Face à la pénurie de ­main-d’œuvre qui sévit et à la transformation des attentes des employés, les questions d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) dans les régimes d’avantages sociaux retiennent de plus en plus l’attention.

Les changements sociétaux entraînent une remise en question des employeurs et des assureurs, qui cherchent à offrir des expériences de travail et des régimes d’avantages sociaux plus justes, plus équitables et qui tiennent compte de l’extraordinaire diversité d’employés. Employeurs et assureurs s’entendent pour dire qu’ils doivent faire mieux pour comprendre la diversité dans les milieux de travail et améliorer ses deux compléments, à savoir l’égalité et l’inclusion.

La culture, la religion, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’origine ethnique, un handicap ou l’âge sont parmi les nombreuses formes d’expression de soi et d’individualités qui sont au cœur de la diversité. Dans les milieux de travail, cette diversité croît avec les changements sociétaux. D’ailleurs, la pandémie a rapidement bouleversé les paradigmes existants au sein des entreprises.

Le télétravail a entraîné un élargissement de l’offre pour certains employés qui n’ont plus autant de contraintes géographiques et qui se préoccupent davantage, désormais, de la culture et de l’éthique de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. Pour les employeurs, il est dorénavant plus facile de dénicher des talents parmi des populations qui ont longtemps été inaccessibles en raison de l’éloignement ou de contraintes physiques (maladies chroniques ou handicaps) ou familiales (proches aidants, parents). Dès lors, le télétravail augmente de façon considérable la diversité au sein des entreprises.

Une préoccupation croissante

Cette diversité grandissante vient avec son lot de défis et le contexte de pénurie de ­main-d’œuvre qui s’est aggravé au ­Québec depuis plusieurs mois rend les attentes des employés plus élevées. Dès lors, les questions d’équité, de diversité et d’inclusion préoccupent de plus en plus les promoteurs de régime d’assurance collective.

« ­Il devient vraiment difficile de trouver des talents et on sait que les employés veulent tous trouver un employeur inclusif qui répond à leurs besoins », indique ­Anne-Marie ­Pham, directrice exécutive du ­Centre canadien pour la diversité et l’inclusion (CCDI). D’ailleurs, un sondage mené par ­Aon auprès de l’ensemble de ses clients employeurs en 2021 a révélé que la moitié des répondants considèrent que la diversité et l’inclusion sont importantes pour la rétention, le recrutement et la mobilisation des employés.

« ­Les valeurs des individus ont changé, ­ajoute-t-elle. La santé physique et la santé mentale sont très importantes. Ils n’acceptent plus de travailler pour des entreprises où la culture est exclusive, n’est pas respectueuse et où il y a du harcèlement et de la discrimination. »

D’ailleurs, ce que le monde anglophone a surnommé « ­The ­Great ­Resignation », soit la tendance des employés à quitter un milieu de travail dans lequel ils ne se sentent pas bien, suscite beaucoup de remises en question. « ­Les promoteurs de régime ont besoin de s’adapter à cette évolution des valeurs, mentionne ­Anne-Marie ­Pham. C’est un défi, mais ils doivent s’y attarder ! »

Les assureurs, de leur côté, sont très conscients de ces changements de valeurs. « ­La pandémie a mis l’accent sur l’importance du ­mieux-être des employés, explique ­Alexandra ­Laflamme-Sanders, ­vice-présidente adjointe, produits et solutions, garanties collectives à ­Sun ­Life. On a compris davantage le lien entre des employés heureux et en santé et une meilleure performance au sein de l’entreprise. On sait que les employés cherchent plus un équilibre de vie que des augmentations de salaire ou des promotions. »

32 %
­des employés estiment que leur employeur n’offre pas suffisamment d’avantages sociaux répondant aux besoins d’une main-d’œuvre diversifiée.

Source : Buck Global

L’EDI dans les régimes

Selon ­Alexandra ­Laflamme-Sanders, les employeurs comprennent davantage qu’avoir un régime de garanties collectives solide et inclusif peut les aider à atteindre leurs objectifs organisationnels. « ­Par contre, les niveaux de maturité des régimes en termes d’EDI varient énormément d’une organisation à l’autre », ­admet-elle.

Un sondage mené cette année par ­Sun ­Life auprès de ses assurés a révélé que 70 % d’entre eux estiment qu’il est important que leur régime soit inclusif et imputable pour les communautés représentant la diversité, mais que seulement 17 % sont fortement d’accord qu’il répond à leurs besoins uniques en tant que membre d’une communauté représentant la diversité. « ­Le niveau de satisfaction est un peu inférieur aux autres au sein de certains groupes, notamment parmi les membres des communautés autochtones, les membres de la communauté ­LGBTQ2+ et les personnes qui ont un handicap », indique ­Alexandra ­Laflamme-Sanders.

« Énormément d’employeurs offrent encore des régimes traditionnels, donc plus uniformes pour tous les employés, et où les concepts de diversité et d’inclusion sont peu présents », déplore ­Sébastien ­Lavoie, ­vice-président principal, responsable régional de l’est, relations clients, solutions pour la santé chez ­Aon. Selon lui, de nombreux éléments dans la conception de ces régimes ne sont plus adaptés aux besoins actuels. « ­Par exemple, il serait pertinent d’inclure les frais médicaux d’une tierce personne, comme une mère porteuse, un donneur de sperme ou une donneuse d’ovules ou d’embryons dans les régimes, y compris dans les comptes de soins de santé, ­dit-il. Aussi, les dispositions d’un régime d’avantages sociaux peuvent être discriminatoires si elles affectent négativement certains participants en lien avec certains motifs qui sont protégés par les droits de la personne, que l’on pense à l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, l’invalidité ou les handicaps. »

73 %
­des employeurs américains indiquent que l’importance accrue accordée à l’EDI les
incite à revoir leur stratégie en matière d’avantages sociaux.

Source : Willis Towers Watson

Comprendre les besoins spécifiques

« ­Une partie de l’amélioration à apporter réside dans la consultation des employés pour mieux comprendre leurs besoins et faire l’examen des fournisseurs potentiels sous cet angle d’équité, de diversité et d’inclusion », confie la directrice du ­CCDI. Elle précise toutefois l’importance de bien analyser les résultats.

« ­On peut constater que 80 % de l’ensemble des employés sont satisfaits, mais que seulement 30 % des femmes âgées avec un handicap sont satisfaites, ­explique-t-elle. Donc, l’analyse croisée par rapport au profil démographique est très importante pour assurer la diversité et l’inclusion. Cette analyse permettrait aux organisations de voir si leur régime fonctionne pour tout le monde et si certains segments de la population d’employés ont plus de difficulté à se sentir inclus et satisfaits. »

Sébastien ­Lavoie note aussi que l’employé qui ne profite pas du régime en place n’aura pas nécessairement l’impression qu’il comble ses besoins. « J’aime suggérer aux clients d’analyser l’utilisation des avantages sociaux que les employés font dans leur organisation. Dans des comptes ­mieux-être, il pourrait être intéressant d’aller chercher des données anonymes pour voir à quoi ont servi les dollars que les employés ont utilisés. »

Payer plus pour plus d’inclusion ?

Je serais d’accord pour que mon régime d’avantages sociaux coûte un peu plus cher s’il garantissait une couverture équitable et inclusive, même si cela inclut des services qui ne me concernent pas.

Des changements à apporter

La grande diversité des profils individuels engendre de nombreuses améliorations à apporter dans les régimes d’avantages sociaux pour améliorer l’EDI, comme une plus grande flexibilité dans les horaires et dans la gestion de l’absentéisme afin d’offrir des solutions en lien avec des pratiques religieuses, la garde d’enfants ou des soins à une personne âgée ou malade. « ­On va aussi penser à être plus inclusif dans la tarification, poursuit ­Sébastien ­Lavoie. Au lieu de proposer une tarification propre aux hommes et propre aux femmes en assurance vie, on pourrait penser à offrir une tarification unisexe. »

Les soins de santé virtuels sont un autre exemple de solution identifiée comme étant très efficace pour améliorer l’accès aux traitements, tant pour la santé physique que pour la santé mentale. « ­On peut également envisager la couverture de médecines complémentaires, comme la médecine traditionnelle chinoise ou des pratiques de guérison autochtones, suggère ­Alexandra ­Laflamme-Sanders. Par ailleurs, les membres des communautés LGBTQ2+ ont identifié des besoins concernant l’affirmation du genre ou les services de fertilité. »

Les experts soulignent également l’importance de favoriser des solutions qui donnent accès à des professionnels issus de diverses communautés. « ­On sait que lorsqu’on reçoit un service d’un professionnel de la santé qui appartient à la même communauté ou qui parle la même langue que le patient, ce dernier est plus enclin à accepter et à recevoir des soins », explique ­Alexandra ­Laflamme-Sanders.

D’ailleurs, ­Anne-Marie ­Pham recommande vivement aux entreprises de faire appel à des conseillers issus des communautés présentes dans la population d’employés. « ­Il pourrait s’agir de conseillers pour les ­Autochtones ou de gens qui pourraient aider avec des personnes issues d’un milieu culturel ou religieux différent de la majorité », ­précise-t-elle.

Les actions à poser ne sont pas les mêmes dans tous les régimes, et les régimes flexibles ne sont pas toujours la meilleure solution, puisque leur viabilité dépend de la taille de l’entreprise. « ­On peut offrir des couvertures optionnelles ou ajouter des comptes discrétionnaires sous forme de remboursement pour des soins de santé ou des comptes ­mieux-être », explique ­Sébastien ­Lavoie.

Communiquer de manière transparente

Les communications personnalisées sont essentielles pour mieux répondre aux besoins uniques des personnes qui appartiennent à un groupe particulier. « ­Mais il faut faire attention à ce que la communication ne soit pas comme un exercice de relations publiques qui fait en sorte de bien faire paraître l’organisation alors qu’à l’interne il se vit de la discrimination », précise ­Anne-Marie ­Pham.

« ­La création d’une culture au sein de laquelle les différents employés se sentent habilités à faire évoluer le langage de communication des avantages sociaux va être un puissant outil dans notre approche globale de diversité et d’inclusion », conclut ­Sébastien ­Lavoie.

Alors que 80 % des employés blancs se disent satisfaits des avantages sociaux offerts par leur employeur, ce n’est le cas que de 69 % des travailleurs autochtones et de 71 % des travailleurs ­LGBTQ2+.

77 % des employés ­non blancs jugent l’accès aux médecines complémentaires et non traditionnelles important, contre seulement 57 % des employés blancs.

Source : ­Sun Life


• Ce texte a été publié dans l’édition de septembre 2022 du magazine Avantages.
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