Flexibilité et personnalisation, deux concepts qui sont au cœur des régimes d’avantages sociaux modernes. Il s’agit là d’une évolution nécessaire des régimes qui permet de mieux répondre aux besoins en soins de santé d’une grande diversité d’employés, particulièrement ceux issus de groupes de la population qui ont longtemps été laissés pour compte. Mais cet engouement pour la flexibilité peut aussi entraîner des effets moins souhaitables.

À mesure que la conception des régimes se métamorphose pour adopter une approche plus individualisée, bien des participants semblent perdre de vue l’essence même d’un régime d’assurance collective.

La dernière édition du ­Sondage ­Benefits ­Canada sur les soins de santé révèle que la moitié des participants renonceraient à leur régime de soins de santé en échange de 5 000 $ en argent comptant, une proportion qui grimpe à 58 % chez les ­18-34 ans. Il y a 20 ans, seulement 33 % des répondants se disaient prêts à abandonner la protection offerte par leur régime en échange d’un chèque.

Se ­pourrait-il que le recours grandissant aux comptes de soins de santé et aux choix d’options à la carte ait modifié la perception qu’ont les travailleurs de leurs avantages sociaux ? ­Qu’ils auraient davantage tendance à assimiler leur régime à un gros compte de dépenses qu’ils doivent à tout prix maximiser ? ­En oubliant que l’objectif premier d’un régime d’assurance collective est de les protéger contre un risque financier majeur causé par leur état de santé ?

Dans l’édition de novembre d’Avantages, des experts de l’industrie soutenaient par exemple qu’il pourrait être souhaitable de diminuer le taux de remboursement des nettoyages annuels chez le dentiste afin d’augmenter celui des soins dentaires majeurs, qui n’excède pas de 40 à 50 % dans la majorité des régimes. Après tout, dans une logique d’assurance, la valeur réside davantage dans le remboursement de soins majeurs coûtant plusieurs milliers de dollars (un risque financier considérable et souvent inattendu pour les participants) que dans le remboursement d’un examen annuel de 200 ou 300 $, une dépense prévisible qui plus est.

Or, peu de promoteurs et d’assureurs sont prêts à aller de l’avant avec un tel changement, de peur de créer de la frustration chez les employés qui tiennent à ce qu’une bonne partie de leur nettoyage annuel soit remboursé. En d’autres mots, ces participants craignent de ne pas rentabiliser leur assurance en payant des primes pour des soins dont ils risquent de ne jamais avoir besoin. La même logique s’applique avec l’assurance invalidité, dont la valeur est largement ­sous-estimée par les participants… jusqu’au jour où ils en ont besoin.

Personne ne s’estime lésé parce qu’il a payé des primes d’assurance habitation toute sa vie sans jamais que son ­sous-sol ne soit inondé ! ­La même logique devrait s’appliquer aux régimes de soins de santé. Il serait un peu absurde qu’un participant considère qu’il a payé des primes d’assurance maladie dans le vide toute sa carrière parce qu’il n’a jamais souffert d’une maladie grave ou n’a jamais été privé de salaire pendant une longue période en raison d’un problème de santé.

On peut néanmoins comprendre que de jeunes travailleurs qui consomment très peu de soins de santé jugent qu’ils n’en ont pas pour leur argent en matière d’avantages sociaux. D’où l’importance pour les employeurs de leur offrir des comptes de soins de santé ou de ­mieux-être et certaines garanties accessoires qu’ils sont plus susceptibles d’utiliser.

Les promoteurs doivent cependant laisser en place une solide base d’assurance, une conviction qui demeure d’ailleurs forte chez la très grande majorité d’entre eux. Le danger réside plutôt dans une dévalorisation grandissante par les participants de cette portion des avantages sociaux, pourtant la plus importante. Encore une fois, tout est une question de communication.

À une époque où les employés réclament de leur employeur qu’il fasse preuve de responsabilité sociale, il serait ­peut-être bon de rappeler que l’assurance collective repose ­elle-même sur une forme de contrat social entre les travailleurs. Tous paient les mêmes primes (en pourcentage du salaire) et ont droit aux mêmes protections, peu importe l’âge ou l’état de santé. Ce sont ces primes qui permettent à ce collègue moins choyé par la vie d’avoir accès à des traitements de psychothérapie pour soigner sa dépression, des prestations d’invalidité pendant qu’il reçoit de la chimiothérapie pour traiter un cancer ou encore des médicaments coûteux que doit prendre son enfant atteint d’une maladie orpheline.

En prenant réellement conscience de cela, les participants trouveraient probablement bien plus futiles les 75 ou 100 $ supplémentaires qu’ils pourraient avoir à débourser de leur poche lors de leur prochain ­rendez-vous annuel chez le dentiste.


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2023 du magazine Avantages.
Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web
.