Les perspectives de croissance mondiale demeurent faibles malgré plus de sept ans d’assouplissement monétaire par les principales banques centrales. S’ajustant à la situation, les investisseurs ont généralement révisé à la baisse leurs prévisions de rendements, non seulement pour les obligations, mais aussi pour les catégories d’actifs à revenu variable.

Dans ces circonstances, plusieurs promoteurs et administrateurs de régimes de retraite examinent l’ajout de nouvelles catégories d’actifs et de nouvelles stratégies pour assurer la pérennité de leur régime. Et encore une fois, la diversification de l’actif et des sources de rendement est au centre du processus. Est-ce que les investisseurs devraient alors miser sur une diversification du risque selon l’analyse des principaux facteurs de risque, en plus d’une approche traditionnelle de construction de portefeuille basée sur l’observation de la corrélation entre les différentes catégories d’actifs et la volatilité des rendements ?

La diversification est couramment associée au coefficient de corrélation entre les catégories d’actifs. Celui-ci constitue une mesure relative de la covariation de deux séries de données, par exemple le rendement historique des actions de grande capitalisation et celui des obligations. La valeur du coefficient de corrélation se situe entre -1 et 1. On dit que deux catégories d’actifs sont parfaitement positivement corrélées, avec un coefficient de 1, lorsque les rendements observés d’une catégorie d’actif sont toujours du même signe que ceux observés dans une autres et qu’ils varient proportionnellement. Deux catégories d’actifs dont les rendements sont indépendants les uns par rapport aux autres auront par conséquent un coefficient de corrélation de zéro. En assemblant des catégories d’actifs imparfaitement corrélés, soit inférieur à 1, l’investisseur vise à améliorer le rapport rendement/risque du portefeuille, c’est-à-dire diminuer le niveau de risque pour un même niveau de rendement espéré.

Les principes de construction de portefeuille, énoncés en 1952 par l’économiste américain et gagnant du prix Nobel d’économie de 1990, Harry Markowitz, reposent sur la corrélation et la volatilité des rendements comme mesure de risque. La simplicité analytique et le caractère intuitif de ce modèle et de ses variantes font en sorte qu’il est encore couramment utilisé pour le choix des principales composantes d’un portefeuille diversifié et la répartition optimale de l’actif en fonction des objectifs de l’investisseur.

La simplicité du modèle cache cependant plusieurs lacunes qui sont bien documentées par la littérature financière. Sans nous attarder à toutes les faiblesses, notons que le coefficient de corrélation est instable dans le temps. Il est apte à mesurer la covariation observée entre deux séries de rendements, mais nous informe très peu sur les causes de cette relation ou sur les facteurs déterminants du rendement d’une catégorie d’actif. En d’autres mots, son pouvoir prédictif est très limité, particulièrement durant les périodes de plus forte volatilité des marchés et en temps de crise, moments où les avantages de la diversification s’avèrent les plus importants.

La variation de la corrélation entre l’indice d’actions MSCI World Equity Total Return et l’indice obligataire Citigroup Broad Investment Grade pour des périodes mobiles de cinq ans du 31 mai 2001 au 31 mai 2016 nous offre un exemple récent de l’instabilité du coefficient de corrélation (voir graphique 1 ci-dessous). Le coefficient de corrélation observé entre les indices était négatif de 2002 à 2008, positif de 2009 à 2013 et négatif de nouveau depuis 2014.

Diversification graphique1L’instabilité du coefficient de corrélation réduit l’utilité de la stratégie traditionnelle de répartition de l’actif et démontre qu’une faible corrélation moyenne à long terme peut contribuer à créer un sentiment de fausse sécurité. Pour atteindre une diversification plus efficace et stable, l’investisseur peut choisir de prendre en compte les principales composantes du rendement ou les facteurs déterminants de chaque catégorie d’actif du portefeuille.

Une attention particulière sera portée à des critères présents chez plus d’une catégorie d’actifs. En effet, la présence de plusieurs facteurs communs augmentera le risque dans certaines conditions de marché. À l’inverse, la combinaison de facteurs relativement indépendants devrait diminuer le risque du portefeuille pour un niveau attendu de rendement.

Analyser le portefeuille au-delà du rendement attendu et de la corrélation observée entre les catégories d’actifs devient important en cette période où les régimes de retraite cherchent à bonifier le rendement des portefeuilles par l’ajout de nouveaux types d’actifs.

Le rendement et la variabilité de chaque catégorie d’actifs peuvent être perçus comme les résultats de l’interaction d’un ensemble de facteurs de risques. Dans un monde idéal, le portefeuille serait composé de plusieurs facteurs de risque générant des primes au risque indépendantes les unes des autres. En pratique, l’investissement dans plusieurs catégories d’actifs mène à une certaine redondance des facteurs de risque, comme l’illustre le graphique 2 ci-dessous.

Diversification graphique2Le répertoire des facteurs de risque est très long et varie en fonction du niveau de détail recherché pas l’investisseur. Établir une liste exhaustive revêt une importance secondaire par rapport à l’identification des principaux facteurs sous-jacents aux catégories d’actifs d’un portefeuille. De ce point de vue, ces dernières sont considérées comme des ensembles de facteurs de risque et le processus de diversification vise à établir une répartition en fonction des sources de risque.

Diversification graphique3Le graphique 3 ci-contre illustre l’apport de sept facteurs au risque total des actions américaines et des obligations à rendement élevé, tel que mesuré par l’écart type des rendements mensuels des indices S&P 500 et Merrill Lynch High Yield Master II pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2015.

L’investissement en obligations mondiales à rendement élevé et celui en actions américaines partagent au moins quatre facteurs de risque dans des proportions non négligeables. Les deux plus importants sont liés à la croissance économique domestique et mondiale. Le niveau des taux d’intérêt et le marché des produits de base sont aussi des facteurs significatifs et communs aux deux catégories d’actifs. Malgré un coefficient de corrélation moyen de 0,6 pendant la période, l’effet diversifiant de ces deux composantes pourrait se détériorer de façon marquée dans un environnement défavorable à la croissance économique ou de hausse de taux d’intérêt.

En bout de ligne, la quête de rendement devrait aussi rechercher la diversification des facteurs de risque. L’investisseur voulant obtenir un meilleur rendement tout en améliorant la diversification du portefeuille préfèrera ajouter une catégorie d’actifs ou une stratégie d’investissement contenant un ou plusieurs facteurs de risque indépendants de ceux déjà présents dans le portefeuille.

Christian Robert, CFA, FICA, FSA 
est vice-président, solutions d’investissement et investissement guidé par le passif à Addenda Capital

John Stilo, CFA est gestionnaire de portefeuille principal, revenu fixe de base (« core ») à Addenda Capital