L’atteinte de l’âge de 65 ans est un moment décisif dans la vie de bien des gens, et il ne s’agit pas seulement d’un cap psychologique, mais aussi d’un cap administratif.

Après tout, 65 ans, c’est l’âge auquel les ­Canadiens peuvent commencer à recevoir leurs prestations de la ­Sécurité de la vieillesse et toucher sans pénalité les rentes du ­RRQ ou du ­RPC. C’est aussi l’âge considéré comme « standard » par beaucoup de régimes à prestations déterminées du secteur privé pour le départ à la retraite des participants. Dans les régimes à cotisation déterminée, les fonds à date cible sont généralement conçus en prévision d’un début de décaissement à 65 ans. Et dans bien des régimes d’assurance collective, c’est aussi l’âge où la plupart des couvertures prennent fin.

À l’heure où le vieillissement de la population et la pénurie de ­main-d’œuvre figurent au sommet des défis économiques à relever, travailleurs, employeurs et gouvernements devraient ­peut-être changer leurs perceptions par rapport à cet âge charnière.

Un sondage d’ADP ­Canada révélait récemment que 44 % des ­PME québécoises ont des difficultés à recruter des travailleurs, et 63 % trouvent qu’il est plus difficile d’attirer et de retenir des employés qu’avant la pandémie.

Face à la frilosité du ­Québec à accueillir davantage d’immigrants, peu d’options s’ouvrent aux employeurs qui cherchent désespérément à embaucher. La plus souvent évoquée est l’attraction et la rétention des travailleurs âgés.

Au ­Canada, le taux d’emploi chez les ­60-64 ans était de 50,6 % en 2020, selon ­Statistique ­Canada. Chez les 65-69 ans, il était moitié moins élevé, à 24 %, preuve que 65 est un âge charnière à partir duquel beaucoup de ­Canadiens font leurs adieux au monde du travail.

Pourtant, alors que l’espérance de vie est en augmentation constante et que bien des emplois sont moins exigeants physiquement qu’autrefois, une hausse du taux d’activité chez les plus de 60 ans est une solution tout à fait logique à la pénurie de main-d’œuvre.

L’idée n’est évidemment pas de forcer des retraités à retourner sur le marché du travail. De nombreuses études et sondages ont montré que ce ne sont généralement pas les considérations financières qui poussent la majorité des travailleurs à prolonger leur carrière ­au-delà de 65 ans. Ils désirent surtout rester actifs et effectuer une transition plus douce vers leur départ définitif du marché de l’emploi. Il s’agit donc d’une solution gagnant-gagnant pour les employeurs et les employés.

S’ils sont déjà beaucoup plus réceptifs qu’autrefois à l’idée de prolonger leur vie active, les ­Canadiens attendent toutefois des employeurs qu’ils soient davantage à l’écoute de leurs besoins.

Les régimes de retraite et d’assurance collective sont de puissants outils de rétention, et parfois même d’attraction, des travailleurs âgés, comme on peut le constater en lisant l’article sur le sujet dans cette édition du magazine. Davantage préoccupés par leur état de santé que leurs collègues plus jeunes, ces travailleurs accordent une énorme valeur aux couvertures de soins de santé. Pourquoi alors ne pas leur permettre de profiter d’une telle protection, même s’ils travaillent à temps partiel ou sont âgés de 65 ans ou plus ?

L’adaptation des programmes d’avantages sociaux ne constitue toutefois qu’une partie de l’équation pour créer des milieux de travail plus attrayants pour les travailleurs âgés. ­Peut-être encore davantage pour eux que pour les employés plus jeunes, le mot d’ordre est flexibilité. Entre le travail à temps partiel, les semaines écourtées, les postes partagés ou encore les horaires flexibles, les possibilités sont nombreuses pour satisfaire ces employés qui, à cette étape de leur vie, recherchent généralement des postes moins stressants.

Et contrairement à ce que certains pourraient penser, les travailleurs d’expérience sont friands de formations et d’occasions de perfectionnement. Plusieurs souhaitent également pouvoir partager leur expertise avec des employés plus jeunes par le biais de programmes de mentorat, des initiatives généralement appréciées de tous.

Certains employeurs ont aussi remarqué que leurs employés plus âgés sont nombreux à être des aidants naturels. Qu’à cela ne tienne, ils leur offrent des congés spéciaux leur permettant de continuer à prendre soin de leurs proches sans avoir à abandonner leur emploi.

Une telle opération séduction auprès des travailleurs âgés ne doit cependant pas se faire au détriment des employés plus jeunes, au risque d’engendrer des conflits intergénérationnels. On ne peut pas offrir systématiquement les meilleurs horaires aux travailleurs âgés, ou encore faire porter le fardeau d’une hausse importante des coûts d’assurance collective aux jeunes salariés.

Mais avec beaucoup d’écoute et un peu d’imagination, les employeurs peuvent certainement contribuer à changer les perceptions sur les travailleurs âgés, qui datent d’une époque révolue où les départs à la retraite hâtifs étaient socialement valorisés.


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2021 du magazine Avantages.
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