Plutôt que de parler d’intelligence artificielle, la Caisse de dépôt et placement du Québec préfère parler d’« intelligence augmentée » pour désigner les différents outils technologiques qu’elle a intégrés à ses processus d’investissement au cours des dernières années. Autrement dit, pas question pour l’institution de remplacer ses analystes par des algorithmes.

« Notre raison d’être est de prendre des décisions d’investissement, et on ne cherche pas à automatiser ces décisions-là avec des machines. On vise plutôt à créer un partenariat humain-machine », a expliqué Hugues D’Escrivan, chef adjoint, Recherche globale à la Caisse lors du Rendez-vous Fintech de CFA Montréal, la semaine dernière.

L’institution applique sa philosophie d’investissement fondamental à long terme à son virage technologique. Ainsi, les nouveaux outils d’IA implantés fournissent aux analystes davantage de données pertinentes sur les entreprises qui les intéresse.

« C’est impossible pour un analyste de lire tous les états financiers et toutes les informations qui existent sur une entreprise, souligne Hugues D’Escrivan. On peut utiliser des algorithmes capables de déterminer ce qui est normal et ce qui est moins normal dans les états financiers. Ces algorithmes identifient ainsi les risques probables auxquels l’entreprise s’expose. »

On peut par exemple tenter d’estimer la croissance future d’une entreprise dans le secteur du commerce de détail en recoupant différentes données sur la performance financière, l’achalandage ou encore l’emplacement géographique des différents magasins grâce à l’intelligence artificielle. « On est ainsi capable d’évaluer si les prévisions de croissance d’une entreprise qui compte ouvrir 1000 nouveaux magasins tiennent la route », affirme M. D’Escrivan.

Signaler les changements

Un outil utilisé par la Caisse est même capable d’analyser des appels conférences effectués sur une période de plusieurs années et de dégager les différents thèmes qui ont été abordés, ou encore signaler s’il y a eu un changement majeur dans les discussions, ce qui peut être mauvais signe. Ces informations permettent ensuite aux analystes d’identifier certains risques auxquels ils n’avaient pas pensé de prime abord.

La capacité des algorithmes à filtrer de gigantesques quantités de données ouvre également de nouvelles possibilités quand vient le temps de comparer des entreprises entre-elles. « Les analystes sont spécialisés dans un secteur en particulier, et comparent généralement des entreprises de ce secteur. L’IA est en mesure d’identifier des entreprises ayant des caractéristiques similaires dans des secteurs que les analystes n’auraient peut-être pas envisagés », explique Mariane Bastien, directrice, Stratégie de portefeuille, marchés boursiers à la Caisse.

Avec l’intelligence artificielle, la Caisse cherche avant tout à avoir une compréhension plus profonde de la façon dont les entreprises créent de la valeur. Elle se distingue ainsi de certains gestionnaires plus quantitatifs qui tentent, à l’aide d’algorithmes, de déterminer les résultats financiers du prochain trimestre.

« Nous sommes dans une optique à plus long terme d’évaluation de la valeur fondamentale, explique Hugues D’Escrivan. L’objectif premier de l’implantation de l’IA n’est pas de générer de l’alpha, mais plutôt de rendre notre processus d’investissement plus efficace et d’aider les gens à prendre de meilleures décisions plus rapidement. »