Il suffit de faire la tournée des cafés bondés du centre-ville de Montréal les jours de semaine pour constater que ce n’est pas tout le monde qui est friand du travail de la maison. Autrefois le bastion des étudiants, ces lieux sont dorénavant pris d’assaut par les travailleurs autonomes, et même les salariés. Un état de fait qui devrait alimenter la réflexion des employeurs quant à l’aménagement de leurs bureaux.

Si autant de gens sont prêts à travailler pendant des heures dans des lieux où l’ergonomie est, ­disons-le poliment, peu optimale, et à dépenser une partie de leur salaire en lattés à 7 $, c’est qu’ils ressentent le besoin de changer d’environnement.

De quoi encourager les employeurs et les propriétaires d’immeubles à imaginer des environnements de bureaux différents et attractifs. Il faut le dire, pendant des décennies, la conception des espaces de bureaux a peu évolué. Pourtant, les bureaux de nouvelle génération qui répondent aux besoins et aux aspirations des travailleurs d’aujourd’hui sont l’un des meilleurs moyens d’inciter ces derniers à sortir de chez eux.

L’aspect des lieux au travail a longtemps été négligé. Les études montrent pourtant que l’être humain est influencé par son environnement immédiat. Les couleurs, la luminosité, les plantes, les sons ambiants, tout cela a une incidence sur la productivité, la créativité et le ­bien-être.

Une récente conférence organisée par mes collègues de ­Les ­Affaires a mis de l’avant des projets de réaménagement de bureaux inspirants. À ­Belœil, le nouveau siège social de l’entreprise ­Optima ­Aero a de quoi faire rêver : serres tropicales sur le toit, terrasses, salle de sport, vestiaires, œuvres d’art, tout a été pensé pour rendre la vie quotidienne des travailleurs plus agréable.

Le but : créer un milieu de travail chaleureux où les employés des différentes équipes pourraient se rencontrer et échanger des idées. Dans ces conditions, la directive de travailler au bureau au moins trois jours par semaine n’a rien d’un fardeau, beaucoup d’employés s’y rendent même tous les jours.

Les propriétaires d’immeubles de bureaux ont eux aussi un rôle à jouer. La ­Place ­Ville ­Marie a par exemple inauguré en 2022 un nouvel espace, le ­FLEX. Une partie de cet espace au 29e étage est en tout temps accessible aux locataires de l’immeuble, qui peuvent notamment profiter d’un coin détente et d’un jardin intérieur. Une autre section de l’étage est offerte en location à court terme, par exemple à des employeurs qui ont temporairement besoin d’espace supplémentaire pour mener à bien des projets spéciaux.

Les données le montrent, plus les espaces de bureaux sont attrayants, plus ils sont utilisés. Selon Avison ­Young, le taux d’inoccupation des bureaux du ­centre-ville de ­Montréal atteignait 18,5 % au premier trimestre de 2024, mais se situait sous la barre des 10 % pour les immeubles de catégorie AAA, les plus prestigieux et recherchés. Colliers fait même état d’un taux de disponibilité aussi bas que 6,2 % pour cette catégorie de propriétés.

Cette « fuite vers la qualité » s’explique notamment par le fait que les immeubles ­AAA offrent davantage de services à leurs locataires. C’est pourquoi les projets de redéveloppement ne concernent plus uniquement les espaces de bureaux en tant que tels, mais également les espaces communs, qui ont trop longtemps été négligés.

Le 1001 ­Robert-Bourassa a par exemple fait appel à ­Moment ­Factory pour remettre son hall d’entrée au goût du jour. D’un simple passage obligé vers les ascenseurs, cet espace est dorénavant multifonctionnel et en mesure d’accueillir des événements comme des 5 à 7 ou des conférences. Un café et des projections numériques rendent l’endroit propice aux rencontres.

Plus encore, les complexes de bureaux s’ouvrent davantage à la communauté. La rénovation des aires de restauration du ­Complexe ­Desjardins et de ­Place ­Ville ­Marie, dont la clientèle est aujourd’hui nombreuse et diversifiée, montre que ces grands immeubles emblématiques ont un rôle important à jouer dans la vie urbaine.

En fait, l’avenir des immeubles de bureaux n’est pas qu’une question d’organisation du travail, c’est aussi une question d’urbanisme. Si la pandémie a favorisé l’essor du télétravail, à plus long terme, certaines tendances de fond pourraient changer la donne.

Même si elle fait encore l’objet d’énormément de résistance en ­Amérique du ­Nord, la densification des milieux de vie deviendra incontournable au cours des prochaines décennies, tant le modèle d’étalement urbain est devenu insoutenable environnementalement et économiquement. En habitant plus près de leur lieu de travail, dans des logements plus petits, mais mieux intégrés à leur environnement, les travailleurs trouveront probablement l’idée d’aller au bureau plus séduisante. Aux employeurs et aux propriétaires d’immeubles de bureaux de nous faire rêver en créant les milieux de travail (et de vie) de l’avenir.

Sinon, il restera toujours les cafés.


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2024 du magazine Avantages.
Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web
.