Les voitures autonomes sont conçues de façon à conduire leurs occupants à une destination prédéterminée tout en les protégeant des risques environnants. N’est-ce pas ce que devraient aussi faire les solutions de placement dans les régimes de retraite à cotisation déterminée?

« La technologie utilisée dans l’industrie de la retraite a plus de 50 ans et n’est plus du tout adaptée à la réalité d’aujourd’hui », déplore Mark S. Yamada, président et chef de la direction de PUR Investing, une firme torontoise qui développe des outils pour aider les conseillers en services financiers et les administrateurs de régimes de retraite à gérer plus efficacement leurs placements.

Lors de la conférence annuelle canadienne de l’International Foundation of Employee Benefit Plans, mardi dernier, le gestionnaire de portefeuille a même avancé que les régimes CD pourraient devenir plus efficients que les régimes à prestations déterminées s’ils étaient conçus autrement.

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Pédale au plancher

En rééquilibrant constamment la répartition d’actif des portefeuilles des participants selon une cible fixe ou échelonnée (fonds à date cible), les régimes de capitalisation assument qu’il n’y a aucun risque de taux d’intérêt, de liquidité ou encore d’inflation.

« C’est comme conduire la pédale au plancher dans une voiture qui n’a ni frein, ni volant, image M. Yamada. L’excuse que l’on entend, c’est que le portefeuille va récupérer ses pertes lors du prochain cycle haussier. Mais pour des investisseurs âgés, les possibilités de nouveaux cycles haussiers diminuent de jour en jour. »

Alors, pourquoi ne pas fournir des voitures autonomes aux participants, plutôt que des voitures sans frein ni volant?

Dans le domaine de l’investissement, une voiture autonome pourrait être comparée à un portefeuille dont la répartition est ajustée de façon dynamique selon le risque du marché, de façon à conserver un niveau de risque constant peu importe la conjoncture. À l’image d’une voiture autonome, un tel portefeuille est conçu de façon à éviter les obstacles plutôt que de les percuter.

Selon les projections réalisées par Mark Yamada, un portefeuille ajusté selon le niveau de risque aurait réalisé un rendement de 11,7 % et affiché un ratio de Sharpe de 1,29 entre 2002 et 2017. À titre comparatif, un portefeuille traditionnel composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations aurait enregistré un rendement de seulement 7,0 % et un ratio de Sharpe de 0,51.

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Les fausses promesses des fonds à date cible

Contrairement à ce que la plupart des investisseurs croient, les fonds à date cible ne réduisent d’aucune façon le risque d’un portefeuille, soutient Mark Yamada. En effet, d’après des travaux publiés dans le Rotman International Journal of Pension Management, le niveau de risque d’un fonds à date cible ne diminue pas à mesure que la répartition en titres à revenu fixe augmente. « Les fonds à date cible supposent que le niveau de risque dans le marché est statique, mais on sait très bien que ce n’est pas le cas, on n’a qu’à penser à la crise de 2008-2009 », indique-t-il.

Pour le gestionnaire, la vraie valeur ajoutée des fonds à date cible réside dans le fait qu’ils forcent les participants à diversifier leurs portefeuilles. Par contre, ils ne sont pas conçus pour assurer un certain niveau de remplacement de revenu à la retraite.

Toujours selon le Rotman International Journal of Pension Management, les chances qu’un participant réussisse à obtenir un revenu de remplacement de 70 % à la retraite avec un fond à date cible ne sont que de 52 %. Ces chances grimpent à 80 % avec un portefeuille composé uniquement d’actions, et à 97 % avec une stratégie axée sur le maintien d’un niveau de risque constant. À l’inverse, elles diminuent à 37 % dans le cas d’un portefeuille traditionnel 60-40. Ces données sont obtenues en supposant une contribution annuelle combinée de 9 %, 7 % de rendement, 2 % d’inflation, 40 ans d’épargne et au moins 20 ans de revenu de retraite.

Plutôt que de simplement se baser sur l’âge de départ à la retraite, une stratégie de « risque constant » ajuste la répartition de l’actif en fonction des progrès réalisées dans l’accumulation de capital du participant. Un tel portefeuille peut par exemple prendre un peu plus de risque pour s’assurer que l’objectif de revenu de retraite soit atteint, ou au contraire en prendre un peu moins si l’objectif est en voie d’être surpassé. La même logique peut s’appliquer à la phase de décaissement, ce qui réduit grandement les probabilités que le participant survive à son épargne.

« En s’inspirant des caractéristiques de sécurité et de navigation des voitures autonomes, nous sommes en mesure de concevoir des régimes CD qui permettent d’obtenir un revenu de remplacement similaire à celui des régimes PD. C’est ce que les employés veulent », conclut M. Yamada.

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