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Avec la réouverture des restaurants et des bars, les occasions d’activités sociales se multiplieront cet été. Et après plus d’un an au cours duquel la plupart des gens ont passé le plus clair de leur temps à la maison, même le lieu de travail risque de devenir, ou plutôt de redevenir, un lieu privilégié de socialisation. 

La preuve ? Le tiers des travailleurs comparent le grand retour au bureau à une sortie entre amis, selon un sondage de la firme ­Chargifi mené aux ­États-Unis et au ­Royaume-Uni. Plus du quart d’entre eux se disent même prêts à dépenser davantage et à effectuer des trajets plus longs pour retrouver leurs collègues.

Cela démontre que malgré les efforts colossaux consentis par les employeurs pour garder la cohésion au sein de leurs équipes en cette période difficile, la pandémie a dépouillé les employés d’une part essentielle de leur vie professionnelle : la joie de vivre. Terminés les discussions informelles devant le ­micro-ondes, les fous rires au milieu de l’aire ouverte, les lunchs au restaurant ou encore les 5 à 7 improvisés à la fin d’une journée exténuante. Et si les télétravailleurs ont été les plus durement affectés par cette suspension momentanée de la « vraie vie » au boulot, les salariés qui ont continué de se rendre sur leur lieu de travail tout au long de la pandémie n’ont pas pu profiter non plus d’une vie professionnelle très riche en raison des innombrables restrictions sanitaires.

Bien sûr, ce ne sont pas tous les individus qui accordent la même importance à l’aspect social du travail. Pour certains, l’emploi permet principalement de payer les factures ; ils préfèrent s’épanouir uniquement dans leur vie personnelle. Mais pour d’autres, le travail est au cœur de leur vie sociale. ­Ceux-là, qu’ils aient été coincés à la maison devant leur écran ou alors sur le lieu de travail, mais avec des contacts limités avec les collègues, ont perdu beaucoup de motivation dans la dernière année, leur travail ayant pris une dimension essentiellement utilitaire. À ce chapitre, une enquête de ­Robert ­Half révèle que 46 % des travailleurs à distance se sentent moins impliqués dans leur travail depuis le début de la pandémie, et que 55 % des ­18-24 ans affirment que leur carrière est en pause depuis maintenant plus d’un an.

Tout indique d’ailleurs que l’âge est un facteur déterminant dans la perception du travail. Un sondage mené par la firme britannique ­Totem a par exemple révélé que la moitié des employés âgés de 18 à 24 ans souhaitaient retourner sur leur lieu de travail à temps plein lorsque cela sera possible, une proportion qui diminue fortement chez les employés plus âgés. Les employés plus jeunes sont également bien plus nombreux à considérer leurs collègues comme des amis, ce qui explique leur excitation à l’idée de retourner au boulot en personne.

Il semble toutefois y avoir un phénomène culturel à considérer. Dans l’ensemble, les sondages européens montrent beaucoup moins d’enthousiasme pour le télétravail que ceux menés auprès de travailleurs ­nord-américains, plus nombreux à apprécier un mode de vie sédentaire bien servi par le travail à la maison.

Au ­Québec, un récent sondage ­Léger classe les employés en trois groupes distincts en fonction de leur appréciation du télétravail. Environ 20 % des employés en ont ras le bol d’être à la maison et veulent retourner au bureau à temps plein, tandis qu’à l’autre extrême, la même proportion de travailleurs ne veulent plus du tout y mettre les pieds. La majorité des employés (60 %) privilégient néanmoins la solution mitoyenne du travail hybride, avec deux ou trois journées de télétravail par semaine.

Tout ça pour dire que les employeurs ont beaucoup de pain sur la planche dans l’élaboration d’un plan de retour à la normale qui saura contenter un peu tout le monde. L’important sera de ne pas se concentrer uniquement sur les défis de productivité et d’efficacité perçues à court terme, et de mettre au cœur des réflexions les aspects sociaux de plaisir et de joie de vivre au travail. C’est ce qui motive de nombreux employés à se lever chaque matin pour accomplir leur activité professionnelle. Après une année aussi déprimante, ils ont besoin de retrouver une ambiance agréable sur leur lieu de travail.

À mesure que les restrictions sanitaires seront levées, les employeurs auront tout intérêt à encourager leurs employés à renouer avec la vie sociale au travail, la vraie, celle qui ne passe pas exclusivement par des plateformes de visioconférence. Qui plus est, en se réappropriant les boutiques et restaurants à proximité de leur lieu de travail, les employés contribueront à la vitalité de nos villes et quartiers, qui en ont bien besoin.


• Ce texte a été publié dans l’édition de juin 2021 du magazine Avantages.
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