Bien que les régimes de retraite publics du Canada jouissent d’un haut niveau de solidité financière à long terme, ils ne sont pas à l’abri de certaines tensions qui pourraient éventuellement affecter les revenus des retraités, selon une analyse de Morningstar.

La réserve du Régime de pensions du Canada (RPC) a augmenté de 235 milliards de dollars au cours des dix dernières années, à un taux nominal annuel moyen de 9,9 %. Le régime s’est d’ailleurs bien comporté lors de la chute boursière du début de la pandémie et a bien profité de la reprise des marchés depuis. Il détient aujourd’hui un actif total de 476 G$.

Cette réserve n’a pas été utilisée jusqu’à présent pour payer les prestations des bénéficiaires, celles-ci étant entièrement couvertes par les cotisations des employeurs et des employés (9,9 % du salaire). L’Institut C.D. Howe indique en revanche que « les prestations devraient dépasser les cotisations en 2022 », et que les actifs devront commencer à être décaissés pour payer les prestations.

Malgré tout, avec les rendements et les cotisations combinées, la réserve devrait continuer à croître. « Le fonds devrait atteindre 3 000 milliards de dollars d’ici 2050 » prévoit le rapport annuel 2020 de l’OIRPC.

Le directeur parlementaire du budget (DPB) affirme néanmoins que « dans sa structure actuelle, les cotisations projetées ne sont pas suffisantes pour garantir qu’à long terme, le niveau de l’actif du RPC par rapport au PIB canadien revienne à son niveau prépandémique ». Pour assurer la viabilité à long terme du régime, écrit le DPB dans un rapport publié en novembre 2020, une augmentation des cotisations ou une réduction des prestations équivalant à 0,1 % du PIB sera nécessaire.

Le constat est similaire pour le Régime de rentes du Québec (RRQ). Le déficit à long terme se chiffrerait également à 0,1 % du PIB de la province, ou 300 M$. L’actif du RRQ, qui s’élevait à 73 G$ à la fin de 2018, devrait atteindre 548 G$ dans 50 ans. Le taux actuel de cotisation de 10,8 % du salaire des travailleurs devrait cependant permettre de maintenir la viabilité du régime à long terme.

Des pressions sur le budget fédéral

Le portrait est un peu différent pour la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), un programme financé par les revenus courants du gouvernement fédéral et qui ne détient donc pas de réserve de capitalisation. En 2020, les dépenses totales de la PSV s’élevaient à 55,7 G$ (42,7 G$ pour la PSV et 13 G$ pour le Supplément de revenu garanti), ce qui correspond à une part considérable de 16,7 % des recettes totales du gouvernement fédéral (334 G$).

Dans son plus récent rapport actuariel, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) prévoit que les dépenses relatives à la PSV passeront à 123 G$ en 2035, puis à 243 G$ en 2060. Le BSIF compare ces chiffres non pas aux revenus projetés du gouvernement, mais au PIB, affirmant que le ratio des dépenses de la Sécurité de la vieillesse par rapport au PIB évoluera de 2,77 % en 2020 à un sommet de 3,1 % vers 2035, puis retombera graduellement à 2,63 % en 2060, un niveau comparable à son niveau historique du début des années 1990.

Ces projections tiennent toutefois compte d’une multitude de facteurs comme la croissance des salaires, l’inflation, le niveau d’immigration, le taux de chômage et l’espérance de vie. Une variation même minime de l’un de ces facteurs pourrait considérablement modifier les projections dans 50 ans, de façon positive ou négative.

En ce qui concerne le taux de rendement annuel moyen après inflation des placements, l’actuaire en chef du Canada se montre rassurant. Les hypothèses de 3,95 % utilisées par le RPC et de 3,6 % utilisées pour le RRQ sont jugées « très raisonnables » par l’actuaire en chef.

L’endettement massif du gouvernement fédéral en raison de la pandémie inquiète cependant l’Institut C.D. Howe. Malgré une réduction du service de la dette en raison des taux d’intérêt historiquement bas, la hausse projetée des programmes de santé au pays mettra le budget fédéral sous pression. Selon l’institut de recherche, une hausse de l’âge de la retraite à 67 ans, voire même 69 ans, pourrait donner plus de marge de manœuvre au gouvernement et permettrait d’éviter une importante hausse d’impôt ou encore une baisse des prestations de la PSV.