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Les promoteurs de régimes d’assurance collective ont toujours beaucoup parlé de gestion des coûts des régimes d’assurance. Compte tenu de l’augmentation persistante des coûts de plus de 10 % par année tout au long de la dernière décennie – alimentée par une utilisation accrue des régimes, un désengagement du gouvernement, l’introduction de nouveaux médicaments plus coûteux, les changements démographiques, etc. – la gestion des coûts des régimes semble s’imposer. Quant au dernier ralentissement économique, il n’aura fait qu’amplifier la nécessité de mieux gérer les coûts. Il est maintenant clair que la gestion des coûts des régimes doit être la norme pour les employeurs.

Dans les faits, la gestion des coûts des régimes d’assurance collective relève davantage du mythe que de la réalité, du moins en ce qui a trait aux solutions traditionnelles appliquées à la conception des régimes et au partage des coûts. Mercer gère une base de données canadienne contenant des dispositions d’un peu plus de 3 800 régimes d’assurance collective de ses clients, dont environ 800 pour le Québec. Ce qu’elle nous révèle sur les régimes de soins de santé et de soins dentaires peut être surprenant; certaines différences entre les entreprises du Québec et celles des autres provinces canadiennes peuvent aussi étonner.

Mythe ou réalité?
Les régimes de soins de santé sont assortis d’une franchise : mythe.
En réalité, plus de la moitié (57 %) de ces régimes n’ont pas de franchise, et la plupart des autres régimes prévoient une franchise de 25 $ ou moins montant inchangé depuis des dizaines d’années. La situation au Québec est comparable à celle du reste du Canada.

En raison de l’augmentation du coût des médicaments, les franchises par ordonnance constituent la norme : mythe.
En fait, moins de 20 % des régimes canadiens et québécois inscrits dans la base de données de Mercer prévoient une franchise par ordonnance.

Les plafonds de remboursement des frais d’exécution d’ordonnance sont courants : mythe.
La plupart des régimes canadiens (76 %) ne fixent pas de plafond aux frais d’exécution d’ordonnance. Ce pourcentage est encore plus élevé au Québec, où il se situe à 81 %.

Le coût de la protection médicaments est la plupart du temps partagé avec le demandeur par le biais d’un copaiement ou d’une coassurance importants : mythe.
Au Canada, le pourcentage de coassurance le plus fréquemment observé pour la protection médicaments est de 100 %. Pour les régimes du Québec, les pourcentages de coassurance les plus courants sont 80 % et 90 %, suggérant ici une responsabilisation plus marquée des utilisateurs des régimes.

Le coût des régimes de soins de santé est souvent partagé entre l’employeur et l’assuré : mythe.
Une proportion de 67 % des employeurs canadiens et de 57 % des employeurs du Québec paient toujours la totalité de ces coûts.

Les régimes de soins dentaires sont assortis de plafonds et de franchises : mythe et réalité.
Pour le Québec, environ 39 % des régimes ont une franchise et, dans 58 % de ces cas, celle-ci est d’au plus 25 $ pour une protection individuelle et 50 $ pour une protection familiale, et ces franchises n’ont pas changé depuis des décennies. Seulement 19 % des régimes canadiens comportent de telles franchises.

Les soins dentaires de base sont généralement remboursés à moins de 100 % : mythe et réalité.
Ces soins sont généralement remboursés en totalité au Canada alors que seulement 40 % des régimes du Québec les remboursent à 100 %.

La portion des coûts relatifs aux régimes de soins dentaires payable par les employés est en croissance : mythe.
Elle augmente très lentement; 67 % des promoteurs de régimes au Canada (57 % pour le Québec) paient toujours 100 % de cette protection.

Des perspectives peu réjouissantes
De toute évidence, on ne retrouve pas beaucoup d’éléments de gestion des coûts dans la conception des régimes d’assurance collective. Cela ne signifie pas pour autant qu’aucun promoteur de régimes n’a modifié ses régimes pour gérer leur coût; plusieurs d’entre eux l’ont fait. En fait, les rajustements sont minimes par rapport à l’importance qu’on accorde à la question des coûts de l’assurance collective dans les organisations. En outre, bon nombre de promoteurs de régimes comptent uniquement sur le changement d’assureur pour limiter leurs coûts. Cela a été une stratégie raisonnablement efficace puisque les assureurs se livrent une concurrence acharnée pour soumissionner au plus bas prix et gagner des parts de marché. Au mieux, cette stratégie est incomplète, car le changement d’assureur est aussi une démarche coûteuse qui ne cible pas les principaux inducteurs de l’augmentation des coûts des régimes. Il s’agit aussi d’une méthode qui ne fonctionne qu’un certain temps, jusqu’à ce que les assureurs cessent de jouer le jeu.

Cela dit, les promoteurs de régimes devraient-ils continuer à gérer leurs coûts comme ils l’ont fait par le passé? Bien sûr que non, étant donné que les perspectives ne sont pas réjouissantes : les coûts des régimes d’assurance collective risquent d’augmenter considérablement au cours des prochaines années et ce, à un rythme encore plus rapide.

Des recommandations pour les promoteurs de régimes
Voici donc quelques conseils destinés aux promoteurs de régimes pour qu’ils puissent s’attaquer sérieusement aux problèmes.

« Coût » par rapport à « investissement »En tant qu’organisation, les sommes que vous affectez aux assurances collectives représentent-elles un coût ou un investissement? Il y a là une différence subtile, mais néanmoins importante. Un coût est simplement un montant que vous dépensez pour vous procurer un bien ou un service, et votre objectif global est de payer le moins cher possible. Dans cette optique, si vous affectez 1 000 000 $ à votre régime d’assurance collective, vous auriez peut-être préféré dépenser 800 000 $. En revanche, un investissement génère normalement un rendement, et selon le rendement obtenu, vous pourriez être disposé à mettre plus d’argent (ou moins). La plupart des promoteurs de régimes perçoivent leur régime d’assurance collective comme un coût plutôt qu’un investissement, ce qui est, selon nous, une politique à courte vue. Pourtant, un bon régime d’assurance collective peut améliorer la valeur globale de l’offre aux employés et contribuer à une main-d’œuvre en meilleure santé et plus productive, ce qui représente un rendement pour l’employeur. Le défi consiste donc à quantifier le rendement pour justifier l’investissement.

Déterminez l’objectif à atteindre Quel est l’objectif précis de la gestion des coûts? Est-ce de réduire le coût absolu du régime d’assurance collective, de freiner l’augmentation de ces coûts ou les deux? Et s’agit-il d’un objectif à court, à moyen ou à long terme?

Comprenez les inducteurs de coûts Pour gérer efficacement les coûts d’un régime, vous devez d’abord comprendre les inducteurs de coûts. Quelle part des coûts augmente et comment cette situation pourrait-elle éventuellement changer? Quels leviers pourraient être tirés pour réduire les coûts futurs? Et où pourrait-on obtenir le meilleur rendement? Ce qui est paradoxal, c’est que la plupart des promoteurs de régimes se concentrent sur la diminution des frais de l’assureur plutôt que sur la gestion des coûts des demandes de règlement, là où le rendement potentiel est beaucoup plus élevé.

Agissez Si les coûts des régimes constituent un problème important pour l’organisation, il faut agir en conséquence. Il existe tout un éventail de stratégies de gestion des coûts, toutes différentes en termes de rendement potentiel et de degré d’incidence sur les employés, élément non négligeable de l’équation. Les problèmes seront encore plus importants à l’avenir et ils ne pourront pas être résolus simplement en changeant de compagnie d’assurance.

Appropriez-vous cet enjeu Il s’agit de vos régimes d’assurance collective, de vos employés et des coûts de vos régimes. Vous devez vous approprier ce problème et sa solution. Il est juste et raisonnable de vous attendre à ce que l’assureur vous aide à gérer vos coûts, mais en fin de compte, le problème reste le vôtre. Une gestion efficace des coûts d’un régime d’assurance collective exige un engagement proactif de l’employeur.

Pour l’instant, la gestion des coûts des régimes d’assurance collective relève davantage du mythe que de la réalité, alors que l’augmentation des coûts est un problème croissant pour les organisations à l’échelle du pays. Des mesures à la fois proactives et audacieuses s’imposeront de plus en plus.

Alain Robillard est membre du partenariat et Simon Gamache est conseiller dans le domaine Santé et avantages sociaux de Mercer à Montréal.