Le régime public d’assurance médicaments du Québec pourrait réaliser des économies de 208 millions de dollars sur trois ans s’il adoptait une approche plus agressive en matière de substitution des médicaments biologiques par des biosimilaires.

C’est la conclusion d’un rapport de la firme Aviseo Conseil réalisé pour le compte de Biosimilaires Canada. Ces écomomies seraient possibles si Québec mettait en place une politique de transition supervisée vers les biosimilaires pour tous les patients qui prennent des médicaments biologiques, dans la mesure ou un biosimilaire existe pour leur traitement. À l’heure actuelle, seuls les patients naïfs sont généralement obligés de passer au biosimilaire.

Les économies potentielles pour les régimes d’assurance médicaments privés n’ont toutefois pas été quantifiées dans le cadre de cette étude.

Au Canada, la Colombie-Britannique et l’Alberta se sont dotées de politiques de transition supervisée pour les médicaments biologiques, autant pour les patients naïfs que pour les patients non naïfs. C’est en se basant sur les modèles de ces deux provinces que les projections contenues dans le rapport ont été réalisées.

La majeure partie des économies de 208,3 M$ seraient réalisées grâce à la substitution des médicaments biologiques Remicade (98,9 M$) et Humira (79,3 M$). Des sommes seraient aussi économisées sur les dépenses liées à l’Enbrel (21,2 M$), au Rituxan (6,8 M$) et au Lantus (2,0 M$).

Les prix de l’Inflectra et du Renflexis, deux biosimilaires du Remicade, sont entre 44 % et 48 % moins élevés que celui du médicament biologique de référence, souligne le rapport. Dans le cas de l’Enbrel, les biosimilaires Brenzys et Erelzi offrent un rabais de 33 %.

Puisqu’aucun biosimilaire d’Humira n’est encore disponible, les économies projetées de 79,3 M$ sont calculées en fonction d’un écart de prix de 45 % entre un futur biosimilaire et le médicament biologique de référence. Abbvie, le fabricant d’Humira, s’attend d’ailleurs à ce que les ventes du médicaments chutent d’environ 30 % lors de la mise en marché d’un biosimilaire.

D’autres économies envisageables

L’adoption d’une politique de transition supervisée des patients non naïfs combinée à l’arrivée à échéance des brevets de plusieurs médicaments biologiques pourraient également, dans un proche futur, permettre au régime public de réaliser des économies supplémentaires évaluées entre 115 et 229 M$ sur une période de trois ans.

Plus précisément, les brevets de six médicaments biologiques arriveront à échéance au cours des prochaines années (Eylea, Prolia, Xgeva, Xolair, Lucentis et Stelara). En 2019, les ventes de ces six médicaments ont représenté près de 310 M$ pour le régime public québécois d’assurance médicaments, en hausse de plus de 45 % depuis 2017.

Comme les biosimilaires sont généralement disponibles sur le marché québécois à une date ultérieure à celle sur le marché européen, le rapport d’Aviseo estime les économies perdues en raison d’une année de retard avant l’entrée sur le marché d’un biosimilaire à quelque 95 M$. Des délais supérieurs ne seraient que plus coûteux, tout comme un fabricant qui ferait le choix de ne pas entrer sur le marché québécois, réduisant ainsi la concurrence.

Les politiques restrictives sont efficaces

Les auteurs du rapport soutiennent que la substitution obligatoire est la principale raison pour laquelle le générique a été en mesure de gagner des parts de marché rapidement. Or, l’absence de politique de transition supervisée aurait été recensée par plusieurs études comme étant une barrière à la croissance des parts de marché des biosimilaires.

Certains pays tels que l’Allemagne, la France, la Grèce, l’Italie, le Danemark, la Lettonie et la Lituanie, ont instauré des quotas visant à limiter le pourcentage de patients à qui peuvent être prescrits des médicaments biologiques de référence lorsqu’un biosimilaire est disponible. Une étude publiée en 2020 dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health a démontré l’efficacité d’une telle mesure pour augmenter la part de marché des biosimilaires comparativement à l’absence de politique restrictive. Le régime de quotas est ainsi estimé plus efficace que les mesures de prescriptions prioritaires.

Dans certains pays comme l’Irlande, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, des incitatifs financiers sont aussi utilisé pour stimuler l’utilisation des biosimialaires.

Explosion des coûts liés aux biologiques

Le rapport d’Aviseo indique que les ventes de médicaments biologiques ont presque doublé entre 2009 et 2018. À eux seuls, les 10 médicaments biologiques les plus vendus au Canada en 2018 représentaient 17 % du marché pharmaceutique total. La même année, les médicaments biologiques faisaient l’objet de 1,3 % des réclamations, mais constituaient 29,1 % des coûts.

Au Québec, la part de marché des médicaments biologiques par payeur est légèrement plus élevée pour les régimes publics (47%) que pour les régimes privés (42%).

Le rapport note toutefois que les économies potentielles liées à l’utilisation plus répandue des biosimilaires ne sont pas aussi spectaculaires que celles liées aux médicaments génériques. En effet, si les produits génériques affichent souvent des prix près de 80 % plus bas que le médicament d’origine, les biosimilaires, en raison de coûts de production plus élevés, offrent des réductions de prix plus modestes, entre 15 % et 48 % du prix du médicament d’origine.

« La pratique actuelle du gouvernement permet aux biosimilaires de croître dans le marché des patients naïfs, mais cette politique fait en sorte de renoncer aux pleins bénéfices des biosimilaires, surtout lorsque la maladie traitée requiert une prise du médicament biologique sur une longue période, comme dans le cas des maladies chroniques », concluent les auteurs du rapport.