Le gouvernement du Royaume-Uni subit des pressions croissantes pour abandonner le relèvement prévu de l’âge de la retraite, dont la première phase doit entrer en vigueur à la fin de l’année. En cause, une diminution de l’espérance de vie chez les femmes les plus pauvres du pays.

Dans un rapport publié mardi, le directeur de l’Institute of Health Equity de l’University College, à Londres, Michael Marmot, s’est inquiété du fait que l’espérance de vie des femmes vivant dans les zones les plus défavorisées du Royaume-Uni avait reculé entre 2010 et 2018. Celle des hommes habitant dans les mêmes communautés s’est quelque peu améliorée, mais à un rythme beaucoup plus lent que chez les groupes plus aisés de la population. En fait, l’écart d’espérance de vie entre les zones les plus pauvres et les plus riches du pays serait de près de 20 ans.

Une telle baisse de la longévité sur une aussi longue période n’a pas été observée depuis 120 ans au Royaume-Uni, rapporte le Financial Times. L’austérité gouvernementale qui perdure depuis une décennie serait en cause, suggère le rapport.

Il n’en fallait pas plus pour que l’opposition réclame l’abandon pur et simple du projet de hausse de l’âge légal de la retraite. « Les conservateurs n’ont cessé de relever l’âge de la retraite au pays, alors même que l’austérité a réduit l’espérance de vie », a lancé le député Jack Dromey, porte-parole du Parti travailliste en matière de retraite.

66 ans en octobre, 68 ans en 2037

Selon le projet de réforme prévu, l’âge légal de la retraite passera en octobre de 65 à 66 ans au Royaume-Uni. Il sera ensuite relevé à 67 ans entre 2026 et 2028, et pourrait atteindre 68 ans d’ici 2037.

Une analyse de Willis Towers Watson publiée plus tôt ce mois-ci indiquait que les Britanniques, hommes comme femmes, qui atteindront l’âge de 67 ans en 2028 pourraient vivre en moyenne deux ans et demi de moins que ce qu’indiquaient les dernières projections réalisées en 2014, lorsque la loi sur la hausse de l’âge de la retraite à 67 ans a été entérinée.

Les experts interrogés par le Financial Times estiment toutefois que ce recul de l’espérance de vie dans certains groupes de la population n’aurait pas vraiment d’effets sur la santé financière des régimes de retraite d’employeurs, puisque les travailleurs qui en bénéficient ont généralement des revenus plus élevés que la moyenne de la population, et donc une longévité plus grande.

Partout dans le monde, chercheurs, syndicats et population s’inquiètent des effets pervers d’une hausse de l’âge de la retraite sur les individus les plus vulnérables. Une étude réalisée par l’Institut sur la retraite et l’épargne de HEC Montréal a notamment conclu qu’un report de l’âge d’admissibilité aux prestations du Régime de rentes du Québec pénaliserait les individus qui touchent les plus faibles revenus.