La banque centrale russe, à Moscou.

Les grandes caisses de retraite partout dans le monde tentent actuellement de vendre les positions qu’elles possèdent dans les obligations et les actions russes, alors que la guerre en Ukraine gagne en intensité. Une opération plus complexe qu’il n’y paraît.

Plusieurs obstacles se dressent en effet devant les investisseurs institutionnels désireux de liquider leurs actifs détenus en Russie, note le Wall Street Journal. Face aux sanctions économiques occidentales, la banque centrale du pays a ordonné lundi la fermeture de la Bourse de Moscou, ce qui empêche les régimes de retraite d’effectuer des transactions sur les titres russes qui y sont inscrits. Plusieurs prestataires de services financiers se sont aussi retirés du marché russe, limitant les possibilités pour les investisseurs de larguer leurs actifs.

Le plus grand régime de retraite de Norvège, KLP, a par exemple expliqué avoir vendu certaines de ses positions russes via la Bourse de Londres, mais est toujours incapable de se débarrasser de celles inscrites à la Bourse de Moscou. « L’intention de vendre est également destinée à envoyer un message du point de vue de l’investissement responsable, même si vous n’êtes pas en mesure d’exécuter immédiatement la transaction », a toutefois nuancé Kiran Aziz, cheffe des investissements responsables à KLP. La caisse de retraite, dont l’actif total atteint 70 G$ US, détient environ 56 M$ US dans 22 sociétés russes des secteurs énergétique et bancaire.

À l’échelle mondiale, les titres russes représenteraient environ 1 % des actifs totaux détenus par les caisses de retraite à travers leurs portefeuilles d’actions internationales, évalue le Wall Street Journal. Les entreprises russes les plus courantes dans les régimes de retraite sont les banques Sberbank et VTB Bank, toutes deux touchées par les sanctions occidentales, ainsi que le géant de l’énergie Gazprom.

Un tel phénomène de désinvestissement avait eu lieu dans les années 1980 pour protester contre l’apartheid en Afrique du Sud.

Accepter les pertes

Tenir à leurs principes pourrait néanmoins coûter cher aux caisses de retraite, vu la forte dépréciation des titres russes depuis le début de l’invasion en Ukraine. Par exemple, les actions et obligations russes détenues par le Maryland State Retirement and Pension System avaient une valeur marchande de 96 M$ US jeudi dernier, comparativement à 197 M$ une semaine auparavant.

Mais même les régimes de retraite prêts à subir des pertes importantes pourraient avoir des difficultés à liquider leurs positions, car les gouvernements appliquent des sanctions et les acheteurs potentiels et les fournisseurs de services financiers se détournent des investissements russes, explique David Kotok, directeur des investissements à Cumberland Advisors.

« Vendre sur un marché qui soit se ferme, soit ne veut pas acheter, soit est soumis à des restrictions, est l’une des choses les plus difficiles que vous puissiez faire. Vous devez avoir un mécanisme de paiement qui ne soit pas interrompu. Même si je suis prêt à prendre 10 cents sur le dollar… comment suis-je payé ? ».

Outre la Caisse de dépôt et placement du Québec, la British Columbia Investment Management Corporation et la Alberta Investment Management Corporation travaillent actuellement à liquider leurs positions sur le marché russe. De nombreux autres régimes aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Danemark, aux Pays-Bas et en Norvège, notamment, ont aussi annoncé vouloir sortir tous les actifs russes de leurs portefeuilles