Homme consulte ses placements sur une tablette
Thananit Suntiviriyanon - 132RF

Les tendances fintech et autres assurtech le confirment : le métier de gestionnaire de portefeuille évolue et les meilleures pratiques de l’industrie se distinguent désormais par un effort de recherche et développement continu.

Dans un contexte de fin de cycle où le rendement se raréfie, de nouveaux modèles de gestion de portefeuille émergent.

Ces derniers, plus efficaces et mieux personnalisés, répondent à une exigence des investisseurs qui cherchent des solutions sur mesure, mais offertes à un coût minimal. Or, ce sont les technologies financières qui se trouvent au centre de ces enjeux, en permettant tout à la fois une consolidation et une segmentation des services. De plus, en se dotant d’une culture technologique capable de suivre en continu leur processus d’investissement, les gestionnaires deviennent mieux outillés pour répondre rapidement aux dynamiques de marché, là où se trouvent les possibilités.

En faisant la part belle aux technologies financières, les firmes de gestion ne prennent donc pas le train des dernières tendances, mais saisissent l’occasion d’améliorer leur modèle d’entreprise. Certaines d’entre elles, à travers un effort soutenu, s’emploient résolument à offrir au marché de nouveaux standards. Les gains sont considérables, car en se constituant une base technologique qui représente leur ­savoir-faire, ces dernières gagnent en capacité d’exploitation. La mise en place et l’exécution des stratégies s’effectuent plus rapidement. Les processus d’investissement sont établis de manière plus claire, et les aspects fiduciaires s’en trouvent renforcés.

En cette époque de transformations que vit notre secteur, il est dans l’intérêt de l’investisseur de vérifier que son gestionnaire suit les meilleures pratiques. Ainsi, prenons le cas de mandats obligataires où la gestion de taux d’intérêt est clé. Parmi une multitude de titres (plusieurs milliers au ­Canada), établir un portefeuille qui reflète au mieux les vues de marché du gestionnaire et respecte les périmètres de gestion de risque et de conformité dictés par le client constitue déjà un certain défi technique. Mais résoudre ce problème de manière consolidée pour un ensemble de mandats, comme doivent le faire les firmes de gestion, dépasse vite l’entendement, et il y a lieu de se demander si ces dernières disposent d’outils véritablement robustes et efficaces. Cela va ­au-delà de la traditionnelle suite de feuilles de calcul. Idéalement, on souhaite que le gestionnaire détermine les changements d’exposition à opérer, et c’est le logiciel qui présente, pour un ensemble de portefeuilles, la somme consolidée des achats et ventes possibles.

Bien sûr, un deuxième volet essentiel des technologies financières est lié au traitement des données de marché.

À ce chapitre, les pièges ne manquent pas : à une époque où les données sont omniprésentes et perçues comme une richesse, grande est la tentation de délaisser tout fondement théorique.

De plus, agencer toutes les données nécessaires autour d’une infrastructure viable s’avère souvent un défi majeur. Pour éviter les écueils, la multidisciplinarité et l’expérience sont de mise. Les firmes de gestion devraient intégrer des professionnels émérites à leurs équipes afin de maîtriser de concert modélisation financière et forage de données.

Pour illustrer ces points, prenons en gestion du crédit l’exemple connu de la sélection de titres basée sur la valeur relative crédit/équité. Selon cette approche, un modèle de structure de capital permet de calculer des écarts de crédit théoriques en fonction de la volatilité de l’actif, collectée sur le marché des options, et du levier réel de l’actif, synthèse du prix des actions et des états financiers. En relevant des incohérences entre les écarts de crédit obligataires observés sur le marché et ceux générés par le modèle, on disposera alors de signaux invalidant des hypothèses d’absence d’arbitrage. Telle approche n’est pas à la portée de tous : il faut être capable de monter une infrastructure conjuguant données obligataires, données boursières sur les actions, ainsi que données trimestrielles d’états financiers. Mais l’expertise acquise dans ce type d’approche brisant les silos de marché ne se limite pas à la sélection de titres : elle peut s’inscrire très avantageusement dans le cadre de mandats plus globaux d’allocation d’actifs et de mandats non traditionnels.

L’amélioration de la gestion quotidienne des portefeuilles tout comme l’identification d’occasions de valeur relative ne sont que deux exemples d’avantages compétitifs portés par les technologies financières. Nombre de firmes de gestion, conscientes du potentiel, souhaitent embrasser ce virage. Certaines, en s’appuyant sur un capital technologique bâti au fil des années, ont une longueur d’avance, tandis que d’autres s’emploient à valoriser une culture technologique.

C’est une bonne nouvelle, car dans une économie de fin de cycle, il est plus que jamais important de voir les firmes de gestion d’actifs faire bénéficier une clientèle aux besoins en pleine mutation de ce vent de progrès.

Sylvain ­Crouzet est ­vice-président, ­modélisation financière, et ­Myriam ­Mechouat est ­vice-présidente, ­gestion quantitative à ­Optimum ­Gestion de Placements.


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2018 du magazine d’Avantages.
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