Les employeurs qui offrent un régime de retraite comme composante de leur rémunération globale ont des objectifs somme toute assez similaires : assurer la sécurité financière à la retraite de leurs travailleurs et rendre leur organisation plus attractive. Si la finalité demeure la même, les moyens utilisés, eux, peuvent grandement varier. Lors d’une récente conférence de l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, trois employeurs ayant emprunté des voies fort différentes ont expliqué la philosophie adoptée par leurs régimes de retraite.


Mouvment Desjardins

Une foi inébranlable dans les prestations déterminées 

Contrairement à la majorité de ses concurrents, Desjardins offre encore aujourd’hui un régime de retraite à prestations déterminées (PD) à l’ensemble de ses quelque 58 000 employés. « Seulement 20 % des employeurs de notre marché de référence ont conservé leur régime ­PD », souligne ­Sylvie ­Lanoix, ­vice-présidente, Rémunération globale et relations professionnelles au ­Mouvement ­Desjardins.

Malgré les risques inhérents au maintien d’un régime ­PD, l’institution financière affiche une forte volonté de proposer à ses salariés un régime clé en main leur offrant une grande tranquillité d’esprit, notamment grâce à la gestion du risque de longévité. « L’objectif est d’assurer un bon niveau de ­bien-être financier et de sécurité à la retraite à nos employés », ajoute ­Mme ­Lanoix.

Cet accent mis sur la sécurité se traduit entre autres par un niveau de cotisation élevé de la part de l’employeur : pour chaque dollar versé au régime par les participants, ­Desjardins en donne 1,80 $. Et si un travailleur quitte son emploi en manifestant le désir de récupérer ses droits accumulés, il a la garantie de recevoir 175 % des cotisations qu’il a versées au régime.

Le régime, qui compte 80 000 participants et un actif sous gestion de 15,2 G$, est actuellement bien capitalisé, mais il n’en a pas toujours été ainsi, admet ­Sylvie ­Lanoix. « ­En 2013, nous avons dû diminuer le taux d’indexation. La tendance à l’époque était d’éliminer l’indexation dans les régimes en raison des coûts élevés, mais les employés y attachaient tellement d’importance que nous avons plutôt fait le choix de la conserver en la réduisant. »

Quelques années plus tôt, en 2009, ­Desjardins a également resserré les règles de retraite anticipée dans le but d’inciter les employés à partir à la retraite plus tard. En échange, la rente a été bonifiée, un changement qui s’est fait à coût nul pour l’entreprise.

L’institution financière est toutefois consciente des défis qu’elle devra relever dans les prochaines années pour assurer la viabilité de son régime à long terme. Dans un contexte démographique défavorable, les sorties de fonds vont bientôt surpasser les entrées. « ­On va devoir s’assurer d’être capable de payer les prestations, même en situation de crise, note ­Sylvie ­Lanoix. Nous réalisons des projections liées au risque de liquidité. »

Dans un environnement économique incertain et volatil, les risques de marché et de taux d’intérêt sont également dans la mire du régime, et requièrent « une stratégie de répartition d’actifs résiliente visant à stabiliser la santé financière du régime et les taux de cotisation », ­poursuit-elle.

Dans le secteur privé, offrir en 2023 un régime ­PD à l’ensemble de ses travailleurs est un élément différenciateur majeur en matière de rémunération globale. Mais encore ­faut-il que ces travailleurs en soient conscients. « ­Même avec les régimes ­PD, il y a des défis de communication, insiste ­Mme Lanoix. Les employés ne réalisent pas toujours la valeur d’un régime ­PD, surtout dans les périodes de forte volatilité. On veut qu’ils apprécient le régime à sa juste valeur. »


Rio Tinto

Flexibilité et cotisations élevéesFlexibilité et cotisations élevées

Depuis une dizaine d’années, la plupart des quelque 13 000 employés canadiens de ­Rio ­Tinto participent à des régimes de retraite à cotisation déterminée (CD). Des régimes que ­Vincent ­Morin, chef des avantages sociaux pour la société minière, qualifie de « très avantageux ». En effet, une cotisation de 6 % de l’employé donne droit à une contrepartie de l’employeur pouvant atteindre 12 %, soit une cotisation totale qui atteint le maximum de 18 % prévu par la ­Loi de l’impôt sur le revenu. « ­Les taux de remplacement du revenu à la retraite de nos régimes ­CD sont très élevés et tiennent bien la comparaison face aux régimes PD », assure Vincent ­Morin.

Au ­Québec, certains groupes d’employés qui affichent un faible taux de roulement bénéficient quant à eux d’un régime de retraite par financement salarial (RRFS). De la même façon, certains groupes en ­Colombie-Britannique participent au régime des ­CAAT (Colleges of ­Applied ­Arts and ­Technology). « ­Il s’agit dans les deux cas de régimes à cotisation fixe pour l’employeur, donc ça nous convient », précise M. Morin.

Pour maximiser l’utilisation du régime, ­Rio ­Tinto a décidé en 2018 d’établir la cotisation par défaut à 6 % du salaire pour les participants, soit le maximum autorisé par le régime. Les employés qui souhaitent cotiser moins doivent donc prendre l’initiative de faire ­eux-mêmes le changement.

Pour l’instant, la cotisation de l’employeur croît avec les années de service du participant, une stratégie pour favoriser la rétention du personnel. À terme, toutefois, ­Vincent ­Morin souhaiterait offrir le même taux de cotisation à tous les employés, et ce, dès l’embauche, considérant que « le marché a changé ».

À l’échelle mondiale, l’entreprise continue également de cotiser au régime de retraite pendant les congés parentaux jusqu’à un maximum de 104 semaines.

Alors que de nombreux promoteurs ont entamé une réflexion sur l’ajout d’une solution de décaissement à même leur régime ­CD, ou ont même déjà sauté le pas, ­Rio ­Tinto ne souhaite pas s’engager dans cette voie pour le moment. « ­Notre approche en matière de décaissement est de donner les ressources aux employés pour qu’ils soient en mesure de prendre leurs propres décisions, explique ­Vincent ­Morin. Nous ne voulons pas hériter du risque de gouvernance lié aux retraités. Rio ­Tinto existe avant tout pour produire des métaux, on juge trop complexe de gérer à l’interne le décaissement. » L’entreprise négocie toutefois des tarifs préférentiels sur les produits financiers offerts par ses fournisseurs, ces derniers étant par ailleurs sélectionnés en fonction du soutien apporté aux participants.

À défaut de proposer une solution de décaissement à ses participants, ­Rio ­Tinto s’assure que le niveau de remplacement de revenu de retraite que permet de générer ses régimes, en association avec les régimes publics, atteigne selon les pays une cible établie entre 50 et 75 % du revenu préretraite.

«Les taux de remplacement du revenu à la retraite de nos régimes CD sont très élevés et tiennent bien la comparaison face aux régimes PD. »

 – Vincent Morin, Rio Tinto


Sollio Groupe Coopératif

Accompagner les participants à chaque étape

Sollio ­Groupe ­Coopératif, comme bien d’autres organisations, a pris la décision de migrer des prestations déterminées vers les cotisations déterminées. Mais pas question pour autant d’abandonner les participants à leur sort. Des options de décaissement aux conseils personnalisés, les retraités et les employés en voie de l’être ont accès à une vaste gamme d’outils.

Depuis environ deux ans, la plus grande coopérative agricole au pays, autrefois connue sous le nom de ­Coop fédérée, a mis en place une structure de décaissement collectif au sein de ses régimes ­CD. Les participants à la retraite peuvent ainsi laisser leur argent dans le régime par le biais de fonds de revenu viager (FRV) et de fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) collectifs. Les options de placement demeurent les mêmes que lors de la phase d’accumulation.

Pour familiariser les participants avec les principes fondamentaux de planification de la retraite, l’employeur offre des formations de groupe. Mais ayant constaté les limites de ces rencontres, ­Sollio est allé plus loin en offrant à ses travailleurs en fin de carrière un accompagnement individuel avec un « expert en solutions retraite ».

« ­On a réalisé que les formations en groupe n’étaient pas suffisantes parce que les gens posaient beaucoup de questions sur leur situation personnelle », raconte ­Frédérick ­Poulin, directeur principal, rémunération globale à ­Sollio.

Craignant le manque d’indépendance des conseillers en institution financière, l’entreprise a embauché ses propres experts en planification de la retraite. À la demande des participants, ­ceux-ci peuvent réaliser une analyse financière complète incluant entre autres les différentes sources de revenu de retraite et la stratégie de décaissement. Au terme de cette analyse, un plan de retraite est présenté lors d’une rencontre avec le participant et son conjoint. Ce service est gratuit, les coûts étant inclus dans les frais de gestion du régime.

Cet accompagnement individuel à l’approche de la retraite est d’autant plus pertinent dans une organisation où 40 % des participants ont plus de 50 ans, estime ­Frédérick ­Poulin, qui soutient que ce programme est très apprécié des travailleurs. « ­Les gens se sentent perdus quand vient le temps de prendre des décisions concernant leur retraite. Un participant m’a déjà dit : “Moi, j’étais content que quelqu’un me dise quoi faire.”».

Un programme apprécié, donc, mais pas encore suffisamment connu des quelque 13 500 participants à l’ensemble des régimes de ­Sollio, juge M. Poulin. « ­Notre offre est relativement récente, c’est un défi de communication, surtout auprès des jeunes. On a encore du travail à faire en matière de valorisation de nos programmes. »

À plus long terme, ­Sollio souhaiterait bonifier les options de décaissement du régime en y intégrant des rentes dynamiques, soit des rentes dont les versements pourraient varier en fonction des rendements et de l’expérience de mortalité du régime. « ­On est en attente de la réglementation », précise ­Frédérick ­Poulin.


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2023 du magazine Avantages.
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