Les derniers mois ont mis à rude épreuve la santé physique et psychologique des employés, mais également les régimes d’assurance collective conçus pour les protéger. C’est dans ce contexte qu’Avantages a tenu en octobre dernier la cinquième édition de sa conférence Régimes collectifs & santé au travail, spécialement conçue pour les promoteurs de régimes d’avantages sociaux. Vous l’avez manquée ? Vous trouverez dans les pages suivantes les faits marquants de l’événement.

Santé mentale : comment passer à l’action dans les milieux de travail ?

La pandémie de ­COVID-19 ayant amplifié les problèmes de santé mentale des employés, assurer le ­bien-être des travailleurs est devenu un enjeu pour la plupart des employeurs. ­SNC-Lavalin fait partie des entreprises qui sont passées à l’action.

« ­Les statistiques démontrent l’ampleur de la situation, au ­Québec comme partout dans le monde, note ­Valérie ­Ducharme, conseillère en santé organisationnelle, gestion santé intégrée à ­Sun ­Life. Les coûts directs et indirects démontrent vraiment l’urgence d’agir. »

SNC-Lavalin a débuté la sensibilisation des employés en matière de santé mentale en formant un petit groupe de travail avec les ressources humaines, les responsables des avantages sociaux et les communications. Des webinaires offerts dans plusieurs langues ont d’abord été partagés aux employés. ­Ceux-ci abordent différents thèmes, comme l’isolement social, l’imagerie mentale, la gratitude, la gestion du stress, la gestion de l’inquiétude et l’anxiété. « ­Nous souhaitions introduire de plus en plus de vocabulaire en santé mentale pour briser la stigmatisation, explique Annie ­Payant, conseillère en santé et ­mieux-être à SNC-Lavalin. Le but ultime était de prévenir les risques et d’éviter les invalidités. »

Lorsque la pandémie est arrivée, « on a pris la menace et on l’a transformée en occasion d’agir, notamment parce qu’elle a sensibilisé la haute direction à la cause de la santé mentale, mentionne ­Annie ­Payant. Quand on a un plus grand intérêt de la part des dirigeants, on voit plus d’ouverture pour des moyens et des ressources. »

Outre les webinaires, l’organisation s’est dotée d’un comité ­santé-mieux-être au ­Canada et de deux ­porte-paroles parmi les gestionnaires. « ­On se rencontre chaque semaine, on regarde les besoins, on partage les informations, on planifie, explique Mme ­Payant. On a également lancé la campagne « Ça va pas aujourd’hui », en partenariat avec l’Association canadienne pour la santé mentale, afin d’augmenter la sensibilisation et la compréhension des employés à cet égard. On a aussi une panoplie d’outils, de ­jeux-questionnaires, de matériel virtuel et d’activités clé en main pour favoriser la santé mentale dans l’entreprise. Et puis on a recruté des ambassadeurs ­santé-bien-être au ­Canada qui portent le message, qui en parlent dans leur réseau, qui organisent des activités. »

Les nombreuses initiatives prises par l’entreprise pour offrir un milieu de travail sain et sécuritaire psychologiquement et donner les moyens à ses employés de gérer leur ­mieux-être ont un effet notable. « ­Je constate que les gens sont plus à l’aise de parler de santé mentale, se réjouit ­Annie ­Payant. De plus en plus de gestionnaires vont inclure des phrases et des ressources en ­santé-bien-être dans leurs communications. La créativité est un élément clé pour trouver des façons de joindre les gens. L’implication de la haute direction, c’est essentiel aussi. »

Santé mentale et obésité : la face cachée de la pandémie

L’obésité est une maladie chronique qu’il faut prendre en main puisqu’elle atteint trois fois plus de ­Canadiens depuis 1985 et que sa prévalence continue d’augmenter. « ­Parmi les risques associés à l’obésité, on note de cinq à huit fois plus de risques de souffrir de diabète de type 2, de deux à trois fois plus de risques d’avoir des maladies cardiaques et cinq fois plus de risques de faire une dépression grave », indique ­Stéphanie ­Ipavec-Levasseur, directrice de produit en assurance santé chez ­Desjardins ­Assurances.

Outre les coûts directs, qui s’élèveraient à 9 milliards de dollars en 2021 selon ­Obésité ­Canada, et les coûts indirects tels que le présentéisme et l’absentéisme, on observe un coût plus personnel, qui comprend des stéréotypes négatifs, des probabilités d’embauche plus faibles, des salaires moindres et des promotions plus rares. « ­Il existe une stigmatisation face à l’obésité, note Mme ­Ipavec-Levasseur. Certaines personnes vont se sentir dépréciées par leurs collègues. »

Elle recommande cinq mesures à prendre pour favoriser un milieu de travail particulièrement sain et positif :

1- ­Faire connaître ses attentes en matière de civilité et de respect pour communiquer de façon proactive et pour exprimer combien la santé mentale est importante.

2- Éduquer et former l’équipe. « ­Chaque employé doit connaître les politiques et les procédures concernant le harcèlement et la violence, mentionne ­Stéphanie ­Ipavec-Levasseur. L’équipe devrait savoir comment prévenir les gestes négatifs et comment les signaler. »

3- ­Prévoir un endroit sûr pour discuter de façon confidentielle, avec des meubles ergonomiques pour les personnes atteintes d’obésité.

4- Surveiller de près les signes de stigmatisation sociale et de déclin de la santé mentale. « ­Est-ce que les employés sont traités de façon égalitaire ? ­Est-ce que les employés et les gestionnaires sont formés pour reconnaître les signes ­avant-coureurs de problèmes de santé mentale ? ­Un programme ponctuel peut aider à le faire. »

5- ­Encourager les employés à recourir aux ressources disponibles en santé. « ­Il faut s’assurer qu’ils connaissent les ressources qui leur sont offertes et qu’il n’y ait pas de barrière à aller chercher de l’aide, ­ajoute-t-elle. ­Est-ce que la stigmatisation ou la peur empêche une personne d’aller chercher des outils qui pourraient l’aider ? Est-ce qu’il y a une barrière financière, de déplacement ou de temps ? »

« ­Il est important de s’informer, de faire preuve d’empathie et d’écoute pour venir en aide aux personnes atteintes d’obésité », conclut ­Stéphanie ­Ipavec-Levasseur.

Optimiser le ­bien-être dans un monde ­post-COVID

Une étude de l’Université ­Laval menée en novembre 2020 auprès de 2 000 francophones au ­Canada a révélé que de 20 à 30 % des travailleurs présentaient un niveau élevé d’anxiété, ce qui représente un défi de taille pour les employeurs.

« ­Si on veut promouvoir la santé mentale globale, on doit travailler sur les deux angles : réduire les difficultés, les prévenir, mais aussi favoriser le ­bien-être des gens », mentionne ­Simon ­Coulombe, professeur agrégé au ­Département des relations industrielles de la ­Faculté des sciences sociales de l’Université Laval.

L’environnement de travail est un élément clé d’une santé mentale positive, affirme le professeur. « ­Dans notre étude, on s’est rendu compte que plus les employés percevaient du soutien des collègues ou des superviseurs, moins ils vivaient de symptômes d’anxiété et de dépression », ­explique-t-il, tout en ajoutant qu’il s’agit d’un élément important à prendre en compte dans le contexte de télétravail.

En effet, bien que le télétravail ait des retombées positives pour le ­bien-être, notamment en réduisant le nombre de conflits ­travail-famille et en augmentant le niveau d’autonomie, il est associé à des relations de moins bonne qualité avec les collègues lorsqu’il dépasse 2,5 jours par semaine. « En contexte de télétravail, le soutien social des superviseurs et des collègues est donc essentiel, par des pauses café virtuelles ou des réunions », précise ­Simon ­Coulombe.

L’autogestion permet aussi de réduire les difficultés en santé mentale. « ­Dans l’approche d’autogestion, c’est la personne qui prend du pouvoir sur sa santé, précise le chercheur. C’est associé à une réduction des symptômes, davantage d’espoir, davantage de ­bien-être, mais aussi un sentiment d’­auto-efficacité accru. »

Une étude menée en 2015 par ­Simon ­Coulombe et d’autres chercheurs auprès de 50 participants se rétablissant d’un trouble de l’anxiété ou de l’humeur a permis d’identifier 60 stratégies d’autogestion que les personnes mettent en place au quotidien pour aller mieux. Elles se divisent en cinq catégories :

1- ­Les stratégies cliniques, comme les ­PAE et les services professionnels. « ­Pour favoriser cette pratique d’autogestion, c’est important d’explorer les ressources existantes, les formes d’aide avec lesquelles la personne est plus à l’aise », indique M. Coulombe.

2- ­Les stratégies d’autogestion fonctionnelles, comme l’amélioration de l’environnement de travail pour qu’il soit plaisant, stimulant et qu’il favorise les interactions sociales.

3- ­­Les stratégies existentielles, comme les programmes de pleine conscience. « ­Plusieurs programmes d’entraînement ont été adaptés aux milieux de travail et ils ont des effets positifs sur l’anxiété, le stress, la détresse, le ­bien-être et le sommeil », détaille ­Simon ­Coulombe.

4- ­­Les stratégies physiques, comme les programmes d’activité physique, qui ont un rôle clairement documenté contre l’émergence de la dépression.

5- ­­Les stratégies sociales. « ­Aider les autres, en faisant du bénévolat, par exemple, a été associé à une augmentation du ­bien-être », ­précise-t-il.

Il ajoute que les employeurs doivent accompagner sans imposer. « ­Il faut cultiver l’espoir et la prise de conscience, ­dit-il. Il existe des outils concrets pour le faire. »

Les garanties facultatives pour pallier l’insécurité financière des participants

De plus en plus offertes dans les régimes d’assurance collective, les garanties facultatives ont le vent dans les voiles. « ­Elles font partie d’une approche flexible qui met les adhérents aux commandes de leur santé et de leur ­bien-être, note ­Malorie ­Doumpa-De ­Grâce, gestionnaire de comptes, garanties facultatives à ­Croix ­Bleue Medavie. C’est une flexibilité qui concerne à la fois la nature des services offerts et la façon d’y accéder et qui permet de combler un besoin selon la situation de chaque participant. »

Elle juge que l’ajout de garanties facultatives est un moyen simple, judicieux et abordable pour les employés de protéger leur avenir dans un contexte d’insécurité financière important. En effet, une étude de ­Croix ­Bleue ­Medavie menée en mars 2021 auprès de 1 000 travailleurs canadiens a révélé que huit employés sur dix considèrent que leur employeur a bien répondu à leurs besoins en matière de santé et de ­bien-être dans la dernière année, mais que 82 % s’inquiètent que leur santé financière soit compromise si une maladie ou une blessure grave les empêchait de travailler.

­« ­Ils sont donc conscients de la précarité de leur situation financière et ils n’ont pas l’esprit tranquille en envisageant l’avenir, observe ­Mme ­Doumpa-De ­Grâce. Ce qui est plus inquiétant encore, c’est qu’ils ne se sentent pas nécessairement capables de remédier au problème. C’est donc une réalité qui entraîne de nombreux risques pour les employeurs parce qu’une personne qui est en position d’insécurité ne va pas être sereine et va parfois chercher à améliorer son sort en changeant d’employeur. »

La même étude a révélé que 66 % des travailleurs sont d’avis qu’il est important de détenir une assurance vie, maladies graves ou accident. Pourtant, seulement 5 % ont souscrit une assurance vie supplémentaire depuis le début de la pandémie et 3 % ont souscrit une assurance maladies graves durant cette période. « ­Les répondants sont donc peu nombreux à prendre les mesures pour bien se protéger, même s’ils reconnaissent l’importance de le faire, mentionne ­Malorie ­Doumpa-De ­Grâce. Le temps requis pour explorer des options ou le processus d’adhésion trop long ou complexe sont parmi les raisons qui ont été évoquées. »

Dès lors, elle croit que l’ajout de garanties facultatives devrait être privilégié par les employeurs. « Elles permettent d’offrir une couverture qui va satisfaire tous les employés, notamment les millénariaux, qui accordent plus d’importance à leur ­bien-être. Actuellement, plus de 80 % des employeurs canadiens ont déclaré avoir déjà ajouté une forme de flexibilité à leur régime d’assurance santé et parmi ceux qui ne l’avaient pas encore offert, 90 % se disent prêts à le faire. La popularité de ces garanties est donc une tendance qui va demeurer. »

Les médicaments biosimilaires prennent leur place

Moins coûteux que les médicaments biologiques, les biosimilaires se multiplient sur le marché et plusieurs provinces, dont le ­Québec, ont annoncé un resserrement des règles de leur régime public dans le but de favoriser leur utilisation. Jill ­Hardy, pharmacienne clinicienne à ­Canada ­Vie, nous offre un tour d’horizon de ces médicaments.

Les médicaments biosimilaires sont des « copies » de médicaments biologiques qui sont, quant à eux, produits à partir de cellules vivantes. Ils doivent être fabriqués selon les mêmes normes réglementaires que les médicaments biologiques et être autorisés par ­Santé ­Canada après une évaluation scientifique.

Ces médicaments comportent plusieurs avantages. « ­Ils sont moins coûteux puisqu’ils nécessitent beaucoup moins de recherche et de développement que les médicaments biologiques de référence et ils ne compromettent pas l’efficacité et la sécurité des traitements », explique Jill ­Hardy. Depuis plus de 15 ans, les médicaments biosimilaires sont abondamment utilisés en ­Europe et plus de 75 études ont démontré peu ou pas de différences cliniques entre les produits biosimilaires et leurs produits biologiques d’origine.

En juillet dernier, le ­Québec a lancé l’initiative sur la transition des patients aux médicaments biosimilaires qui prévoit que, dès le mois d’avril 2022, les patients qui prennent un médicament biologique devront passer à un médicament biosimilaire (s’il existe) pour continuer de profiter d’une couverture de la ­Régie de l’assurance maladie du ­Québec (RAMQ), à moins qu’ils puissent obtenir une exemption.

Plusieurs assurances privées prévoient déjà de suivre les mêmes règles que la ­RAMQ. « ­Canada ­Vie s’est alignée avec les politiques provinciales, ce qui évite les confusions pour les patients et pour les professionnels de la santé », signale ­Jill ­Hardy. Dans certaines provinces, comme la Colombie-Britannique, où la transition aux biosimilaires a été implantée en 2019, les changements se sont déroulés sans problème. « ­Moins de 1 % des patients ont demandé une exception pour continuer à prendre un médicament de référence. » Et les économies réalisées sont importantes puisque les médicaments biosimilaires coûtent de 30 à 40 % moins cher que les médicaments biologiques de référence.

Les hauts et les bas de la gestion de l’assurance médicaments

Le ­Syndicat des professeurs et professeures de l’Université ­Laval fait face aux mêmes défis que la plupart des promoteurs de régimes d’avantages sociaux au pays, le principal étant le contrôle des coûts de l’assurance médicaments.

« ­De 2002 à l’an dernier, nous avions une augmentation de 1 à 2 % des coûts des médicaments par année, révèle ­Marc Desgagné, président du comité sur les assurances collectives du syndicat. L’an dernier, ce coût a augmenté de plus de 25 %, essentiellement à cause de nouveaux médicaments contre le cancer. Ce sont donc moins de dix patients qui ont occasionné des coûts additionnels de plus de 250 000 $. Nous allons suivre cela de très près. »

Marc ­Desgagné note aussi que certains médicaments peuvent engendrer une hausse des coûts en raison de leur volume. « ­Par exemple, un nouveau médicament pour traiter la migraine va arriver sur le marché. Dans notre régime, 64 personnes prennent des médicaments pour la migraine et nous remboursons actuellement 570 $ par personne par année. Cependant, le nouveau médicament coûtera 6 900 $ par patient par année. Donc, si les 64 personnes changent pour ce médicament, nous allons nous retrouver avec des frais supplémentaires de 400 000 $ ! »

Parmi les mesures envisagées pour contrôler les coûts, ­Marc ­Desgagné explique que le régime d’assurance médicaments des professeurs adoptera la même politique que la ­RAMQ concernant les médicaments biosimilaires à partir d’avril 2022. « ­Le défi sera d’accompagner les patients et de les prévenir suffisamment à l’avance pour qu’ils soient à l’aise avec la transition, indique M. Desgagné. Nous avons donc besoin d’un bon plan de communication et d’accompagnement pour les patients qui seront touchés par cette nouvelle politique. »

Le passage à la couverture de la ­RAMQ pour les professeurs de plus de 65 ans et leurs personnes à charge a également permis de réaliser des économies, tout comme la substitution générique obligatoire. Par contre, les démarches entreprises pour inciter les personnes qui prennent des médicaments pour des maladies chroniques à renouveler leurs ordonnances aux trois mois plutôt que sur une base mensuelle n’ont pas eu d’incidence. « ­Nous allons nous diriger vers des communications ciblant les personnes concernées avec l’aide de l’assureur », commente ­Marc Desgagné.

Le plus grand défi, pour les années à venir, sera toutefois de réduire le déficit structurel, qui s’élève actuellement à 400 000 $ sur environ 6 millions de dollars de frais de santé remboursés par année. « ­Il faut vraiment essayer d’avoir des assureurs qui nous écoutent et qui soient capables de nous fournir des outils de contrôle. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2021 du magazine Avantages.
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