Les régimes d’actionnariat sont de plus en plus populaires au ­Québec, surtout auprès des entreprises inscrites en ­Bourse. Mais comment les travailleurs et les employeurs ­peuvent-ils en retirer des avantages, et dans quel contexte ces régimes ­sont-ils les plus efficaces ?

À la base, un régime d’actionnariat permet à l’employé de mettre de côté un pourcentage de son salaire afin d’acheter des actions de l’entreprise pour laquelle il travaille. 

Offerte parallèlement aux régimes de retraite classiques, cette forme de rémunération incitative a généralement pour objectif de favoriser l’engagement et la rétention des employés, indique Yves Hallée, professeur spécialisé en rémunération au Département des relations industrielles de l’Université Laval. « ­Ce type de régime n’est pas la norme en matière de rémunération, ­précise-t-il néanmoins. Les régimes d’actionnariat des employés ne s’appliquent pas à toutes les entreprises, et ont souvent tendance à être offerts seulement aux cadres. »

« On veut que nos employés se sentent impliqués dans notre réussite. En devenant actionnaires, ils reçoivent une part des bénéfices de l’entreprise. »

– Bernard Labelle, CGI

LES RÉGIMES D’ACTIONNARIAT AU CANADA

10 %

des employés canadiens adhèrent à un régime d’actionnariat

Les employeurs cotisent
au régime dans

81 %

des cas

La plupart des participants touchent des salaires plus élevés que la moyenne

Le tiers des professionnels du secteur des technologies de l’information participent à un régime d’actionnariat

Source : Statistique Canada

Quatre types de régimes

Selon M. Hallée, il existe quatre types de régimes d’actionnariat : le régime d’achat d’actions, le régime d’options d’achat d’actions, le régime d’octroi d’actions et le régime d’actions simulées.

Le régime d’achat d’actions permet simplement aux employés d’acheter des actions de l’organisation qui les emploie, et inclut souvent une cotisation de l’employeur. « La forme la plus poussée se caractérise par la détention totale du capital-actions par les salariés. Ils deviennent alors entièrement propriétaires de l’entreprise », signale-t-il.

Avec les régimes d’options d’achat d’actions, l’entreprise offre plutôt aux employés la possibilité d’acquérir à un taux prédéterminé, généralement inférieur à celui du marché, un certain nombre d’actions de l’entreprise. M. Hallée met en garde les travailleurs de ne pas sous-estimer la volatilité des marchés, et les employeurs de bien informer leur personnel des avantages et des risques associés à ces régimes. « La réflexion à l’égard des actions doit se faire à long terme », prévient l’enseignant.

Dans le régime d’octroi d’actions, les employés n’ont pas à débourser pour obtenir des actions, qui sont offertes à une partie ou à la totalité des salariés. « Certains régimes peuvent être différés puisque les actions peuvent être placées dans une fiducie et ne devenir disponibles qu’à la retraite ou au départ de l’employé. Ces régimes tiennent lieu généralement de régime de retraite, mais il ne faut jamais oublier qu’il s’agit des actions de l’entreprise et qu’elles sont tributaires de la volatilité des marchés. À mon avis, ce type de régime devrait être jumelé de façon complémentaire à un vrai régime de retraite, qui est beaucoup plus sécuritaire que les actions où, dépendant des périodes, la possibilité de perte peut être quand même assez importante », juge M. Hallée.

Enfin, les régimes d’actions simulées sont l’équivalent de bonis versés à l’employé. Les entreprises donnent ainsi la possibilité à leurs salariés de participer à leur actif et cela sans que celles-ci émettent des actions. Les employés bénéficiaires de ce régime reçoivent ainsi une contrepartie financière similaire aux dividendes des actions.

« La rémunération a pour objectif d’orienter les comportements. On doit adopter les régimes qui sont cohérents avec ce que nous sommes comme organisation et avec les besoins de nos employés. Par exemple, un employé qui a une jeune famille a peut-être plus besoin d’avantages sociaux que d’actions », relève l’enseignant, qui mentionne que la communication est essentielle en rémunération pour permettre au régime de jouer le rôle auquel il est destiné.

À -CGI, 90 % des employés sont actionnaires

CGI a mis en place un régime d’actionnariat en 1989. « Nous n’avons pas d’employés chez nous, mais plutôt des associés qui ont à cœur la réussite de l’entreprise puisqu’ils en obtiennent tous des bénéfices. C’est une façon totalement différente d’envisager les rapports entre les dirigeants et les travailleurs », commente son vice-président exécutif et chef de la direction des ressources humaines, Bernard Labelle.

« On veut que nos employés se sentent impliqués dans notre réussite. En devenant actionnaires, ils reçoivent une part des bénéfices de l’entreprise. Comme nous sommes une entreprise inscrite en Bourse, ils ont les mêmes droits que tous les actionnaires qui achètent des actions de CGI. Nous offrons à nos employés la possibilité d’adhérer à notre régime d’actionnariat dès leur premier jour de travail. Les employés sont libres d’y souscrire ou non. La grande majorité le font et plusieurs le transfèrent immédiatement dans un REER ou un CELI. En fait, 90 % de nos employés sont actionnaires de l’entreprise. »

À CGI comme dans la plupart des régimes d’actionnariat, l’employeur verse des cotisations équivalentes à une partie ou à la totalité de celles de l’employé, un peu comme dans un régime de retraite traditionnel. Un montant est utilisé à chaque période de paye pour acheter des actions de l’entreprise, à leur valeur marchande. Les cotisations de l’employeur sont entièrement imposables en tant que revenu d’emploi. Par contre, la plupart des régimes d’actionnariat des employés permettent de détenir des actions dans un régime enregistré d’épargne retraite collectif afin que les cotisations soient déductibles d’impôt.

« C’est un véhicule très flexible. Le bénéficiaire peut en disposer à sa guise, le mettre dans un REER ou un CELI ou en confier la gestion à un conseiller à l’extérieur de l’entreprise. C’est une adhésion volontaire, mais nous en faisons la promotion, car nous estimons que les bénéfices sont intéressants pour les employés. L’entreprise offre une cotisation équivalente à celle de l’employé, jusqu’à un certain niveau, selon les pays. Tous les frais de gestion du régime sont assumés par CGI », expose Bernard Labelle, qui précise que l’entreprise n’offre pas d’autres régimes de retraite à ses employés.

« On fait des sondages sur nos avantages sociaux, et le régime d’acquisition d’actions se révèle souvent l’un des plus appréciés par ceux qui y participent. »

– Luc Marchand, Banque Nationale

Évidemment, la valeur du placement augmente ou diminue selon le cours du titre boursier. « On conseille à nos gens de conserver leurs actions sur une longue période pour maximiser leurs bénéfices, mais encore là, chacun est libre de faire ce qu’il veut avec ses actions et les vendre n’importe quand », souligne M. Labelle.

De plus en plus populaire à la -Banque -Nationale

À la Banque Nationale, de 60 à 65 % des employés adhèrent au régime d’actionnariat, mentionne Luc Marchand, directeur principal, retraite et avantages sociaux de l’institution financière. « C’est un régime relativement simple où les employés peuvent verser une cotisation en retenue salariale. À chaque 4 % que l’employé verse, la Banque ajoute 1 %, soit 25 % de ce que l’employé investit, jusqu’à un maximum de 1 500 $ par année. L’ensemble de ces cotisations servent uniquement à acheter des actions de la Banque Nationale. On demande à nos employés de ne pas vendre des actions plus de deux fois par année », explique-t-il.

« La rémunération a pour objectif d’orienter les comportements. On doit adopter les régimes qui sont cohérents avec ce que nous sommes comme organisation et avec les besoins de nos employés. »

– Yves Hallée, Université Laval

Ces titres peuvent être versés dans des comptes enregistrés ou non enregistrés. « ­Les cotisations de l’employé peuvent donc être à l’abri de l’impôt dans un ­REER ou dans un ­CELI. C’est une belle forme d’épargne pour les employés, que ce soit à court, moyen ou long terme. La cotisation de la ­Banque fait en sorte que l’actif s’accumule plus rapidement », commente M. Marchand, qui précise que la ­Banque ­Nationale offre aussi des régimes de retraite à ses employés.

M. Marchand affirme que le régime d’actionnariat est jugé très favorablement par les employés de l’institution financière. « ­On fait des sondages sur nos avantages sociaux. Le régime d’acquisition d’actions se révèle souvent l’un des plus appréciés par ceux qui y participent. Le prix de l’action a grimpé en mars 2020, ce qui a eu pour effet d’augmenter la participation au régime. Le rendement historique du titre de la ­Banque est rassurant sur une longue période ».

DES RÉGIMES POPULAIRES

Taux d’adhésion de 90 % à CGI, et entre 60 % et 65 % à la Banque Nationale

Les avantages pour les employés

Autant à ­CGI qu’à la ­Banque ­Nationale, on indique que le régime d’actionnariat permet aux employés d’épargner pour leur retraite et de bénéficier d’une participation de l’employeur pour faire croître le montant. « L’employé actionnaire a le droit de venir à l’assemblée annuelle. Il a le droit de poser des questions. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent pas seulement un régime de retraite. Ils veulent une façon de pouvoir épargner pour d’autres objectifs que leur retraite. Ils veulent un outil plus flexible qui leur permet d’avoir accès à leur patrimoine tout au long de leur vie, pour l’achat d’une maison ou pour financer un voyage. Ils peuvent utiliser l’argent n’importe quand sans pénalité », détaille ­Bernard ­Labelle, de ­CGI.

Les avantages pour l’employeur sont d’avoir des employés plus intéressés par le succès de l’organisation, illustre M. Labelle. « ­Du point de vue de l’entreprise, ça amène un niveau d’engagement exceptionnel. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2021 du magazine Avantages.
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