordial qu’il y ait une concertation parmi les différents preneurs si on veut faire avancer les choses. »

– Marc Desgagnés, Syndicat des professeurs de l’Université Laval

Le dossier pourrait aussi se compliquer à mesure que les brevets des médicaments biologiques de référence arriveront à échéance, et que les biosimilaires se multiplieront, ajoute ­Frédéric ­Venne. « Ça va devenir infernal de gérer des politiques différentes en fonction des provinces, des assureurs et de chacun des médicaments, en plus de tenir compte des ententes confidentielles avec les fabricants. La position prise par les assureurs dans les prochains mois va être déterminante. »

Conscient que les assureurs sont hésitants à imposer des politiques très strictes à leurs clients, il insiste sur le fait que l’utilisation étendue des biosimilaires est essentielle à la viabilité des régimes privés d’assurance médicaments. « Ça bouscule le marché, mais c’est en partie ce qui va nous permettre de continuer de financer de nouveaux médicaments très coûteux dans l’avenir. »

MERCI AUX COMMANDITAIRES DE LA TABLE RONDE

             


• Ce texte a été publié dans l’édition de septembre 2021 du magazine Avantages.
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