Notre société, comme beaucoup d’autres, cherche les moyens de favoriser le maintien ou le retour au travail de la ­main-d’œuvre plus âgée. On pointe du doigt l’âgisme comme un obstacle important à l’atteinte de cet objectif.

Pendant sa vie active au travail, un salarié type vise à obtenir des revenus suffisants pour vivre, contribuer à faire vivre sa famille et bâtir son patrimoine. Parallèlement, il vise la réalisation de soi et la reconnaissance sociale. Ce sont là ses attentes.

Par le salaire, les conditions de travail et le rôle social, l’employeur donne à ses salariés l’occasion d’atteindre leurs objectifs. En échange, pour combler ses propres besoins, il leur demande disponibilité, engagement, responsabilité, production et performance. Ce sont là les attentes de l’employeur.

Il vient souvent un temps, en fin de carrière, où les objectifs du salarié sont pratiquement réalisés. Parallèlement, la vie a fait son œuvre : les enfants ont quitté la maison ; les capacités physiques et/ou intellectuelles commencent à montrer des signes de ralentissement ; les maladies chroniques ou autres problèmes de santé s’installent ; les décès dans la famille et dans l’entourage sont plus fréquents.

Le salarié est conscient qu’il a moins de temps de vie devant lui que derrière lui. Il sait aussi qu’il a accès à des revenus de retraite provenant de ses économies et des programmes sociaux. Dans ce contexte, ses priorités changent. Le salaire perd de son aura et le respect des attentes légitimes de l’employeur devient de plus en plus difficile à atteindre.

S’installe alors une désynchronisation des attentes employeur-salarié parce que celles du salarié ont changé. D’autres conditions de travail, comme les horaires plus flexibles, les attentes de performance atténuées et les responsabilités réduites, deviennent plus importantes que le salaire. À ce stade, de nombreuses personnes souhaiteraient continuer à travailler, mais la structure traditionnelle des emplois ne leur convient plus.

Rétablir l’équilibre

Pour garder les salariés en fin de carrière au travail, ou ramener les retraités vers le marché du travail, il faut leur donner un environnement qui répond à leurs attentes et à leurs valeurs. Il faut donc remettre le salarié au centre des préoccupations. Mais l’équation finale doit aussi avoir du sens pour les employeurs.

Pour le salarié, un environnement propice implique l’offre d’emplois adaptés à ses capacités et motivations. Du point de vue de l’employeur, on doit reconnaître que la réduction des exigences de performance et la flexibilité accrue en matière d’horaire peuvent justifier une rémunération réduite.

En conséquence, d’un environnement où il n’y a qu’un seul modèle type d’emploi, il faut en créer deux, où ­chacun bénéficie d’un équilibre différent dans les attentes ­employeur-salarié.

Pour les employeurs, l’équilibre est rétabli par un accès à une ­main-d’œuvre compétente, sans besoin de formation, dont la rémunération pourrait possiblement être réduite compte tenu des conditions de travail plus souples offertes.

Pour les salariés et retraités visés, ce modèle permet un investissement de temps et d’énergie plus adapté à leurs capacités et à leurs intérêts, et une transition vers la retraite complète plus graduelle et saine.

Structurer une nouvelle tranche de vie

Afin de concrétiser ce concept pour les employeurs, les salariés et les gouvernements, un nouveau modèle de transition vers la retraite pourrait être implanté par la création d’une nouvelle tranche de vie entre la période de la vie active et celle de la retraite complète. On pourrait l’appeler, par exemple, la période de « vie active adaptée ».

En se basant sur ce modèle, une nouvelle gamme d’emplois pourrait être créée dans le plus grand nombre de secteurs possible. Dans le cadre de cette évolution du marché du travail, ces nouveaux emplois, visant la période de « vie active adaptée », pourraient ramener au travail ceux qui cherchent un environnement différent de celui applicable aux salariés en période de vie active.

La resynchronisation des attentes ­employeur-salarié et la création d’une nouvelle tranche de vie constituent un terrain fertile pour contribuer à solutionner la pénurie de ­main-d’œuvre. Et c’est sans compter que cette nouvelle gamme d’emplois pourrait permettre à certains citoyens plus jeunes, mais dont les capacités sont diminuées physiquement ou intellectuellement, d’intégrer plus facilement le marché du travail dans un environnement d’attentes de performance réduites et d’horaires de travail flexibles. Un autre plus pour notre société !


• Ce texte a été publié dans l’édition de novembre 2023 du magazine Avantages.
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