Entrevue avec Scott Powers, président et chef de l’exploitation chez State Street Global Advisors et Peter Lindley, président et chef des placements pour Conseillers en gestion globale State Street au Canada. Nous avons rencontré les deux dirigeants de la société lors d’un dîner causerie présenté à Montréal pour discuter des plus récentes tendances dans l’industrie de gestion de fonds institutionnels.

1. Selon vous, quel est le rôle des gestionnaires de portefeuille aujourd’hui?
S. Powers :
Le rôle premier des gestionnaires de portefeuille est de faire fructifier le capital de ses clients dans les marchés boursiers à travers le monde. Pour nous, l’important est d’établir une relation de confiance avec le promoteur de régime et son conseiller. Bien qu’il soit important que nous travaillons en étroite collaboration avec le conseiller, il ne nous faut jamais oublier que le capital investi appartient au promoteur et que c’est à lui que reviennent les des décisions finales. Les conseillers constituent une source d’expertise inégalée qui doivent en tout temps être au courant de nos faits et gestes et de nos perspectives concernant les marchés.

P. Lindley : Il s’agit d’une belle synergie où chacun a un rôle à jouer. Il importe de partager l’information avec tous les intervenants. Comme gestionnaire, nous nous efforçons d’offrir des solutions personnalisées à nos clients selon leurs besoins précis. Cela peut toucher autant la gestion de risque que l’allocation d’actifs dans le portefeuille.

2. De quelle manière comparez-vous les investisseurs institutionnels canadiens par rapport à ceux du reste du monde?
S. Powers :
Comme nous sommes présents dans 25 pays, je peux donc comparer les investisseurs du monde entier. Les investisseurs institutionnels canadiens se démarquent par leur degré de sophistication. Ils connaissent bien les marchés ainsi que les nuances des différentes classes d’actifs. De plus, ils n’ont pas peur de regarder vers de nouvelles stratégies. Je suis impressionné par leurs connaissances très poussées en matière de placements (matières premières, énergie) et de gestion de devises.

P. Lindley : En effet, les caisses de retraite canadiennes comprennent bien les notions de risque et de diversification. Elles n’ont pas peur d’utiliser des produits dérivés par exemple ou d’invertir dans les produits alternatifs. Et contrairement à d’autres pays, elles ne souffrent pas d’un biais local quant à l’endroit où investir.

3. Comme gestionnaire de portefeuille, quelle importance accordez-vous à la gestion du risque depuis la crise financière? Est-ce que cette crise a changé votre approche?
S. Powers :
Par le passé, nous nous attardons surtout au risque du portefeuille, ce qui est toujours un élément crucial de notre gestion du risque de façon générale. Par contre, aujourd’hui, nous allons plus en analysant le risque sous trois paramètres. D’abord, nous évaluons le risque des placements selon la tolérance au risque de chacun des clients. Ensuite, nous considérons le risque des contreparties, ce qui concerne entre autres les transactions et le crédit de ces contreparties. Enfin, nous avons ajouté le risque d’opération de l’entreprise, qui touche nos systèmes informatiques notamment. C’est en quelque sorte notre contrôle de la qualité à l’interne. Nous mesurons donc le risque de façon plus approfondie que par le passé pour le plus grand bénéfice de nos clients.

P. Lindley : En moyenne, le taux de solvabilité moyen des caisses de retraite canadiennes se situe autour de 90 %. Comme les caisses sont encore en mode «récupération», elles cherchent une allocation de portefeuille axée davantage sur les rendements, tout en tentant de limiter leur exposition au risque. C’est pourquoi on voit des stratégies plus dynamiques concernant la couverture de devises notamment. Plusieurs de nos recherches sur la volatilité nous révèlent que le coût des titres n’a pas toujours un lien avec le rendement espéré. Nous povons donc aider les caisses de retraite dans leur sélection.

4. Les clients sont-ils prêts à mettre en application certaines stratégies dont on parle depuis plusieurs années, comme les stratégies de placement adossées au passif, par exemple?
P. Lindley :
Comme je le disais plus tôt, les caisses canadiennes sont toujours ouvertes à explorer de nouvelles stratégies de placement, et certaines d’entre elles appliquent concrètement ces stratégies lorsque le besoin se fait sentir. Si l’on prend l’exemple des stratégies de placement adossées au passif, la situation déficitaire de la plupart des caisses de retraite retardent son application. Mais d’ici un an ou deux, lorsque les taux d’intérêt long terme auront débuté leur remontée, il faut s’attendre à ce que plusieurs caisses, plus matures, appliquent une stratégie d’immunisation du passif pour protéger leurs actifs.

5. Quelles sont vos perpectives d’investissement pour 2011?
P. Lindley :
Nous nous devons d’être optimistes pour 2011, mais aussi pour les deux ou trois années subséquentes. Nous sommes au milieu d’un cycle de récupération. Mené de plus en plus par les pays émergents, notre économie se transforme sous nos yeux. L’économie européenne est en remontée, alors que la croissance en Amérique du Nord est prometteuse. Maintenant, il faudra voir qu’est-ce qui s’en vient à moyen terme. Ceux qui feront de bonnes prévisions en sortiront vainqueurs.

6. Où faudrait-il investir dans les prochains mois?
P. Lindley :
Le Canada constitue toujours un bon marché pour les caisses de retraite canadiennes en 2011, même si cela peut être parfois légèrement plus dispendieux vu les marchés à la hausse. Le Canada demeure en bonne position sur le point fiscal et la force de ses commodités en fait toujours un endroit de choix pour les caisses de retraite locales. Par ailleurs, depuis deux ans, on observe de nombreux investissements au Canada en provenance de l’étranger, surtout dans les titres à revenu fixe, notamment dans le but de mieux diversifier leur portefeuille.

S. Powers : Sur le plan international, la recherche du rendement a amené les investisseurs à regarder davantage du côté des marchés émergents ces dernières années, mais on observe depus quelques mois, un retour des investissements aux États-Unis. À mon avis, il faut s’attendre à davantage d’investissements dans les marchés émergents dans les prochaines années. Les marchés émergents sont de plus en plus imposants et abritent plus de liquidité que par le passé, ce qui peut entraîner une bulle dans certains cas. Il est donc essentiel d’être dynamique et je m’attends à ce que ces marchés soient plus prévisibles dans les années à venir. Je crois toutefois que les investisseurs devront favoriser une allocation dynamique, en gestion active, pour obtenir de meilleurs rendements tout en limitant leur risque.